La plaque bactérienne
Table of Contents
- La Plaque Bactérienne
- Introduction
- Historique
- Définition
- Classification des Dépôts
- Les Dépôts Durs
- Les Dépôts Mous
- Formation du Biofilm
- Formation de la Pellicule Acquise
- Colonisation
- Maturation du Biofilm
- Classification de la Plaque Bactérienne
- Plaque Supra-gingivale
- Plaque Sous-gingivale
- Biofilm des Sillons Occlusaux
- Les Facteurs Favorisant l’Accumulation du Biofilm
- Composition du Biofilm
- La Matrice Extracellulaire
- Partie Cellulaire : Les Bactéries
- Action Pathogène du Biofilm Bactérien
- Les Produits du Métabolisme Bactérien
- Les Enzymes
- Les Toxines
- Les Antigènes
- L’Invasion Microbienne
- Le Devenir du Biofilm (Transformation en Tartre)
- Mise en Évidence de la Plaque Bactérienne
- Clinique
- Au Laboratoire
- Conclusion
- Bibliographie
La Plaque Bactérienne
Introduction
Actuellement, le rôle étiopathogénique de la plaque dentaire dans l’apparition des caries et des parodontopathies reste indiscutable. La maladie parodontale est un problème majeur dans la pratique dentaire moderne et constitue la cause principale de la perte des dents chez les adultes.
Historique
L’existence des dépôts dentaires est connue depuis longtemps. Voici quelques jalons historiques :
- RHAZI (né en 850) : il écrit que « les dents sont sujettes à des dépôts, au noircissement et à la saleté ».
- ABOU EL KASSIS (913-1013) : il reconnut qu’il existait une relation entre le tartre et les gingivopathies, et traitait les parodontopathies par un détartrage.
- GREEN-VARDIMAN BLACK (1898) : il a le mérite d’utiliser pour la première fois le terme « plaque microbienne ».
Définition
- Selon LOE : la plaque bactérienne est un dépôt mou, non calcifié, bactérien qui se forme sur les dents insuffisamment nettoyées.
- Selon FRANK : c’est une jungle microbienne extrêmement polymorphe comprenant des bactéries aérobies et anaérobies reliées par une matrice intermicrobienne ou intercellulaire, accolées à la surface de l’émail par la pellicule acquise amorphe (PAE), d’origine salivaire. On y trouve aussi des cellules épithéliales desquamées et des leucocytes.
Classification des Dépôts
Les Dépôts Durs
Le Tartre
Définition
Le tartre est une masse adhérente, calcifiée, qui se forme sur la surface des dents naturelles et des prothèses dentaires. Il provient de la minéralisation de la plaque bactérienne par précipitation des sels minéraux provenant de la salive.
Différents Types
Le tartre est classifié selon sa relation au rebord gingival :
- Tartre supra-gingival (sus-gingival) : visible à l’œil nu, de couleur habituellement blanc ou blanc jaunâtre.
- Tartre sous-gingival : dense et dur, de couleur marron foncé ou noir verdâtre, de consistance semblable à celle du silex. Il peut être mis en évidence par une sonde, un jet d’air, ou par transparence (gencive).
Pigmentations
Définition
Ce sont des dépôts colorés sur la surface des dents, résultant de la pigmentation par des bactéries chromogènes, des aliments, des produits chimiques ou des cuticules dentaires.
Les Dépôts Mous
La Pellicule Acquise
C’est un film translucide :
- Acquise : se constitue en quelques minutes dès l’éruption de la dent.
- Hétérogène : d’origine salivaire.
- Amicrobienne : ne contient pas de bactéries.
Elle se forme sur les dents récemment nettoyées, contenant des glycoprotéines salivaires, certains sucres et lipides. Elle joue plusieurs rôles :
- S’oppose à la décalcification de la dent.
- Permet la colonisation des bactéries.
Matéria Alba
C’est un dépôt mou et collant, de couleur blanc grisâtre ou jaune, dont l’adhésivité est moindre que celle de la plaque. Elle est visible sans solution révélatrice. Elle peut se former en quelques heures sur des dents récemment nettoyées et peut être éliminée par un jet d’eau. Elle est constituée de micro-organismes, de cellules épithéliales desquamées, de leucocytes, ainsi que d’un mélange de protéines salivaires et de lipides, avec peu ou pas de débris alimentaires.
