Pharmacologie des anesthésiques locaux
Objectifs
- Définir un anesthésique local (AL)
- Connaître les molécules de chaque classe d’anesthésique local
- Connaître les propriétés pharmacodynamiques des anesthésiques locaux
- Connaître les agents vasoconstricteurs
Plan
- Introduction
- Propriétés physico-chimiques
- Mécanisme d’action
- Propriétés pharmacodynamiques
- Propriétés pharmacocinétiques
- Usage pratique
- Les vasoconstricteurs
- Conclusion
Introduction
Définition
Les anesthésiques locaux (AL) se définissent comme des substances médicamenteuses qui bloquent de manière sélective et réversible la conduction nerveuse (sensitive, sensorielle, sympathique, parasympathique et motrice) sans altérer le nerf ni entraîner une perte de conscience. Au niveau moléculaire, ces médicaments agissent en ralentissant la vitesse de dépolarisation des fibres nerveuses et l’entrée de sodium.
Historique
Le premier anesthésique local fut la cocaïne, utilisée par Koller en 1884. La cocaïne, un ester de l’acide benzoïque, n’est plus utilisée comme anesthésique local. Ces substances, découvertes il y a plus d’un siècle, se répartissent en deux familles chimiques distinctes :
- Les aminoesters : tétracaïne, procaïne…
- Les aminoamides : lidocaïne, bupivacaïne…
Propriétés physico-chimiques
Les anesthésiques locaux sont composés de trois éléments :
- Un pôle lipophile : structure aromatique responsable des propriétés anesthésiques (fixation, diffusion, activité).
- Une chaîne intermédiaire : conditionne le métabolisme (durée d’action, toxicité).
- Un pôle hydrophile : dérivé amine conditionnant l’hydrosolubilité et la fixation protéique.
Structure chimique des AL
Classification
Les anesthésiques locaux sont classés en deux grandes familles :
- Aminoesters : ex. procaïne, tétracaïne.
- Aminoamides : ex. lidocaïne, bupivacaïne.
Mécanisme d’action
Rappel sur le potentiel d’action
La perméabilité des membranes aux ions change en fonction du potentiel transmembranaire :
- Au repos : la perméabilité au potassium est accrue.
- À l’arrivée de l’influx nerveux : la dépolarisation augmente la perméabilité au sodium. Le potentiel de membrane passe de -70 mV à +35 mV. Ce phénomène se propage le long du nerf.
- Repolarisation : résulte d’une diminution de la perméabilité des canaux sodiques et d’une excrétion de sodium du milieu intracellulaire vers le milieu extracellulaire.
Mécanisme d’action des AL
In situ, les anesthésiques locaux existent sous deux formes : ionisée (ALH⁺) et non ionisée (AL). La forme non ionisée (libre, non liée aux protéines) diffuse et franchit la membrane cellulaire, mais c’est la forme ionisée (ALH⁺) qui se lie au canal sodique du côté intracellulaire et le bloque. L’affinité des ALH⁺ est plus élevée pour l’état inactivé et ouvert du canal, c’est-à-dire l’état dépolarisé. Le bloc est donc favorisé par une fréquence de stimulation nerveuse élevée.
- L’AL pénètre le nerf sous forme non ionisée.
- Il se fixe sur le canal sodique sous forme ionisée.
- Il bloque la conduction du potentiel d’action et augmente la période réfractaire.
Les AL bloquent plus facilement les petites fibres non myélinisées que les grosses fibres myélinisées. La chronologie d’installation du bloc est la suivante :
- Fibres B (système sympathique)
- Fibres C et Aδ (sensibilité thermoalgique)
- Fibres Aβ (sensibilité épicritique)
- Fibres Aα (motricité)
La régression du bloc se fait en sens inverse.
Facteurs influençant l’action pharmacologique
L’action pharmacologique des AL dépend de :
- Liposolubilité : l’activité d’un AL dépend de son passage à travers les membranes nerveuses, donc de sa liposolubilité.
