Diagnostic des ulcérations

Diagnostic des ulcérations

Diagnostic des ulcérations

Voici le texte complet du document intitulé Diagnostic des ulcérations, organisé avec des titres en H2, H3 et H4 en français, intégrant les tableaux et les images mentionnées, et sans numérotation des pages, comme demandé.


Introduction

Les ulcérations de la muqueuse buccale constituent un motif fréquent de consultation dans notre pratique quotidienne. Même si ces lésions sont facilement reconnues à l’examen clinique, la recherche étiologique, elle par contre, n’est pas facile. Elle peut révéler des maladies locales ou générales très diverses et parfois graves.

Des examens complémentaires aident souvent au diagnostic mais leur demande doit être justifiée. Le traitement, quant à lui, dépendra de leur étiologie.

Définitions

L’érosion

L’érosion est une perte de substance superficielle n’intéressant que l’épithélium, qui guérit sans cicatrice. Elle est douloureuse.

La fissure

La fissure est une érosion linéaire de l’épithélium et de la partie supérieure du chorion.

L’ulcération

L’ulcération est une perte de substance profonde, intéressant toute la hauteur de l’épithélium et s’étendant au chorion ou même au-delà. Sur le plan clinique, la différence entre les deux stades d’atteinte de la muqueuse buccale, à savoir ulcération et érosion, n’est pas toujours évidente. En revanche, l’examen anatomo-pathologique fait la distinction selon que l’épithélium est seul en cause ou que le chorion et d’autres éléments sont atteints.

Le chancre

Le chancre est réservé à une érosion ou ulcération de nature infectieuse provoquée par la pénétration d’un micro-organisme ou bacille spécifique (tréponème).

Diagnostic des ulcérations
Schéma illustrant la différence entre l’érosion, l’ulcération et la fissure

Démarche diagnostique

Devant un patient présentant une ulcération, la démarche diagnostique sera classique, commençant par un interrogatoire minutieux, un examen oral, un examen général et parfois des examens complémentaires.

Interrogatoire

L’interrogatoire doit préciser :

L’âge du patient

  • Nourrisson : Une ulcération linguale due à un traumatisme par une dent néonatale peut s’observer dans le syndrome de Riga Fede.
  • Jeune patient : Selon le contexte clinique, on peut s’orienter vers une origine traumatique ou suspecter la maladie cœliaque ou les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin.
  • Patient âgé de plus de 40 ans : Nous observons souvent chez cette tranche d’âge des ulcérations néoplasiques, surtout en présence du facteur alcoolo-tabagique. L’âge a donc une valeur d’orientation diagnostique.

Le motif de consultation

Le motif est souvent traduit par une douleur suite à la perte profonde de l’épithélium qui rend les fibres nerveuses plus vulnérables. Dans certains cas, il existe un silence sémiologique ou une découverte fortuite.

Le mode de vie du patient

  • Pauvreté et précarité : Une tuberculose sera suspectée.
  • Prison, toxicomanie ou pratiques sexuelles à risque : Fait suspecter la syphilis et le SIDA comme étiologie de l’ulcération buccale.

Les addictions

Relever les addictions : tabac, alcool, toxicomanie, qui constituent une étiologie de l’ulcération.

Les antécédents personnels

Ils peuvent expliquer la présence de cette ulcération :

  • Statut sérologique : Infection virale, bactérienne ou mycosique.
  • Statut vaccinal : Vaccination BCG.
  • Une hémopathie maligne : Leucémie, agranulocytose.
  • Une maladie gastro-intestinale chronique : Maladie de Crohn et Rectocolite Hémorragique (RCH).
  • Une maladie auto-immune : Behcet.
  • Un antécédent de cancer : Des voies aérodigestives supérieures ou radiothérapie cervico-faciale.
  • Une maladie dermatologique : Lichen plan, dermatose bulleuse, lupus érythémateux.
  • Prises médicamenteuses antérieures ou actuelles : Antibiothérapie, corticothérapie, immunosuppresseurs, psychotropes, biphosphonates, anti-TNF alpha…

L’anamnèse familiale

Rechercher une notion d’aphtose familiale, des affections systémiques (la maladie de Behcet, le lupus érythémateux disséminé…) ou une notion de contage tuberculeux.

