CONDUITE À TENIR DEVANT UNE HÉMORRAGIE
Conduite à Tenir Devant une Hémorragie et un Malaise
Introduction
Les hémorragies et les malaises sont des urgences fréquentes rencontrées au cabinet dentaire, nécessitant une prise en charge rapide et efficace. Les actes sanglants font partie intégrante de la pratique courante du chirurgien-dentiste, rendant la gestion des hémorragies une compétence essentielle. De même, les malaises, qu’ils soient de nature vagale, orthostatique ou syncopale, peuvent survenir dans des contextes variés, notamment en raison du stress, de la douleur ou de conditions médicales sous-jacentes. Une approche structurée, basée sur un interrogatoire approfondi, des examens cliniques et paracliniques, ainsi qu’un traitement adapté, est cruciale pour garantir la sécurité du patient.
Les objectifs de ce document sont les suivants :
- Identifier les patients à risque d’hémorragie ou de malaise.
- Gérer efficacement une hémorragie survenant en peropératoire ou en postopératoire.
- Prendre en charge en urgence un patient présentant un malaise.
Hémorragie au Cabinet Dentaire
Importance de la Prise en Charge
Les hémorragies au cabinet dentaire peuvent survenir lors d’extractions dentaires, de chirurgies ou en raison de conditions médicales sous-jacentes. Ces situations, bien que souvent bénignes, peuvent devenir graves si elles ne sont pas maîtrisées rapidement. Une hémorragie non contrôlée peut entraîner une perte de sang significative, une détresse psychologique pour le patient et des complications médicales.
Interrogatoire du Patient
Antécédents Médicaux
L’interrogatoire est une étape clé pour identifier les facteurs de risque d’hémorragie. Les points suivants doivent être systématiquement abordés :
- Traitements en cours :
- Anticoagulants (antivitamines K, héparine).
- Antiagrégants plaquettaires (aspirine, clopidogrel).
- Anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS).
- Médicaments pouvant affecter l’hémostase (chimiothérapie).
- Pathologies sous-jacentes :
- Hypertension artérielle.
- Pathologies hépatiques (hépatite virale, cirrhose).
- Hémophilie ou autres troubles de la coagulation.
- Habitudes de vie :
- Consommation excessive d’alcool (éthylisme chronique).
- Suivi des recommandations postopératoires :
- Le patient a-t-il respecté les consignes après une avulsion dentaire, comme éviter de cracher, de consommer des boissons chaudes ou d’utiliser des bains de bouche de manière excessive ?
Examen Clinique
Un examen clinique minutieux doit être effectué pour détecter des signes de fragilité capillaire, tels que des saignements spontanés cutanés, muqueux ou digestifs. L’inspection de la cavité buccale permet d’identifier des lésions inflammatoires ou des anomalies vasculaires.
Examens Complémentaires
Bilan Radiologique
Un bilan radiologique est indispensable pour identifier les causes locales d’hémorragie. Les examens recommandés incluent :
- Panoramique dentaire : Permet une vue d’ensemble des structures dentaires et osseuses.
- Radiographie rétro-alvéolaire : Utile pour détecter des anomalies spécifiques, comme une fracture de l’alvéole, un apex fracturé laissé dans l’alvéole ou une lésion non curetée.
Bilan Biologique
Un bilan d’hémostase est souvent nécessaire pour évaluer la coagulation du patient :
- Numération formule sanguine (NFS) : Pour détecter une anémie ou une thrombopénie.
- Temps de saignement (TS) : Évalue la fonction plaquettaire.
- Taux de prothrombine (TP) et INR : Mesure l’efficacité des facteurs de coagulation dépendants de la vitamine K.
- Temps de céphaline activée (TCA) : Évalue la voie intrinsèque de la coagulation.
Étiologies des Hémorragies
Causes Générales Directes
- Affections hématologiques : Anémies, thrombopathies, hémophilies, leucémies.
- Malformations artério-veineuses : Anomalies vasculaires locales augmentant le risque de saignement.
- Déficit en vitamine K : Affecte la synthèse des facteurs de coagulation.
- Anomalies vasculaires : Fragilité capillaire ou vascularite.
Causes Générales Indirectes
- Médicaments :
- AINS (ibuprofène, kétoprofène).
- Aspirine ou autres antiagrégants plaquettaires.
- Anticoagulants (héparine, antivitamines K, anticoagulants oraux directs).
- Pathologies systémiques :
- Cirrhose ou hépatite, altérant la production des facteurs de coagulation.
- Éthylisme chronique, entraînant des troubles hépatiques et de la coagulation.
Causes Locales
- Inflammation locale : Une intervention en présence d’une infection ou d’une gingivite augmente le risque de saignement.
- Causes iatrogènes :
- Fracture de l’alvéole dentaire lors de l’extraction.
- Présence d’un apex fracturé ou d’un granulome non cureté.
- Lésions vasculaires comme un angiome.