- Liaison aux protéines : plus le taux de liaison aux protéines plasmatiques est élevé, plus la durée d’action de l’AL est longue. Cette fixation réduit la quantité d’AL disponible pour agir sur le nerf, mais constitue un réservoir fonctionnel libérant progressivement l’AL.
- pKa : les AL sont des bases faibles avec un pKa compris entre 7,8 et 8,9. Ceux dont le pKa est le plus proche du pH physiologique (≈ 7) diffusent plus rapidement à travers la membrane nerveuse grâce à leur faible potentiel d’ionisation.
Propriétés pharmacocinétiques
Demi-vie plasmatique
- Elle est très variable mais généralement brève.
- Elle n’est pas directement liée à la durée de l’effet, qui dépend de la nature du tissu où l’AL est administré et de l’utilisation simultanée d’adrénaline.
Métabolisme
Le métabolisme des AL varie en fonction de leur structure chimique :
- Esters (procaïne, tétracaïne) : hydrolysés au niveau du plasma par les pseudocholinestérases, donnant naissance à l’acide para-aminobenzoïque, potentiellement responsable des réactions allergiques.
- Amides : métabolisés par les amidases du foie. L’insuffisance hépatique ou certains médicaments peuvent prolonger considérablement leur demi-vie et leurs effets pharmacologiques.
Résorption
Les AL ont tendance à diffuser à partir de leur point d’application. L’importance et la vitesse de la résorption dépendent de la vascularisation du tissu. Ainsi, après une application locale, les concentrations plasmatiques peuvent être similaires à celles observées après une injection intraveineuse. Cette diffusion explique les effets indésirables prévisibles. La résorption varie avec l’âge en raison des modifications de la vascularisation ou de la quantité de graisse dans l’espace épidural. Chez l’enfant plus âgé et l’adulte, la résorption après injection sous-cutanée est très rapide.
Distribution
La concentration sanguine dépend :
- De la quantité de produit administrée.
- De la vitesse de résorption vasculaire.
- De la distribution tissulaire.
- Du métabolisme (biotransformation).
- De l’élimination du produit.
Facteurs modifiant l’activité des AL
Site d’injection
- Acidose : diminue la diffusion et augmente la toxicité.
- Addition d’un vasoconstricteur : prolonge la durée d’action, diminue la vitesse de résorption et la toxicité.
Métabolisme
- Hyperthermie : augmente le métabolisme et l’élimination des amides.
- Insuffisance hépatique sévère : augmente la durée d’action et la toxicité des amides.
- Déficit en pseudocholinestérases : augmente la durée d’action et la toxicité des esters.
- Insuffisance rénale : prolonge l’action des AL.
- Insuffisance cardiaque, état de choc, bêtabloquants, ventilation : augmentent la toxicité des amides.
Propriétés pharmacodynamiques
Sur le système nerveux central
À faibles concentrations
- Étourdissements, sensation de tête vide, somnolence.
- Activité anticonvulsivante par inhibition des flux sodiques dans les foyers épileptogènes.
À concentrations moyennes
- Agitation psychomotrice, frissons, tremblements des extrémités.
À fortes concentrations
- Dépression de l’activité du SNC avec sédation, troubles de la conscience et dépression respiratoire.
Sur le poumon
- Aucun effet sur la mécanique thoracique.
- Aucun effet de la lidocaïne, de la mépivacaïne et de la bupivacaïne sur les réponses à l’hypoxie/hypercapnie.
Sur le cœur
À faibles doses
- Les AL agissent comme des anti-arythmiques (classe I), avec une action prédominante sur les fibres dépolarisées et les foyers arythmogènes.
- Utilisation de la lidocaïne dans le traitement des arythmies ventriculaires (infarctus du myocarde, intoxications digitaliques).
À fortes doses
- Effets sur la conduction (allongement de l’espace PR, élargissement du complexe QRS).