Histoire de la lésion

  • Date d’apparition : Elle peut être récente ou ancienne.
  • Circonstances d’apparition : Notion de facteurs déclenchants (aliments, traumatismes, morsure, brûlure, stress, prise médicamenteuse, période menstruelle chez la femme…).
  • Mode d’évolution : Soit progressif, ou par récurrences. Les aphtes peuvent avoir une évolution récurrente ou cyclique.
  • Signes accompagnateurs :
  • Locaux : Douleur spontanée ou provoquée, saignement, sensation de brûlure.
  • Locorégionaux : Troubles de la déglutition, dysphagie, troubles de la salivation (sialorrhée) ou troubles de la sensibilité (hypoesthésie).
  • Généraux : Signes d’altération de l’état général : asthénie, anorexie, amaigrissement, toux, fièvre…
  • Traitements entrepris : Locaux ou généraux et leurs effets.
  • Autres lésions associées :
  • Lésions des autres muqueuses : Digestive, oculaire et génitale (retrouvées dans certaines ulcérations comme le lichen plan, la maladie de Behcet).
  • Lésions cutanées : Retrouvées dans l’érythème polymorphe et dans le lupus.

Examen exobuccal

  • Existence ou non d’une asymétrie faciale en rapport avec une tuméfaction.
  • Rechercher des signes neurologiques (hypoesthésie labio-mentonnière).
  • Examen des aires ganglionnaires à la recherche d’une adénopathie, pour laquelle il faut préciser : le siège, le nombre, le volume, la consistance et la mobilité. Les lésions néoplasiques s’accompagnent le plus souvent d’une ou de plusieurs adénopathies fixées et dures.
  • Mesurer l’amplitude de l’ouverture buccale.
  • Noter la présence d’autres lésions associées : à localisation cutanée, péri-orificielle (orale, oculaire, nasale) digitale (panaris dans le cas d’herpès par exemple).

Examen endobuccal

Il est souvent difficile à faire, voire impossible dans certaines situations. Il doit se faire sous un bon éclairage et apprécie :

  • L’hygiène bucco-dentaire.
  • L’état dentaire, présence d’un élément traumatique (prothèse, racine).
  • Examen des muqueuses, région par région (attention particulière pour les replis).
  • Examen de la lésion proprement dite :
  • À l’inspection :
    • Le nombre : Ulcération unique ou multiple.
    • Le siège : Muqueuse kératinisée, non kératinisée ( l’aphte touche les muqueuses non kératinisées exclusivement), ou les deux.
    • Le diamètre.
    • Les bords : Plats ou surélevés, réguliers ou irréguliers, d’aspect sain, érythémateux ou kératosique. Les bords non réguliers sont retrouvés souvent dans l’ulcération maligne et le halo érythémateux est retrouvé dans l’aphte.
    • Le fond : Lisse ou nécrotique, beurre frais, hémorragique ou non, infecté (présence d’un suintement ou de pus).
    • La muqueuse environnante : Fond d’érythème (lésions post-bulleuses), fond de lésion blanche, fond anfractueux (le chancre).
  • À la palpation (toujours protégée au doigtier) :
    • Les limites de la lésion.
    • La consistance : Souple ou indurée.
    • La sensibilité : Conservée ou non.
    • Saignement au contact.
    • Si l’ulcération est linguale, évaluer le degré de protraction linguale.
    • Si l’ulcération est gingivale, tester la mobilité des dents en regard.

Examen général

Il sera réalisé ou demandé si on suspecte une origine générale suite à l’anamnèse et l’aspect lésionnel. L’examen général concernera les autres muqueuses (nasales, oculaires, génitales) et le revêtement cutané ou toute symptomatologie associée suggestive d’un tableau infectieux ou syndromique. L’odontologiste peut examiner les parties exposées du corps : mains, avant-bras, pieds.