- Causes post-chirurgicales :
- Perturbation du caillot par des bains de bouche excessifs ou une alimentation inappropriée (trop chaude).
Traitement de l’Hémorragie
Mesures Préventives
Avant tout acte invasif, le praticien doit :
- Réaliser un interrogatoire approfondi sur :
- Les antécédents familiaux et personnels.
- Les interventions chirurgicales antérieures.
- Les saignements spontanés ou répétés (cutanés, muqueux, digestifs).
- Effectuer un examen clinique pour détecter des signes de fragilité capillaire ou d’inflammation locale.
- Vérifier les traitements en cours et ajuster si nécessaire (par exemple, arrêter temporairement l’aspirine en concertation avec le médecin traitant).
Traitement Curatif Général
- Apport des facteurs manquants :
- Administration de vitamine K en cas de déficit (par voie orale ou intraveineuse selon la gravité).
- Transfusion de plasma frais congelé ou de concentrés de facteurs de coagulation pour les hémophilies.
- Suppression des facteurs déclenchants :
- Arrêt temporaire des antiagrégants ou anticoagulants, en concertation avec le médecin traitant.
- Gestion des pathologies sous-jacentes (par exemple, contrôle de l’hypertension).
Traitement Curatif Local
Après avoir identifié et supprimé la cause de l’hémorragie, le praticien dispose de plusieurs outils :
- Hémostatiques locaux :
- Thrombase : Poudre hémostatique favorisant la coagulation.
- Surgicel : Matériau hémostatique résorbable à base de cellulose.
- Collagène résorbable : Pangen ou autres agents favorisant la formation du caillot.
- Colles biologiques (GRF) : Utilisées pour sceller les tissus.
- Antifibrinolytiques :
- Médicaments comme l’Exacyl® (acide tranexamique), le Capramol® ou l’Hémocaprol® pour stabiliser le caillot.
- Gouttières :
- Utilisation de stents, de pâte de Kerr ou de résines pour maintenir une pression locale.
- Moyens chirurgicaux :
- Points de suture pour fermer la plaie et stabiliser le caillot.
Étapes pratiques :
- Nettoyer la plaie avec une compresse stérile pour identifier l’origine de l’hémorragie.
- Si nécessaire, administrer une anesthésie locale avec vasoconstricteur (en l’absence de contre-indications).
- Nettoyer minutieusement l’alvéole pour retirer tout débris ou caillot instable.
- Extraire un éventuel apex résiduel ou cureter une lésion apicale.
- Bourrer l’alvéole avec un hémostatique (Surgicel® ou Thrombase®).
- Appliquer une compression locale avec un paquet de compresses roulées pendant 20 minutes pour favoriser la formation du caillot.
- Vérifier régulièrement l’arrêt de l’hémorragie en changeant les compresses si nécessaire.
- Donner des conseils postopératoires :
- Éviter les aliments ou boissons chaudes.
- Limiter les bains de bouche pour préserver le caillot.
- Surveiller l’apparition de signes d’infection ou de récidive du saignement.
Malaise au Cabinet Dentaire
Introduction
Le malaise est un motif fréquent de consultation, représentant environ 10 % des admissions en médecine d’urgence. Au cabinet dentaire, il peut survenir en raison du stress, de la douleur ou de conditions médicales spécifiques. Le terme « malaise » englobe une variété de situations cliniques, allant de la lipothymie légère à la syncope brutale. Une prise en charge rapide et adaptée est essentielle pour éviter des complications graves, notamment chez les patients à risque.
Définition
Selon la conférence de consensus de la Société Francophone d’Urgence Médicale, un malaise est défini comme :
« Un épisode aigu, régressif, caractérisé par un trouble de la conscience ou de la vigilance (perte de connaissance brève ou lipothymie), avec ou sans hypotonie pouvant être responsable d’une chute. Le retour à l’état antérieur est spontané, rapide ou progressif. »
La lipothymie est une forme légère de malaise, caractérisée par une sensation d’évanouissement imminent, accompagnée de pâleur, sueurs, bourdonnements d’oreilles et troubles visuels. Elle précède rarement une perte totale de conscience.
Physiopathologie
Les malaises résultent d’une perturbation du métabolisme cérébral, liée à un déficit en oxygène ou en glucose. Les mécanismes principaux incluent :
- Interruption de la circulation cérébrale : Par exemple, en cas d’ischémie transitoire.
- Diminution du débit cardiaque : Due à une arythmie ou une insuffisance cardiaque.
- Chute de la pression artérielle : Hypotension orthostatique ou malaise vagal.
- Diminution des substrats énergétiques : Hypoglycémie ou hypoxie.
Types de Malaise
Malaise Vagal
Le malaise vagal est le type le plus fréquent au cabinet dentaire. Il survient souvent dans des situations de stress, de douleur aiguë ou dans une atmosphère surchauffée. Il est plus courant chez les adultes jeunes.