- Bradycardie sinusale.
- Effet inotrope négatif.
Effets vasculaires périphériques
- Observés surtout avec les dérivés amidés (ex. : lidocaïne).
- Faibles doses : vasoconstriction.
- Fortes doses : vasodilatation périphérique, associée aux propriétés inotropes négatives, contribuant à la chute tensionnelle en cas de surdosage.
Sur les muscles
- Diminution de la transmission neuromusculaire à des doses élevées.
Sur le tube digestif
- Action spasmolytique sur les voies biliaires.
- Nausées, vomissements d’origine centrale.
Usage pratique
Les principaux anesthésiques locaux sont utilisés en fonction de leurs propriétés spécifiques et des besoins cliniques. Les détails d’utilisation ne sont pas précisés dans le texte, mais leur application dépend des caractéristiques pharmacocinétiques et pharmacodynamiques décrites.
Les vasoconstricteurs
Définition
Les vasoconstricteurs, également appelés sympathomimétiques, sont similaires aux médiateurs du système nerveux sympathique. Ils sont classés en deux familles :
- Catécholamines :
- Adrénaline (épinéphrine) : le produit le plus utilisé. Elle compense l’action dépressive des AL sur le cœur et la circulation en agissant sur les récepteurs adrénergiques α, β1 et β2, ainsi que sur l’ensemble du système sympathique. Utilisée à des concentrations de 1/100 000 (1 mg/100 ml) ou 1/200 000 (2 mg/100 ml).
- Noradrénaline (norépinéphrine) : possède des effets secondaires neuf fois supérieurs à ceux de l’adrénaline.
- Non-catécholamines : néo-cobéfrine, néo-synéphrine, félypressine.
Mode d’action des vasoconstricteurs
Ils agissent de trois manières différentes :
- Action directe : sur les récepteurs adrénergiques (adrénaline, noradrénaline).
- Action indirecte : en stimulant la sécrétion de noradrénaline.
- Action combinée : combinant les deux mécanismes.
Indications des vasoconstricteurs
- Indiqués surtout pour les actes de chirurgie buccale, en :
- Diminuant le saignement.
- Augmentant la durée de l’acte.
- Utilisés pour toutes les techniques d’anesthésie locale et locorégionale, mais pas toujours indispensables.
Pathologies contre-indiquant les vasoconstricteurs associés aux AL
- Phéochromocytome : tumeur très riche en adrénaline et noradrénaline, constituant une contre-indication absolue.
- Os irradié : au-delà de 40 Gy.
- Patients arythmiques : risque cardiaque.
Pathologies ne contre-indiquant pas les vasoconstricteurs associés aux AL
- Patients hyper- et hypothyroïdiens stabilisés.
- Sujets hypertendus stabilisés.
- Cardiopathies coronariennes.
- Asthmatiques, sauf les cortico-dépendants (en raison des sulfites). Les crises d’asthme peuvent être provoquées par des doses minimes inférieures à 1 mg, atteignables en anesthésiologie dentaire lors de gestes multiples.
Conclusion
La bonne connaissance de la pharmacologie et des règles de bonne pratique clinique fait de l’anesthésie locorégionale une technique sûre, efficace et dont les contre-indications sont rares.
Voici une sélection de livres:
- Odontologie conservatrice et endodontie odontologie prothètique de Kazutoyo Yasukawa (2014) Broché
- Concepts cliniques en odontologie conservatrice
- L’endodontie de A à Z: Traitement et retraitement
- Guide clinique d’odontologie
- Guide d’odontologie pédiatrique, 3e édition: La clinique par la preuve
- La photographie en odontologie: Des bases fondamentales à la clinique : objectifs, matériel et conseils pratique
Pharmacologie des anesthésiques locaux

Dr J Dupont, chirurgien-dentiste spécialisé en implantologie, titulaire d’un DU de l’Université de Paris, offre des soins implantaires personnalisés avec expertise et technologies modernes.