Anatomie physiologie de l’édenté total
Anatomie et Physiologie de l’Édenté Total
Introduction
L’édentation totale est souvent progressive, faisant suite à la maladie parodontale ou à l’impossibilité de réaliser un traitement conservateur. Elle entraîne des modifications significatives des structures anatomiques de la cavité buccale. L’exploitation et le respect des éléments anatomiques sont essentiels pour l’intégration réussie d’une prothèse totale adjointe.
Aspect Physique de l’Édenté Total
Le visage de l’édenté total présente des caractéristiques distinctes, observables de face, de profil, au repos ou en mouvement.
Au Repos et de Profil
- Reliefs accentués : Le nez et le menton sont particulièrement proéminents en raison de l’affaissement de la musculature jugale et de l’invagination des lèvres, suivant le recul du profil alvéolaire.
- Diminution de l’étage inférieur de la face : La hauteur faciale est réduite.
- Proglissement mandibulaire : La mandibule peut se déplacer vers l’avant.
- Effondrement des tissus mous : Les rides et sillons cutanés sont accentués.
- Peau : Elle devient pâle et fine.
Topographie de la Cavité Orale
La cavité buccale est composée d’une charpente osseuse articulée, de muscles et d’une muqueuse recouvrant l’ensemble. Elle est divisée en deux parties par les crêtes alvéolaires : le vestibule (périphérique) et la cavité buccale proprement dite (centrale).
Le Vestibule de la Bouche
Le vestibule est l’espace situé entre les arcades alvéolaires, d’une part, et les lèvres et joues, d’autre part. Il est tapissé par la muqueuse buccale. Sur la ligne médiane, le frein de la lèvre s’étend de la muqueuse attachée à la face médiale de la lèvre. En regard de chaque tubérosité maxillaire, l’espace vide est appelé poche ampullaire (selon Eisenring). Au niveau mandibulaire, cette région est dénommée poche de Fisch.
La Cavité Buccale Proprement Dite
Elle est délimitée :
- En avant et sur les côtés : par les arcades résiduelles.
- En haut : par le palais.
- En bas : par le plancher buccal, sur lequel repose la langue.
La voûte palatine se divise en :
- Palais dur : en avant.
- Palais mou : en arrière.
La Muqueuse
La cavité buccale est recouverte par trois types de muqueuses selon les régions :
- Muqueuse masticatoire (fibromuqueuse ou attachée) : Présente au niveau du palais dur et des crêtes alvéolaires.
- Muqueuse de recouvrement (muqueuse libre) : Située sur la face interne des joues, les lèvres et le plancher buccal.
- Muqueuse spécialisée : Localisée sur la face dorsale de la langue.
Histologie
La muqueuse buccale est composée d’un épithélium et d’un tissu conjonctif sous-jacent richement vascularisé, reliés par la membrane basale.
L’Épithélium
- Type : Pavimenteux pluristratifié.
- Caractéristiques :
- Kératinisé au niveau de la voûte palatine et des crêtes.
- Non kératinisé sur la face interne des joues et des lèvres.
La Jonction Épithélio-Conjonctive
- Structure : En forme de « doigts de gant », elle assure :
- La jonction et l’ancrage entre l’épithélium et le tissu conjonctif.
- L’herméticité entre ces deux tissus.
- Modifications : Peut être altérée par l’inflammation.
Le Tissu Conjonctif
Il se divise en deux zones :
- Lamina propria :
- Située sous la membrane basale.
- Contient des éléments cellulaires (fibroblastes, macrophages, cellules inflammatoires) et une matrice extracellulaire.
- Propriétés biomécaniques :
- Résistance : Due aux fibres de collagène organisées en faisceaux, jouant un rôle de « tampon ».
- Élasticité : Résultant des fibres élastiques, peu nombreuses dans les muqueuses des surfaces d’appui.
- Sous-muqueuse :
- Contient des amas graisseux et des glandes salivaires mineures.
- Sépare la muqueuse des tissus musculaires ou osseux sous-jacents.
- Particulièrement présente dans les régions latérales de la voûte palatine (zones de Schroeder).
Biomécanique de la Muqueuse Buccale
La réponse de la muqueuse buccale à une force appliquée dépend de ses propriétés viscoélastiques et du comportement hémodynamique de la microcirculation tissulaire.
Viscoélasticité et Comportement Tissulaire
- Définition : La viscoélasticité combine les propriétés élastiques (déplacement immédiat sous une force) et visqueuses (déformation progressive jusqu’à l’équilibre).
- Études de Kydd et al. (1976) :
- Une pression sur la muqueuse entraîne :
- Une déformation élastique immédiate.
- Une déformation différée.