Signes prodromiques :
- Faiblesse musculaire.
- Troubles visuels (brouillard visuel) et auditifs (bourdonnements).
- Pâleur, sueurs froides.
- Sensations vertigineuses.
Évolution :
- Hypotension et bradycardie dues à une activation excessive du système parasympathique.
- Possible perte de connaissance brève en cas de persistance.
Conduite à tenir :
- Stopper immédiatement les soins en cours.
- Prévenir une chute en soutenant le patient.
- Allonger le patient en décubitus dorsal, jambes surélevées.
- Surveiller la respiration et la circulation.
- Rassurer le patient et tamponner son visage avec de l’eau fraîche.
- En cas de persistance ou de récidive, contacter les urgences médicales.
Crise de Spasmophilie
La crise de spasmophilie est liée à une hyperexcitabilité neuromusculaire, souvent déclenchée par l’anxiété ou l’hyperventilation. Elle est plus fréquente chez les femmes.
Signes cliniques :
- Tétanie (spasmes musculaires).
- Paresthésies des extrémités et du visage.
- Hyperventilation entraînant une hypocapnie.
Conduite à tenir :
- Faire respirer le patient dans un sac en papier pour augmenter le CO2 inspiré et corriger l’hypocapnie.
- Rassurer le patient pour réduire l’anxiété.
- En cas de suspicion d’un déséquilibre en calcium ou potassium, envisager un bilan biologique après la crise.
Hypotension Orthostatique
L’hypotension orthostatique survient lors du passage de la position allongée à la position debout, entraînant une redistribution du volume sanguin vers les membres inférieurs (0,5 à 1 L). Cela peut provoquer une ischémie cérébrale transitoire.
Signes cliniques :
- Vertiges, obscurcissement du champ visuel.
- Dérobement des jambes.
- Baisse de la pression artérielle systolique (≥ 20 mmHg) et diastolique (≥ 10 mmHg).
Conduite à tenir :
- Allonger immédiatement le patient pour rétablir la perfusion cérébrale.
- Effectuer un redressement progressif après stabilisation.
- Surveiller les fonctions vitales (tension artérielle, pouls).
- Administrer des sucres rapides et lents par voie orale dès la reprise de conscience.
- Chez les patients sous hypotenseurs, envisager une réévaluation du traitement.
Syncope
La syncope est une perte de connaissance brutale, souvent d’origine cardiaque, survenant préférentiellement chez les sujets âgés avec des antécédents cardiovasculaires (arythmie, troubles de conduction).
Signes cliniques :
- Perte de connaissance soudaine sans prodromes.
- Chute brutale.
- Récupération rapide et complète en quelques minutes, sans séquelles post-critiques.
Conduite à tenir :
- Écarter un arrêt cardiorespiratoire (vérifier pouls et respiration).
- Maintenir le patient allongé et surveiller les paramètres vitaux (fréquence cardiaque, tension artérielle, glycémie).
- Contacter les urgences médicales pour une évaluation cardiologique.
- En cas de récidive ou de symptômes associés (dyspnée, douleurs thoraciques), hospitalisation immédiate.
Conseils Postopératoires Généraux
- Pour les hémorragies :
- Éviter les aliments chauds, les boissons gazeuses et les bains de bouche excessifs.
- Surveiller les signes de récidive (saignement persistant, hématome).
- Pour les malaises :
- Repos en position assise ou allongée après l’épisode.
- Éviter les mouvements brusques ou le passage rapide à la position debout.
- Chez les patients à risque (diabétiques, hypertendus), surveiller la glycémie et la tension artérielle.
Conclusion
La gestion des hémorragies et des malaises au cabinet dentaire repose sur une approche systématique : interrogatoire approfondi, examens complémentaires, identification des causes et traitement adapté. Une bonne préparation, incluant la connaissance des antécédents médicaux et des traitements en cours, permet de prévenir la majorité des complications. En cas de situation grave ou persistante, une coordination avec les services d’urgence est indispensable pour garantir la sécurité du patient.
Voici une sélection de livres:
- Guide pratique de chirurgie parodontale Broché – 19 octobre 2011
- Parodontologie Broché – 19 septembre 1996
- MEDECINE ORALE ET CHIRURGIE ORALE PARODONTOLOGIE
- Parodontologie: Le contrôle du facteur bactérien par le practicien et par le patient
- Parodontologie clinique: Dentisterie implantaire, traitements et santé
- Parodontologie & Dentisterie implantaire : Volume 1
- Endodontie, prothese et parodontologie
- La parodontologie tout simplement Broché – Grand livre, 1 juillet 2020
- Parodontologie Relié – 1 novembre 2005
CONDUITE À TENIR DEVANT UNE HÉMORRAGIE

Dr J Dupont, chirurgien-dentiste spécialisé en implantologie, titulaire d’un DU de l’Université de Paris, offre des soins implantaires personnalisés avec expertise et technologies modernes.

