L’insertion prothétique

L’insertion prothétique

L’insertion prothétique

L’insertion prothétique

Introduction

L’insertion prothétique constitue l’étape finale du traitement de l’édentement total. Loin d’être une simple remise d’un produit fini, cette phase est aussi cruciale que les étapes précédentes de conception et de fabrication. Comme l’a souligné TENCH, « l’ajustage d’une prothèse totale à la livraison est une étape aussi importante que les autres étapes de sa construction ». Cette étape exige une attention méticuleuse pour garantir la stabilité, la fonctionnalité, l’esthétique et le confort du patient.

L’objectif est d’assurer une adaptation parfaite des prothèses à la morphologie buccale du patient tout en anticipant les contraintes fonctionnelles et esthétiques. Une insertion réussie repose sur des contrôles rigoureux effectués en l’absence et en présence du patient, suivis d’un accompagnement personnalisé pour faciliter l’adaptation à la prothèse. Ce document détaille chaque étape de cette procédure, des vérifications techniques aux ajustements cliniques, tout en intégrant des conseils pratiques pour le patient.

Contrôles préliminaires des prothèses en l’absence du patient

Conditionnement et conservation

Les prothèses doivent être livrées dans un conditionnement hermétique pour préserver leur humidité. Cette précaution est essentielle pour éviter les déformations dues au séchage de la résine. Une prothèse mal conservée risque de présenter des distorsions qui compromettraient son ajustement en bouche.

Recherche des porosités

Les porosités dans la résine sont détectées par un contrôle par transparence. Leur présence peut entraîner des distorsions secondaires, souvent à l’origine de fractures ultérieures. Ces porosités sont généralement causées par une montée trop brutale en température lors de la polymérisation de la résine. Si des porosités sont identifiées, il est impératif de refabriquer la prothèse pour garantir sa durabilité.

Contrôle de l’intrados et des bords

L’intrados (surface interne) et les bords de la prothèse sont examinés avec soin pour détecter toute aspérité. Cette inspection peut être réalisée à l’aide de la pulpe du doigt, d’une sonde fine ou, de préférence, d’une compresse qui s’accroche aux irrégularités. Les zones rugueuses ou saillantes sont délicatement éliminées à l’aide d’une fraise à grain fin, suivie d’un polissage avec une brosse enduite de pâte à détartrer. Les bords doivent conserver leur épaisseur initiale et présenter une surface parfaitement lisse pour éviter tout inconfort ou irritation des muqueuses.

Contrôle de l’extrados

L’extrados (surface externe) doit répondre aux critères définis par FISH, qui stipule que les surfaces polies doivent remplir l’espace passif entre les joues, la langue et les lèvres. Ces surfaces doivent être modelées pour permettre aux muscles faciaux et linguaux de stabiliser la prothèse lors des mouvements fonctionnels. Une attention particulière est portée à la forme et à la texture des surfaces polies pour optimiser la rétention et la stabilité.

Évaluation de l’occlusion

À ce stade, l’évaluation de l’occlusion se limite à un contrôle manuel. Les prothèses sont mises en contact pour vérifier l’alignement des arcades et la stabilité occlusale. Toute instabilité détectée sera corrigée ultérieurement lors des contrôles en bouche. Ce contrôle préliminaire permet d’identifier les défauts majeurs avant l’insertion chez le patient.

Contrôles en bouche

Les contrôles en bouche sont réalisés de manière systématique, en examinant successivement la prothèse mandibulaire, la prothèse maxillaire, l’occlusion, l’esthétique et la phonation. Chaque étape vise à garantir une adaptation optimale et à corriger immédiatement les défauts identifiés.

Contrôle de la prothèse mandibulaire

Insertion et détection des points douloureux

La prothèse mandibulaire est insérée en premier pour stabiliser la langue en position basse et minimiser les réflexes nauséeux. Le praticien applique une pression ferme sur la prothèse pour identifier les zones susceptibles de provoquer des douleurs. Si une douleur est ressentie, les points responsables sont repérés à l’aide d’un matériau de faible viscosité, comme un silicone d’empreinte, appliqué sur l’intrados. Ces points sont ensuite corrigés à l’aide d’une fraise fine, suivis d’un polissage pour éviter toute irritation.

Stabilité statique

En position de repos (lèvres et langue immobiles), la prothèse mandibulaire ne doit pas se soulever ou se déplacer. Tout défaut d’orientation des surfaces polies ou d’adaptation aux insertions musculaires et frénales doit être corrigé. Les zones de surpression ou d’interférence sont éliminées pour garantir une stabilité optimale.

Stabilité dynamique

La stabilité dynamique est évaluée en simulant des mouvements fonctionnels. Une légère pression digitale est exercée successivement sur les incisives, les canines et les molaires de chaque côté. La prothèse ne doit pas se mobiliser sous ces pressions. Ensuite, le patient est invité à effectuer des mouvements linguaux modérés pendant que la prothèse est maintenue en place au niveau du centre d’équilibre. Tout déplacement indique un défaut d’adaptation qui doit être corrigé.

Rétention

La rétention de la prothèse mandibulaire dépend principalement de la qualité du joint sublingual. Si ce joint est suffisant, la prothèse doit adhérer fermement à la muqueuse. En cas de rétention insuffisante, des ajustements sont réalisés pour optimiser le joint périphérique et améliorer l’effet de succion.

Contrôle de la prothèse maxillaire

Insertion et détection des points douloureux

La prothèse maxillaire est insérée, centrée et appliquée avec une pression suffisante pour chasser l’air emprisonné sous la base et révéler d’éventuels points douloureux. Ces points sont corrigés à l’aide d’une fraise fine, suivis d’un polissage soigné. Chez les patients présentant un fort réflexe nauséeux, une prémédication (médicaments antiémétiques ou anesthésiques de contact en crème appliqués au voile du palais) peut être nécessaire.