- Conséquences :
- Réduction de l’épaisseur de l’épithélium.
- Aplatissement de la jonction épithélio-conjonctive.
- L’ampleur des altérations dépend de l’intensité et de la durée de la force.
- Une prothèse sans pression n’entraîne pas de modification tissulaire, contrairement à une pression prolongée.
Viscoélasticité et Vieillissement
- Impact de l’âge :
- Les courbes de compression sont similaires quel que soit l’âge.
- La récupération élastique immédiate diminue avec l’âge, et la récupération différée est plus lente chez les patients âgés.
Viscoélasticité et Microcirculation
- Effets des pressions :
- Réduction du flux sanguin, entraînant un blanchiment de la muqueuse.
- Persistance de l’effet tant que la pression est maintenue.
- Risque d’inflammation lié à la perturbation de la microvascularisation, favorisant la libération de neuromédiateurs et la résorption osseuse.
- Récupération : Le flux sanguin retrouve son niveau initial immédiatement après l’arrêt de la pression, contrairement à la muqueuse.
Muqueuse Buccale et Prothèse Totale Adjointe
- Effets de la stimulation mécanique :
- Initialement : Épaississement de l’épithélium et kératinisation accrue.
- Par la suite : Diminution de la couche cornée, aplatissement de la membrane basale, réduction des digitations épithélio-conjonctives (adaptation tissulaire).
- Prothèse mal conçue :
- Bords inadaptés ou prothèse déséquilibrée.
- Conséquences : Ulcérations, hyperplasies, crêtes flottantes.
L’Os
Les os en rapport avec la prothèse totale sont le maxillaire et la mandibule.
Anatomie
Le Maxillaire
- Description : Os pair, volumineux, massif, irrégulier, en forme de pyramide tronquée.
- Éléments en contact avec la prothèse :
- Voûte palatine : Double concavité, forme une ogive variable selon le degré de résorption. Présence du raphé médian, parfois avec des tori.
- Crête alvéolaire : Volume dépendant du degré de résorption.
- Tubérosités maxillaires : À l’extrémité postérieure de la crête, parfois volumineuses avec contre-dépouilles.
- Canal incisif (papille rétro-incisive) : Passage du paquet vasculo-nerveux palatin antérieur.
- Épine nasale antérieure : Peut être située sur la crête en cas de forte résorption.
La Mandibule
- Description : Os mobile, impair, médian, symétrique.
- Éléments en contact avec la prothèse :
- Crête alvéolaire : Morphologie variable selon le degré de résorption.
- Os basilaire : Peut persister seul après une résorption importante.
- Ligne oblique externe.
- Ligne oblique interne (mylohyoïdienne).
- Apophyses géni.
- Trigone rétromolaire : Surface osseuse délimitée par la bifurcation de la crête d’insertion du muscle temporal. Le bourrelet muqueux est appelé tubercule rétromolaire.
La Résorption Osseuse
Définition
« Par résorption, on entend la disparition totale ou partielle d’un organe dont les éléments sont peu à peu repris par la circulation sanguine ou lymphatique » (Ackermann).
Étiologie
La résorption osseuse alvéolaire (ROA) est multifactorielle :
- Facteur Âge :
- L’os possède une horloge interne favorisant une réduction du tissu osseux calcifié avec le vieillissement.
- La destruction est plus rapide chez les personnes âgées.
- La hauteur de la crête alvéolaire diminue avec l’âge, indépendamment des maladies parodontales ou de la présence de dents.
- Facteur Biologique :
- Rôles des hormones, des facteurs nutritionnels et des enzymes.
- Ostéoporose sénile (surtout au maxillaire).
- Défaut d’absorption du calcium ou de minéralisation osseuse (carence en vitamine D).
- Stimulation des neuropeptides en cas de dérèglement osseux mécanique.
- Facteur Lié à l’Anatomie Dentaire :
- Résorption plus marquée si les dents extraites sont nombreuses et leurs racines larges.
- Recommandations de Gaudy :
- Avulsion dentaire avant que la perte osseuse n’atteigne l’apex.
- Techniques d’avulsion préservant le tissu osseux.
- Facteur Stabilité :
- Une diminution de la stabilité de la prothèse totale adjointe (PTA) contribue à la destruction de la crête.
- Facteur Biomécanique :
- La tension favorise l’apposition osseuse, tandis que la pression entraîne la résorption.
- Causes principales de la ROA :
- Pression continue.
- Pression discontinue avec des intervalles de repos trop courts.
- Absence de pression (atrophie par non-fonction).
- Facteurs Prothétiques :
- Matériaux : Les dents en céramique maintiennent la stabilité occlusale, mais les dents plates en résine sont préférables pour les crêtes plates.