Les Débris Alimentaires
Ce sont des résidus de repas, aisément éliminés par un rinçage ou par l’action mécanique de la langue, des joues, des lèvres, ainsi que par la forme et l’alignement des dents.
Le Biofilm Bactérien
C’est un dépôt mou, granuleux, amorphe, qui s’accumule sur les faces des dents, sur les restaurations dentaires et sur le tartre. Il est constitué de bactéries structurées reliées par une matrice intercellulaire incluant des leucocytes, macrophages et cellules épithéliales.
Formation du Biofilm
La plaque dentaire se forme sur des surfaces préalablement recouvertes par des dépôts salivaires ou une pellicule acquise. Selon certains auteurs, l’accolement bactérien peut se faire directement sur les cristaux d’hydroxyapatite. Elle peut aussi se déposer directement sur la surface de la dent ; les deux situations peuvent survenir sur des zones adjacentes de la même bouche.
Formation de la Pellicule Acquise
Phase n°1 : Au bout de deux heures, les glycoprotéines salivaires se déposent sur les surfaces dentaires. Une adsorption sélective des protéines salivaires par l’hydroxyapatite de l’émail suit, les protéines se liant solidement au calcium de la surface de l’émail.
Phase n°2 : Passage d’une phase protéinique soluble dans l’eau à une phase insoluble, avec dépôt de couches successives de mucines salivaires.
Figure 1, 2 : Glycocalyx
Colonisation
La Séquence
Au début, il y a l’accolement de cocci gram-positifs aérobies à la pellicule acquise, grâce à leur capacité à produire des dextranes et des lévanes. La flore bactérienne, initialement aérobie, se transforme en une flore anaérobie :
- 0-2 jours : Pellicule acquise, cocci gram-positifs aérobies et bâtonnets (streptocoques mitis, sanguis, mutans).
- 2-4 jours : Filaments et fusiformes.
- 4-9 jours : Spirilles et spirochètes.
L’Adhérence Bactérienne
Définition
« L’adhésion est le processus dynamique permettant à une bactérie de passer de l’état libre à l’état fixé » (C. Mouton, 1994).
Les Surfaces en Présence
- Surfaces buccales :
- Tissus mous : Par un renouvellement perpétuel et une desquamation des cellules superficielles, les bactéries ne trouvent pas de base stable pour adhérer.
- Tissus durs : Représentés par l’émail.
- Surfaces bactériennes :
- Glycocalyx : Matrice hydratée constituée de fibres polysaccharidiques entremêlées, adhérant aux surfaces inertes et vivantes.
Figure 2 : Glycocalyx - Fimbriae : Appendices extracellulaires responsables de l’adhérence bactérienne, constitués de protéines polymérisées sous forme de filaments.
Figure 3 : Fimbriae - Acide lipoteichoïque : Molécule linéaire intégrée à la paroi bactérienne des gram-positifs, amphipathique, avec un domaine hydrophile glucidique et un domaine hydrophobe lipidique. La partie lipidique est insérée dans la membrane cytoplasmique, tandis que la partie glucidique émerge dans la paroi.
Figure 5 : Acide lipoteichoïque - Pilis : Appendices extracellulaires responsables de la conjugaison bactérienne, constitués de protéines (piline).
Caractéristiques Physicochimiques de l’Adhérence Bactérienne
- Forces répulsives : Les phospholipides de l’émail et les protéines de la pellicule acquise, riches en groupements acides polaires chargés négativement, tout comme la surface bactérienne, engendrent des forces électrostatiques de répulsion.
- Forces électrodynamiques : Forces attractives de Van der Waals, dont le rayon d’action est supérieur à celui des forces répulsives, favorisant l’éloignement des bactéries à une distance définie.
- Interactions électrostatiques : Les cations divalents (Ca++) établissent des ponts entre les charges négatives des surfaces dentaires et bactériennes.
Figure 7 : Caractéristiques physicochimiques
Maturation du Biofilm
La maturation se fait grâce à la prolifération bactérienne et au développement de la matrice intercellulaire, conséquence directe du métabolisme bactérien. La plaque s’épaissit au fur et à mesure que les couches bactériennes se déposent et est considérée comme mature après environ 30 couches.
Classification de la Plaque Bactérienne
Figure 8 : Classification de la plaque bactérienne
Plaque Supra-gingivale
Se développe sur le tiers cervical des dents, avec une épaisseur maximale à la base cervicale, décroissant vers la ligne du plus grand contour.
