PROTHESE ADJOINTE TOTALE UNIMAXILLAIRE
Prothèse Adjointe Totale Unimaxillaire
Introduction
La réalisation d’une prothèse amovible complète unimaxillaire opposée à une arcade partiellement ou totalement dentée pose de nombreuses difficultés. Il existe tout d’abord une différence de sustentation entre les deux arcades, à l’origine de forces excessives transmises à la crête édentée, pouvant engendrer un certain nombre de conséquences néfastes telles que :
- Les blessures sous-prothétiques,
- Les fractures de la prothèse amovible complète,
- Les résorptions excessives de la crête édentée suivies d’une instabilité prothétique.
La réhabilitation occlusale par l’intermédiaire d’une prothèse adjointe complète unimaxillaire supérieure en rapport avec une arcade dentée mandibulaire nécessite une analyse approfondie du plan d’occlusion et une correction impérative des perturbations de ce dernier par un remodelage de la surface occlusale de l’arcade antagoniste. La morphologie, la nature et la position des dents restantes limitent et compliquent le choix des dents prothétiques et celui du montage.
Édentation Totale Unimaxillaire Opposée à une Édentation Naturelle Complète
Éléments Généraux de Diagnostic
Le Sexe
L’appareillage sera plus aisé chez une femme que chez un homme. Les facultés d’adaptation sont plus développées chez les femmes. Chez les hommes, il existe moins de capacité naturelle à supporter un corps étranger. Par ailleurs, des habitudes de mastication plus puissantes soumettent la surface d’appui supérieure à des pressions excessives.
L’Âge
Plus le patient est âgé et édenté de longue date, moins il ressentira la nécessité de cette restauration et plus les difficultés d’adaptation seront importantes.
Le Comportement
Le comportement du patient doit également influencer notre plan de traitement. Il est essentiel de rechercher les raisons qui l’ont conduit à consulter tardivement.
- Si le réflexe nauséeux a constitué la raison majeure de son édentation prolongée, un traitement médicamenteux local ou général doit être entrepris.
- Si une allergie est invoquée par le patient, des tests seront pratiqués.
Éléments Locaux de Diagnostic
Valeur Prothétique de la Surface d’Appui
La surface d’appui sera soumise à des pressions supérieures à celles qui s’exerceraient sur elle si l’arcade inférieure était artificielle. La direction des forces est également différente, projetée en autant de directions qu’il y a de dents naturelles. Opposée à une telle menace pour son intégrité, la surface d’appui peut se présenter sous des aspects différents, imposant une technique d’empreinte adaptée.
Tonicité des Organes Périphériques
La disparition du rempart alvéolo-dentaire favorise une infiltration cellulaire importante qui comble l’espace passif utile réservé à la prothèse. La langue s’étale et recouvre l’arcade inférieure, perturbant le mécanisme de la déglutition. La dimension verticale est réduite, et l’espace de Donders a disparu. Une mise en condition tissulaire et articulaire s’impose avant tout appareillage, réalisée par le biais d’une prothèse transitoire.
Schéma Occlusal de l’Arcade Naturelle Inférieure
En prothèse complète unimaxillaire, les fréquentes perturbations occlusales liées à l’arcade dentée imposent une analyse de l’orientation du plan d’occlusion prothétique. Cette analyse révèle très souvent une perturbation qu’il faut corriger. L’objectif de cette correction est d’obtenir une répartition harmonieuse des charges occlusales ainsi qu’une stabilité prothétique en relation centrée et lors des mouvements de diduction.
Technique de la Calotte Sphérique
La calotte sphérique manuelle détermine une courbe occlusale « idéale ». Voici les étapes :
- Faire un moulage de l’arcade dentée.
- Mettre en place la calotte au niveau du repère anatomique postérieur (1/2 du trigone rétromolaire), puis rabattre sa face convexe sur les surfaces occlusales des dents mandibulaires.
- Cette méthode renseigne sur les anomalies de position des cuspides des dents inférieures, permettant de déceler et d’éliminer les cuspides en malposition.