Stabilité

La stabilité de la prothèse maxillaire est testée par une pression bilatérale exercée au niveau des molaires. Toute sensation d’instabilité ou douleur est immédiatement corrigée. Les bords de la prothèse sont analysés pour s’assurer qu’ils n’interfèrent pas avec les freins labiaux ou buccaux. L’épaisseur et le profil des bords sont ajustés pour garantir un confort optimal, puis soigneusement repolis.

Contrôle de la relation interarcade

Vérification de l’occlusion

Les deux prothèses sont placées en bouche, et le patient est invité à serrer les dents sur deux rouleaux de coton pendant quelques minutes pour stabiliser la position. Une fois les cotons retirés, le patient serre les dents sans glisser. Tout glissement ou contact prématuré est corrigé par une équilibration occlusale immédiate, réalisée à l’aide d’un papier d’articulation pour identifier les points de surpression.

Ajustements occlusaux

L’équilibration consiste à meuler sélectivement les zones de contact prématuré pour obtenir une occlusion équilibrée en position centrée et lors des mouvements latéraux. Cette étape est cruciale pour prévenir l’instabilité prothétique et les douleurs articulaires ou musculaires.

Contrôle de l’esthétique

Validation du montage esthétique

Le montage esthétique est comparé à celui validé lors de l’essai fonctionnel et esthétique. Si les dents apparaissent trop visibles ou si le patient exprime une insatisfaction, des ajustements peuvent être envisagés, comme le meulage des bords libres des incisives. Ces modifications sont généralement réalisées lors d’une séance ultérieure pour permettre au patient de s’habituer à l’apparence initiale.

Harmonie faciale

L’esthétique prothétique doit s’intégrer harmonieusement aux traits du visage. La position, la taille et la teinte des dents sont évaluées en tenant compte des proportions faciales, de l’âge et des attentes du patient. Une attention particulière est portée à la ligne du sourire et à l’exposition des dents en position de repos et lors du sourire.

Contrôle phonétique

Adaptation phonétique

Bien que la plupart des patients s’adaptent rapidement à la phonation avec leurs nouvelles prothèses, certains défauts peuvent être corrigés immédiatement :

  • Chocs prothétiques : Si les prothèses entrent en contact lors de la prononciation des sons dento-dentaux (« che », « je »), sibilants (« se », « ze ») ou bilabiaux (« pe », « be »), cela indique une dimension verticale excessive. Une réduction de la hauteur occlusale est alors nécessaire.
  • Sifflements : Un sifflement lors de l’émission du « s » peut être corrigé en ajoutant de la résine dans la région rétro-incisive supérieure pour modifier le flux d’air.
  • Zézaiement : Un zézaiement est souvent lié à une base prothétique trop épaisse au niveau rétro-incisif. Une réduction de l’épaisseur dans cette zone résout généralement le problème.
  • Altération des sons « k » et « gue » : Ces défauts traduisent une sur-extension de la prothèse au niveau du voile du palais, qui doit être réduite pour libérer cette zone.

Exercices phonétiques

Le patient peut être guidé à travers des exercices simples, comme la répétition de phrases contenant des sons problématiques, pour faciliter l’adaptation phonétique. Ces exercices renforcent la coordination entre la langue, les lèvres et les prothèses.

Conseils d’usage pour le patient

Adaptation progressive

Il est essentiel d’expliquer au patient que l’adaptation à une prothèse totale est un processus graduel. Des sensations d’inconfort ou des difficultés initiales sont normales et tendent à s’estomper avec le temps. Le praticien doit rassurer le patient et se rendre disponible pour répondre à ses préoccupations ou effectuer des ajustements supplémentaires.

Alimentation

Pendant les premières semaines, une alimentation molle mais non collante est recommandée. Les aliments comme les purées, les soupes, les légumes cuits ou les poissons sont idéaux. Le patient doit privilégier de petites bouchées et mastiquer lentement pour éviter de déstabiliser les prothèses. Progressivement, des aliments plus fermes peuvent être réintroduits à mesure que le patient gagne en confiance.

Hygiène prothétique

L’hygiène des prothèses est similaire à celle des dents naturelles. Un brossage biquotidien avec une brosse à poils souples et un dentifrice non abrasif est recommandé. Une fois par jour, les prothèses doivent être immergées pendant une heure dans une solution de bain de bouche (par exemple, à base de chlorhexidine) ou dans de l’eau pour éviter le dessèchement. Les prothèses ne doivent jamais être nettoyées avec de l’eau chaude, qui pourrait déformer la résine.

Suivi et ajustements

Le patient est encouragé à signaler tout inconfort persistant, comme des douleurs, des zones d’irritation ou des difficultés fonctionnelles. Des rendez-vous de suivi sont généralement planifiés une semaine, un mois, puis tous les six mois après l’insertion pour vérifier l’état des prothèses et effectuer des ajustements si nécessaire.

Conclusion

L’insertion prothétique est une étape clé qui conditionne le succès du traitement de l’édentement total. Elle exige une combinaison de rigueur technique, de précision clinique et d’accompagnement humain. En respectant les protocoles de contrôle et d’ajustement décrits, le praticien garantit une prothèse fonctionnelle, confortable et esthétiquement satisfaisante. L’éducation du patient et un suivi régulier sont tout aussi essentiels pour assurer une adaptation durable et une satisfaction à long terme.

Voici une sélection de livres en français sur les prothèses dentaires:

L’insertion prothétique

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