Plaque Sous-gingivale
Elle abrite le sillon gingivo-dentaire et la poche parodontale, en continuité avec la plaque supra-gingivale. On distingue deux parties :
- Partie attachée : En continuité avec la plaque supra-gingivale, en contact avec la surface dentaire, s’étendant jusqu’au fond de la poche. Très cariogène.
- Partie non attachée : En contact avec l’épithélium de la poche.
Biofilm des Sillons Occlusaux
C’est une plaque très cariogène (sillons et fossettes), contenant des streptocoques acidogènes et des lactobacilles produisant des acides.
Les Facteurs Favorisant l’Accumulation du Biofilm
Voir Cours N°1.
Composition du Biofilm
La plaque bactérienne est constituée d’une matrice extracellulaire et de bactéries.
La Matrice Extracellulaire
Fraction acellulaire, composée de 80 % d’eau, 20 % de matière minérale et organique.
Matrice Organique
- Glucides (30 %) : Généralement d’origine bactérienne, formés de polysaccharides et d’enzymes.
Exemples :
- Dextrane (9,5 %) + glycosyltransférase : rôle dans l’adhérence bactérienne.
- Lévane (0,4 %), galactose (2,6 %).
- Protéines (30 %) : Proviennent du milieu buccal, synthétisées par les bactéries à partir d’acides aminés issus de la dégradation des protéines cellulaires et extracellulaires.
Exemples :
- Collagénase : détruit le collagène.
- Phosphoprotéines phosphatases : coupent les liaisons phosphoprotéines, libérant calcium et phosphate.
- Lipides (15 %) : Les bactéries de la plaque assurent la biosynthèse de toutes les catégories de lipides (dégradation, raccourcissement, désaturation, saturation).
Exemples :
- Hyaluronidase : scinde l’acide hyaluronique.
- Chondroïtine sulfatase : assure la scission de chondroïtine.
- Glucuronidase et hexamidase : achèvent la dégradation.
Matrice Minérale Inorganique
Elle augmente lors de la transformation de la plaque en tartre. Parmi ses constituants : calcium (Ca++), phosphore, fluor, et traces de sodium (Na) et potassium (K).
- Calcium et phosphore : leur augmentation favorise la formation du tartre.
- Fluor : inhibe l’adhérence bactérienne.
L’Eau
Représente 80 % de la matrice.
Partie Cellulaire : Les Bactéries
- Plaque des sillons :
- Lactobacilles (0,01 %).
- Streptocoques anaérobies (27 %).
- Bactéries filamenteuses (23 %).
- Corynébactéries (18 %).
- Plaque supra-gingivale :
- Streptocoques anaérobies facultatifs (27 %).
- Corynébactéries anaérobies facultatives (23 %).
- Corynébactéries anaérobies (18 %).
- Peptostreptocoques (13 %).
- Flore de Veillonella (6 %).
- Bactéroïdes (4 %).
- Fusiformes (4 %).
- Neisseria (3 %).
- Vibrions (2 %).
- Spirochètes (< 1 %).
- Plaque sous-gingivale : Contient un pourcentage plus élevé d’anaérobies et de bactéries mobiles.
- Partie attachée : Riche en bâtonnets anaérobies facultatifs et cocci gram-négatifs.
- Partie non attachée : Bactéries mobiles, surtout anaérobies et spirochètes.
Gram Positifs | Gram Négatifs |
---|---|
Cocci aérobies : 28,5 % | Cocci aérobies et anaérobies facultatifs : 0,4 % |
Cocci anaérobies : 7,4 % | Cocci anaérobies : 10,7 % |
Bacilles aérobies et anaérobies facultatifs : 15,3 % | Bacilles anaérobies facultatifs : 1,2 % (Actinobacillus actinomycetemcomitans, Capnocytophaga, Eikenella corrodens) |
Bacilles anaérobies : 16 % | |
Spirilles : 1-3 % |
Action Pathogène du Biofilm Bactérien
La plaque bactérienne exerce son effet pathogène grâce à la libération d’enzymes, de toxines, d’antigènes, de certains produits de son métabolisme et à la capacité de certains germes d’envahir les tissus du parodonte.
Les Produits du Métabolisme Bactérien
La plaque emprunte deux voies métaboliques : la dégradation des glucides et celle des protéines.