Note : La surface occlusale des dents postérieures doit être tangente à la calotte sphérique. Dans le cas d’une perturbation du plan d’occlusion, cette méthode permet d’évaluer les sous-occlusions ou les sur-occlusions existantes.
Une coronoplastie s’impose dans la majorité des cas, appelée « remodelage » et « polissage ». Le but final est de rétablir un contact généralisé entre toutes les cuspides et la calotte sphérique. Dans les cas d’extrusion trop importante des dents sans antagonistes, on aura recours à la dépulpation et à la confection de coiffes coulées. Si l’espace inter-arcade est trop réduit, prévoir la suppression des deuxièmes molaires sur la prothèse.
Choix des Dents Antérieures et Postérieures
Choix des Dents Antérieures
Le choix des dents antérieures risque de soulever une controverse avec le patient. Elles devront avoir la même teinte que les dents inférieures. Leur montage doit toujours respecter la relation intermaxillaire du patient. Les impératifs sont les suivants :
- Ne jamais chercher à normaliser le rapport inter-arcade. En cas de prognathie inférieure, monter les dents antérieures dans leur position d’origine pour éviter un déséquilibre permanent et un effondrement du bord antérieur.
- En cas de rétrognathie inférieure, éviter de lingualer les dents antérieures pour ne pas perturber les phénomènes phonétiques (« Fe et Ve », « Te et De », sifflantes « Se et Che »).
- En prothèse complète unimaxillaire, le contrôle occlusal doit être fréquent, car l’égression possible des dents restantes, surtout du groupe incisivo-canin inférieur, peut générer une instabilité occlusale et une résorption osseuse importante liée à la surcharge antérieure.
- La crête antérieure maxillaire risque de se transformer en « crête flottante », très défavorable au confort et à la stabilité prothétique. Les contacts antérieurs apparus en relation centrée après cette égression doivent être supprimés pour conserver une béance entre les dents naturelles antérieures et la prothèse.
Choix des Dents Postérieures
Le choix et le montage des dents postérieures comportent également des problèmes. Les habitudes de mastication se traduisent par une abrasion plus ou moins prononcée des cuspides des molaires naturelles. L’anatomie occlusale des dents naturelles renseigne sur le type de mastication et oriente le choix de la morphologie des dents prothétiques, qui sera plutôt plate ou cuspidée selon le niveau et le type d’abrasion.
Pour maintenir une occlusion fonctionnelle et préserver l’intégrité des structures occlusales des dents prothétiques et naturelles, il est recommandé d’opposer des matériaux de dureté et de résistance à l’usure équivalentes. Les dents en céramique peuvent être opposées aux dents naturelles sans trop de risque d’altération. La grande résistance à l’usure de la céramique incite à choisir ce matériau.
En prothèse complète unimaxillaire, le diamètre vestibulolingual des dents prothétiques doit tenir compte de la largeur de la table occlusale des dents antagonistes. En prothèse complète bimaxillaire, le décalage entre la résorption centripète du maxillaire et centrifuge de la mandibule se traduit par une inclinaison de l’axe inter-crête dans le plan frontal, compromettant les règles habituelles du montage fonctionnel, qui préconisent de placer les dents sur le sommet de la crête, surtout à la mandibule.
Un compromis entre esthétique et fonction est possible grâce à un montage en dehors des crêtes, essentiellement au maxillaire, parfois toléré, permettant de compenser la résorption osseuse. En prothèse complète unimaxillaire supérieure, l’inclinaison importante de l’axe inter-crête (voir Figure 12a, b) résultant de la différence de dimension entre les deux arcades (voir Figure 13) impose parfois un montage croisé avec risque de morsure linguale et jugale. La stabilité occlusale serait mise en péril par un montage conventionnel, car les dents maxillaires se projetteraient complètement en dehors des crêtes.
Pour une occlusion « totalement équilibrée », on aura recours à la création d’une courbe de compensation dans le plan sagittal et frontal pour récupérer des contacts postérieurs équilibrants lors des mouvements de propulsion et de latéralité. La réalisation de telles courbes au niveau de l’arcade dentée pose des difficultés, car elle réclame des corrections occlusales souvent refusées par le patient.