L’examen clinique suffit pour poser le diagnostic d’ulcération. L’étiologie supposée (par l’interrogatoire et l’examen clinique) peut être confortée par des examens complémentaires.

Examens complémentaires

Ils varient selon chaque étiologie suspectée et seront demandés selon les orientations :

  • Numération Formule Sanguine, équilibre leucocytaire.
  • Sérologie (HIV, VDRL, TPHA…).
  • IDR à la tuberculine.
  • Prélèvements locaux : Bactériologique, virologique ou mycosique dans une hypothèse infectieuse.
  • Examen cytologique (cyto-diagnostic).
  • Biopsie avec histologie conventionnelle et éventuellement immunofluorescence directe (IFD) pour les lésions ulcéreuses post-bulleuses.
  • Examens radiologiques pour l’extension des processus tumoraux :
  • Radiographies standards pour rechercher une lyse osseuse sous-jacente.
  • TDM en cas de lésion tumorale pour apprécier son extension et ses rapports avec les structures de voisinage.
  • IRM, surtout pour les lésions linguales et du plancher.
  • Avis des différentes spécialités : Gastrologie, dermatologie, ophtalmologie, hématologie, gynécologie, etc.

Diagnostic étiologique

Le diagnostic d’ulcération étant posé, la démarche diagnostique est essentiellement étiologique. Schématiquement, nous pouvons être devant deux cas :

  • Ulcération unique.
  • Ulcération multiple.

Ulcération unique

Ulcération traumatique

  • Relativement fréquente, évoluant selon un mode aigu.
  • Très douloureuse, à bords réguliers, sans halo érythémateux, à fond lisse, à base souple, généralement moulée sur un agent causal (prothèse mal adaptée, racine ou dent délabrée).
  • Le siège le plus fréquent est le bord latéral de la langue.
  • Traitement : Suppression de l’étiologie et prescription de bains de bouche antiseptiques. Elle doit guérir en 7 à 14 jours après la suppression de la cause. La persistance au-delà de 14 jours doit faire réaliser une biopsie pour réorienter le diagnostic. L’ulcération sera suspecte de néoplasique jusqu’à preuve du contraire.

Aphte isolé

Aphte vulgaire
  • Le diagnostic d’aphte vulgaire sera posé devant une ulcération ronde ou ovalaire, douloureuse, de 2 à 10 mm (<1 cm) de diamètre, à bords réguliers et entourée d’un halo inflammatoire érythémateux. Le fond est de couleur jaune en beurre frais, reposant sur une base souple. Sa localisation habituelle est la muqueuse mobile. Il n’y a pas d’adénopathie.
  • L’évolution se fait vers la guérison sans cicatrice en 7 à 10 jours.
Aphte géant
  • La taille de l’ulcération est nettement plus importante, de 1 à 5 cm, ainsi que sa profondeur.
  • L’ulcération est irrégulière, entourée d’une large aréole érythémateuse avec un fond nécrotique.
  • Extrêmement douloureuse, gênant la mastication, pouvant entraîner une dysphagie et une hypersalivation.
  • L’évolution est longue (plus d’un mois) et la cicatrisation laisse des cicatrices fibreuses plus ou moins mutilantes.
  • Leur prévalence est nettement augmentée dans l’infection à VIH.
Aphte géant au niveau de la face interne de la lèvre inférieure

Traitement :

  • Motivation à l’hygiène, prescription d’antiseptique (Chlorexidine®) en bains de bouche appliqué 4 à 5 fois par jour.
  • Application de Xylocaïne à 2 % en gel 15 à 30 minutes avant les repas.
  • Cautérisation par attouchement à l’acide trichloracétique (réservée à l’usage professionnel, risque de brûlure et nécrose).
  • Bains de bouche à base de corticoïdes ou d’Aspégic® en sachet.
  • Application de pansement gastrique : Maalox® en bains de bouche.