- Acides issus du glycocalyx : Déminéralisent les tissus durs, entraînant la formation de caries.
- Activité protéolytique dominante : Élévation du pH, accumulation d’ammoniaque et d’hydrogène sulfuré (cytotoxiques) et d’amines favorisant la formation du tartre à partir des sels salivaires.
Les Enzymes
Plusieurs enzymes bactériennes ont été identifiées : kératinase, glucuronidase, hyaluronidase, protéase, collagénase, phosphatase, chondroïtine sulfatase, élastase, etc. Ces enzymes provoquent :
- Une altération de la barrière épithéliale.
- Une dégradation et lyse de la substance fondamentale.
- Une brèche épithéliale favorisant le passage d’autres enzymes et toxines, déclenchant l’inflammation.
Les Toxines
Sous l’action des enzymes, une brèche dans la barrière épithéliale permet la pénétration des toxines, entraînant une réaction inflammatoire dans le tissu conjonctif.
Les Antigènes
Les substances antigéniques bactériennes se trouvent dans les lipides de la paroi bactérienne, de la membrane cytoplasmique, des flagelles et de la capsule. Les antigènes peuvent ne pas être totalement inhibés par les réactions immunitaires, entraînant un effet paradoxal où la réaction se retourne contre l’organisme, lysant les tissus qu’elle devait protéger.
L’Invasion Microbienne
Les bactéries pénètrent les tissus à travers l’épithélium de la poche ou l’épithélium kératinisé, notamment dans les cas de gingivite ulcéro-nécrotique (GUN), de parodontite juvénile (PJ) et à un stade avancé de maladie parodontale (Actinobacillus actinomycetemcomitans, Porphyromonas gingivalis, Actinomyces, Capnocytophaga). Ces bactéries se trouvent dans le chorion, souvent groupées en amas.
Le Devenir du Biofilm (Transformation en Tartre)
La transformation en tartre suit les étapes suivantes :
- Calcification de la matrice intermicrobienne et des bactéries.
- Apposition des dépôts de sels de phosphate et de calcium (Ca++).
Mise en Évidence de la Plaque Bactérienne
Clinique
Les Révélateurs
Définition : Ce sont des moyens de contrôle de l’hygiène buccodentaire, permettant la sensibilisation du patient et le contrôle à domicile.
Les Indices
Définition : L’indice permet de chiffrer l’état de l’hygiène buccodentaire et de sensibiliser le patient.
Au Laboratoire
En Microscope
Permet d’obtenir des informations sur les germes microbiens.
Les Cultures
Permettent la culture des bactéries dans un milieu sélectif aérobie ou anaérobie.
Les Tests Enzymatiques
Les Tests Immunologiques
Conclusion
La plaque bactérienne représente la première cause de la maladie parodontale et l’étiologie principale des graves destructions osseuses. Elle doit être considérée comme telle, et sa prévention doit constituer la majeure partie des traitements (thérapeutique initiale) afin d’assurer la pérennité du système d’attache dentaire.
Figure 1 figure 2
La plaque bactérienne
Figure 3 figure 4
La plaque bactérienne
Figure 5
Bibliographie
- B. PELLAT, EMC tome 4 d’odontologie, Plaque dentaire (23-010-A-15), Pages : 1-7.
- CHRISTIAN MOUTON, J.C. ROBERT, Bactériologie buccodentaire, Pages : 1-20.
- GLICKMAN, Parodontologie clinique, Pages : 316-336.
- LINDHE, Le manuel de parodontologie clinique, Pages : 348-366.
Voici une sélection de livres:
- Guide pratique de chirurgie parodontale Broché – 19 octobre 2011
- Parodontologie Broché – 19 septembre 1996
- MEDECINE ORALE ET CHIRURGIE ORALE PARODONTOLOGIE
- Parodontologie: Le contrôle du facteur bactérien par le practicien et par le patient
- Parodontologie clinique: Dentisterie implantaire, traitements et santé
- Parodontologie & Dentisterie implantaire : Volume 1
- Endodontie, prothese et parodontologie
- La parodontologie tout simplement Broché – Grand livre, 1 juillet 2020
- Parodontologie Relié – 1 novembre 2005
La plaque bactérienne

Dr J Dupont, chirurgien-dentiste spécialisé en implantologie, titulaire d’un DU de l’Université de Paris, offre des soins implantaires personnalisés avec expertise et technologies modernes.