Édentation Totale Supérieure Opposée à une Édentation Partielle Inférieure
Rapports Observés entre l’Arcade Supérieure Édentée Totalement et l’Arcade Inférieure Édentée Postérieurement
Avant tout plan de traitement, deux préalables s’avèrent indispensables :
- Déterminer de façon précise la relation intermaxillaire grâce à une évaluation correcte de la dimension verticale et de la relation centrée.
- Transférer cette relation sur un articulateur.
L’examen sera conduit dans les trois plans de l’espace :
Dans le Plan Frontal
- Région antérieure : Apprécier la distance séparant le bord libre des incisives inférieures du rebord alvéolaire supérieur ; elle doit être au moins égale à 4 mm.
- Région postérieure : Apprécier l’inclinaison des axes inter-alvéolaires et la situation des tubérosités. Elle est idéale lorsque chaque tubérosité se trouve à égale distance du plan d’occlusion et au minimum à 3 mm de ce dernier. Lorsque les distances sont inégales, le montage est mal équilibré, et la charge occlusale est mal répartie. La chirurgie pré-prothétique est conseillée.
Tout contact entre tubérosités et plan d’occlusion doit se traduire soit par une surélévation de la dimension verticale (lorsque celle-ci est tolérée), soit par la suppression des deuxièmes molaires artificielles.
Dans le Plan Sagittal
Dans la région antérieure, l’un des trois aspects inter-arcades peut être mis en évidence :
- Une pro-alvéolie supérieure opposée à une rétrognathie inférieure.
- Une rétro-alvéolie supérieure opposée à une prognathie inférieure.
- Une relation normale entre les deux maxillaires.
Dans la région postérieure, observer la relation entre tubérosités et papilles rétromolaires, ainsi que l’orientation des segments édentés supérieur et inférieur. Un espace de 3 mm entre tubérosités et papilles rétromolaires est nécessaire. Si cet espace est insuffisant, la dimension verticale sera augmentée dans les limites de tolérance, ou un remodelage prudent des tubérosités sera envisagé.
Dans le Plan Horizontal
En raison de la résorption centripète du maxillaire et centrifuge de la mandibule, trois relations peuvent se présenter :
- Une arcade édentée supérieure peu résorbée, se projetant horizontalement en dehors de l’arcade inférieure dans sa portion située entre la 1ère molaire inférieure droite et son homologue gauche. C’est le cas le plus favorable, le diagnostic est positif.
- Une arcade édentée supérieure au stade moyen de résorption, se projetant à l’intérieur de l’arcade inférieure très près de la ligne faîtière.
- Une arcade édentée supérieure au stade avancé de la résorption, se projetant à l’intérieur de l’arcade inférieure. Le pronostic est toujours réservé et impose un traitement particulier.
Comment Résoudre Ces Cas par un Traitement le Plus Approprié
Traitement Pré-Prothétique
En général, le patient se présente avec une dimension verticale réduite, caractérisée par un proglissement mandibulaire et un abaissement des commissures. Une mise en condition musculaire et articulaire sera conduite à l’aide d’une prothèse transitoire.
Le traitement pré-prothétique peut être chirurgical, concernant :
- La régularisation des crêtes,
- La correction de tori mandibulaires ou de toutes exostoses douloureuses,
- Le remodelage du rebord alvéolaire supérieur dans sa région antérieure.
Le remodelage des tubérosités interviendra si elles sont de volume inégal, lorsqu’elles interfèrent avec le plan d’occlusion ou avec les papilles rétromolaires.
Traitement Prothétique
- Empreinte secondaire du maxillaire supérieur : Elle sera analytique et sous pression digitale.
- Empreinte préliminaire inférieure : Une empreinte analytique anatomo-fonctionnelle sera adoptée après régularisation du bord libre des dents naturelles restantes.
- Orientation du plan d’occlusion : Elle sera abordée de façon classique.