Ulcération maligne

  • Le carcinome épidermoïde de la muqueuse buccale représente environ 94 % de toutes les tumeurs malignes de la cavité buccale. Observé chez les malades âgés de plus de 50 ans avec intoxication alcoolo-tabagique, il touche deux à trois fois plus d’hommes que de femmes.
  • Ce diagnostic doit être évoqué devant toute ulcération buccale unique et chronique.
  • L’ulcération est douloureuse, de taille variable, de forme irrégulière, les bords sont surélevés et éversés. Le fond est d’aspect plus ou moins granuleux, végétant, ou bourgeonnant, avec des zones nécrotiques et/ou hémorragiques.
  • À la palpation, on décèle une base indurée, qui dépasse largement les limites de l’ulcération et s’étend en profondeur.
  • La langue, le plancher buccal et le palais mou sont les structures le plus souvent touchées.
  • Elle peut s’accompagner d’une mobilité dentaire lorsqu’elle est gingivale, ou d’une gêne à la protraction de la langue, ou d’une dysphagie.
  • Une adénopathie sous-mandibulaire est quasi constante.
  • On peut retrouver une altération de l’état général (fièvre, amaigrissement, asthénie).
  • Le diagnostic clinique sera confirmé par un examen histopathologique.
  • Une biopsie est réalisée.

Ulcération infectieuse

Ulcération d’origine tuberculeuse

Due au Bacille de Koch. Les manifestations buccales de la tuberculose sont de deux ordres :

  • Tuberculose cutanéo-muqueuse primitive : La muqueuse buccale est le site de l’inoculation initiale et la lésion est un chancre tuberculeux (rare) sous forme d’ulcération gingivale, notamment inférieure, simulant une gingivite ou une pseudo-péricoronarite avec adénopathies satellites unilatérales.
  • Tuberculose cutanéo-muqueuse secondaire : La lésion buccale est alors due à une auto-inoculation sur une érosion préexistante de la muqueuse buccale par le bacille tuberculeux présent dans les sécrétions bronchiques du malade : ulcération douloureuse, irrégulière à fond jaune nécrotique (langue++, lèvres) avec adénopathie satellite.

Diagnostic :

  • IDR positif à la tuberculine.
  • Histologie : Granulome épithélial gigantocellulaire avec nécrose caséeuse.
  • ECB des crachats peut isoler le BK (service spécialisé).

Traitement :

  • Orienter le patient au service spécialisé (le dispensaire anti-tuberculeux « DAT »).
Syphilis

Infection sexuellement transmissible (IST) due au Treponema pallidum.

  • Le chancre syphilitique est de siège buccal dans environ 8 % des cas, principalement au niveau des lèvres, de la langue et des amygdales. Il apparaît environ 3 semaines après le contact avec l’agent pathogène.
  • L’ulcération, pouvant atteindre jusqu’à 2 cm de diamètre, est indolore, ronde ou ovalaire, bien limitée, à bords réguliers plats taillés à pic.
  • Le fond est rouge dit en « chair musculaire », d’aspect lisse et vernissé.
  • La base est cartonnée en superficie sans dépasser les marges de la lésion.
  • L’ulcération est très contagieuse.
  • Accompagnée d’une ou plusieurs adénopathies satellites unilatérales, volumineuses, dures, mobiles, indolores.
  • Le chancre guérira spontanément en 5 à 6 semaines (laissant une cicatrice indélébile ronde, blanche ou pigmentée), mais l’adénopathie peut persister encore 2 ans.
  • Diagnostic : Tests sérologiques : test non tréponémique (VDRL) et test spécifique aux anticorps du tréponème (TPHA).
  • Traitement : Pénicillothérapie.
Autres ulcérations infectieuses
Cytomégalovirus
  • Une infection à cytomégalovirus de la cavité buccale peut être suspectée en cas d’ulcération de grande taille, profonde, de forme irrégulière, unique et douloureuse. Typiquement, ces ulcérations sont dépourvues de liseré érythémateux et surviennent particulièrement chez les patients immunodéprimés (sous immunosuppresseurs, sous corticoïdes, comme les malades transplantés).
Infections mycosiques
  • Candidoses : Les érosions sont douloureuses, recouvertes d’un enduit blanchâtre sur zone inflammatoire étendue.
  • Histoplasmose : Les ulcérations buccales sont cratériformes, très douloureuses. Déchiquetées, elles ont les bords abrupts, non décollés et un fond rouge peu fibrineux.