- Surface occlusale : Réduire la dimension vestibulo-linguale des dents postérieures pour limiter les pressions.
- Montage des dents : Une occlusion bilatérale équilibrée préserve les propriétés viscoélastiques et le capital osseux.
- Port prolongé : Entraîne une résorption progressive des crêtes.
Mécanismes de la Résorption Osseuse Alvéolaire
- Car synchronized : Touche l’os spongieux et cortical, de manière symétrique ou asymétrique.
- Localisation : Plus marquée à la mandibule qu’au maxillaire, suivant l’axe d’implantation des dents.
- Progression : Rapide et invasive après l’édentation, puis plus lente avec moins de perte de volume.
Au Maxillaire
- Type : Résorption centripète dans les plans frontal, horizontal et sagittal.
- Conséquences :
- Réduction de la largeur et de la concavité de la voûte palatine.
- Palais plat, aspect triangulaire.
- Saillie de l’épine nasale et des apophyses ptérygoïdes.
- Stades d’Atwood :
- Stade I : Crête peu résorbée.
- Stade II : Crête en cours de résorption (perte osseuse moyenne).
- Stade III : Crête plate.
- Stade IV : Crête négative.
À la Mandibule
- Caractéristiques :
- Résorption très marquée la première année post-édentation.
- Centripète au niveau parasymphysaire.
- Centrifuge dans les régions prémolo-molaires en raison de l’inclinaison linguale des molaires.
- Plus forte en hauteur.
Les Muscles
Les muscles influençant la stabilité prothétique incluent :
Muscles Péribuccaux
- Orbiculaire des lèvres : Ses fibres croisent celles des petits muscles peauciers :
- Muscles incisifs.
- Petit et grand zygomatique.
- Canin.
- Releveurs naso-labiaux.
- Risorius.
- Carré du menton.
- Triangulaire des lèvres.
- Modiolus : Structure formée par la convergence de ces muscles.
Autres Muscles
- Muscle temporal : S’insère sur le coroné, peut interférer avec le bord de la prothèse supérieure lors des mouvements de latéralité.
- Masséter : Son bord antérieur influence la stabilité de la prothèse inférieure.
- Buccinateur : Forme la sangle jugale, ses insertions limitent la profondeur du vestibule.
- Mylohyoïdien : S’insère sur la ligne mylohyoïdienne, limitant la profondeur du versant lingual de la prothèse.
- Muscles de la langue : Essentiels pour la stabilité prothétique lors des fonctions (mastication, déglutition, phonation).
L’ATM (Articulation Temporo-Mandibulaire)
- Composition :
- Surface articulaire temporale.
- Surface articulaire mandibulaire.
- Disque interposé entre les deux.
- Impact de l’édentation : Perturbations altérant les structures articulaires.
La Salive
La salive joue un rôle crucial chez les porteurs de prothèses totales, avec des fonctions biomécaniques et de préservation des tissus buccaux.
Origine
- Glandes salivaires majeures (90 % du flux en absence de stimulation) :
- Parotides (séreuses).
- Sublinguales et sous-mandibulaires (mixtes).
- Glandes salivaires mineures : Labiales, buccales, linguales, palatines (muqueuses).
Rôles des Mucines
- Propriétés : Faible solubilité, haute viscosité, élasticité, fort coefficient d’adhésion.
- Fonctions :
- Lubrification et protection de la muqueuse contre les agressions mécaniques.
- Adhésion et rétention de la prothèse.
- Facilitation de la mastication, déglutition et phonation.
Types de Salive
- Salive muqueuse (glandes mineures) : Riche en mucines, essentielle pour la prothèse.
- Salive aqueuse (parotides, sublinguales, sous-mandibulaires) : Moins visqueuse.
Voici une sélection de livres en français sur les prothèses dentaires:
- Prothèse Amovible Partielle : Clinique et Laboratoire
Collège National des Enseignants en Prothèses Odontologiques (CNEPO), Michel Ruquet, Bruno Tavernier - Traitements Prothétiques et Implantaires de l’Édenté Total 2.0
- Conception et Réalisation des Châssis en Prothèse Amovible Partielle
- Prothèses supra-implantaires: Données et conceptions actuelles
- Prothèse complète: Clinique et laboratoire Broché – Illustré, 12 octobre 2017
- Prothèse fixée, 2e Ed.: Approche clinique Relié – Illustré, 4 janvier 2024
Anatomie physiologie de l’édenté total

Dr J Dupont, chirurgien-dentiste spécialisé en implantologie, titulaire d’un DU de l’Université de Paris, offre des soins implantaires personnalisés avec expertise et technologies modernes.