- Enregistrement de la relation centrée : Il risque d’être perturbé par le réflexe de propulsion dû à la persistance du bloc incisivo-canin inférieur. Il faut supprimer tout contact antérieur par une hauteur suffisante des bourrelets, au niveau des segments édentés, afin de solliciter le réflexe d’occlusion le plus postérieur et le plus physiologique.
Au maxillaire inférieur : Une prothèse rigide à appui indirect contribue à la stabilité de la prothèse supérieure. Les conditions favorables sont :
- Une fibro-muqueuse dense recouvrant le segment édenté, apte à supporter les efforts de la mastication,
- Des dents restantes fermement implantées dans un os dense et un parodonte sain,
- Un rebord alvéolaire postérieur vaste et peu résorbé,
- Des tubercules rétromolaires jouant un rôle positif dans la stabilisation des selles.
Le tracé de la plaque s’effectuera en respectant les indices biologiques positifs et négatifs mis en évidence à l’examen clinique. Un arc d’immobilisation sera constitué par une barre cingulaire de 1,6 mm de largeur et 1 mm d’épaisseur. Un arc de stabilisation ou barre linguale aura une largeur de 4,6 mm et une épaisseur de 2 mm. Les selles seront aussi larges que possible, et les tubercules rétromolaires seront recouverts par la base de la prothèse.
Figure : Les tubercules rétromolaires sont recouverts par la base de la prothèse ; les crochets sont rupteurs de pression.
Figure : Les selles sont aussi larges que possible, une disjonction est ménagée en raison des différences de résilience existant entre les segments édentés et le parodonte des dents restantes.
Conclusion
La construction d’une prothèse complète supérieure en rapport avec une arcade inférieure édentée postérieurement implique plus de problèmes que n’importe quelle autre restauration prothétique. Elle impose :
- Un diagnostic précis,
- Un traitement pré-prothétique comportant une mise en condition tissulaire sous toutes ses formes,
- L’ajustement occlusal des dents restantes,
- Le choix judicieux des dents (forme, anatomie occlusale),
- Le choix du schéma occlusal,
- Des contrôles ultérieurs.
Ces éléments conditionnent favorablement la réussite du traitement prothétique d’un patient totalement édenté au maxillaire ayant conservé ses dents naturelles à la mandibule. La stabilité et le confort prothétiques, assurés par le rétablissement d’un plan occlusal correct, favorisent l’intégration fonctionnelle de la prothèse.
Une reconstruction occlusale optimale contribue à la préservation de l’intégrité tissulaire en limitant les risques de traumatisme excessif au niveau de la crête maxillaire résiduelle. Une prothèse complète unimaxillaire supérieure opposée à une arcade dentée naturelle implique des forces importantes exercées sur la crête édentée, pouvant se révéler exagérées en cas de réhabilitation occlusale incorrecte, à l’origine de nombreuses douleurs.
Les difficultés occlusales des restaurations prothétiques amovibles complètes unimaxillaire supérieures opposées à une arcade totalement dentée sont liées aux perturbations fréquentes du plan d’occlusion qu’il faut impérativement corriger pour assurer la stabilité prothétique, ainsi qu’à la situation et à l’anatomie des surfaces occlusales naturelles antagonistes, qui conditionnent le choix des dents prothétiques et celui du schéma occlusal.
Figure
Voici une sélection de livres:
- Guide pratique de chirurgie parodontale Broché – 19 octobre 2011
- Parodontologie Broché – 19 septembre 1996
- MEDECINE ORALE ET CHIRURGIE ORALE PARODONTOLOGIE
- Parodontologie: Le contrôle du facteur bactérien par le practicien et par le patient
- Parodontologie clinique: Dentisterie implantaire, traitements et santé
- Parodontologie & Dentisterie implantaire : Volume 1
- Endodontie, prothese et parodontologie
- La parodontologie tout simplement Broché – Grand livre, 1 juillet 2020
- Parodontologie Relié – 1 novembre 2005
PROTHESE ADJOINTE TOTALE UNIMAXILLAIRE

Dr J Dupont, chirurgien-dentiste spécialisé en implantologie, titulaire d’un DU de l’Université de Paris, offre des soins implantaires personnalisés avec expertise et technologies modernes.