Ulcération multiple

Aphtose buccale

Aphtose buccale récidivante idiopathique (ABRI)
  • C’est la répétition des poussées dans l’année qui fait poser le diagnostic d’aphtose récidivante de manière rétrospective. Le diagnostic d’aphtose est posé en présence d’au moins 4 poussées d’aphtes par an.
  • Devant une lésion aphteuse récidivante, il faut éliminer une maladie de Behcet pour parler d’ABRI.
  • Trois formes cliniques d’ABR :
  • Aphtose mineure :
    • 1 à 5 aphtes vulgaires dont le diamètre < 1 cm.
    • Guérison spontanée en 10 jours.
  • Aphtose miliaire :
    • Multiples petites ulcérations (10 à 100 éléments), dont le diamètre < 2 mm, survenant en bouquets, très douloureuses.
  • Aphtose géante :
    • 1 à 5 aphtes géants dont le diamètre > 1 cm.
    • Très douloureuse.
    • Ulcération creusante à fond nécrotique.
    • Base souple.
    • Évolution : 1 mois avec une cicatrisation en rétraction.
Diagnostic des ulcérations
Maladie de Behcet : l’aphtose de Touraine
  • La maladie de Behcet doit son nom à un dermatologue turc qui la décrivit en 1937. C’est une affection multisystémique inflammatoire récidivante d’évolution chronique et de cause inconnue. Il s’agit d’une vascularite chronique dominée cliniquement par :
  • Ulcérations buccales récidivantes (98 %).
  • Ulcérations génitales (87 %).
  • Atteinte oculaire (73 %).
  • Lésions cutanées (69 %).
  • Lésions mineures : Arthrite (57 %), lésions gastro-intestinales (16 %), signes neurologiques (11 %), lésions vasculaires (9 %).
  • Diagnostic : En 2013, de nouveaux critères internationaux de la maladie de Behcet ont été établis. Le diagnostic est retenu quand le patient a un score ≥ 4 points.
CritèresPoints
Aphtes buccaux récidivants2 points
Ulcérations génitales récurrentes2 points
Lésions oculaires2 points
Lésions cutanées1 point
Test d’hypersensibilité1 point
Lésions vasculaires1 point
Atteinte du système nerveux central1 point

Tableau : Nouveaux critères internationaux de la maladie de Behcet (2013)

  • Traitement :
  • Prise en charge en odontostomatologie : Remise en état de la cavité buccale avec éventuellement des bains de bouche à base de corticoïdes.
  • Prise en charge en médecine interne : Colchicine (1,5 mg/j chez l’adulte) pour prévenir les récidives.
ABR et VIH
  • La prévalence des aphtoses buccales est augmentée lors d’une infection par le VIH. Les patients infectés par le VIH peuvent présenter des lésions aphteuses sous l’une ou l’autre des trois formes cliniques d’ABR (aphtose géante et miliaire sont plus fréquentes). Ces ulcérations guérissent lentement et peuvent persister pendant plusieurs mois, laissant des cicatrices muqueuses.

Maladies Inflammatoires Chroniques de l’Intestin (MICI)

  • Les MICI sont d’étiologie inconnue, regroupant la maladie de Crohn (MC) et la rectocolite hémorragique (RCH).
  • Maladie de Crohn : Caractérisée par une inflammation granulomateuse transmurale, asymétrique et segmentaire, pouvant atteindre tout le tube digestif, de la bouche à l’anus.
  • Rectocolite Hémorragique : Caractérisée par une inflammation pouvant s’étendre du rectum à l’ensemble du côlon respectant le grêle et l’anus, caractérisée par une disposition continue des lésions.
  • Leur évolution est caractérisée par l’alternance de poussées et de rémissions, ponctuée par la survenue de diverses manifestations digestives (diarrhée, douleurs abdominales…) et extra-digestives (articulaires, oculaires, cutanées, hématologiques, vasculaires…).
  • Les ulcérations buccales récidivantes peuvent précéder de plusieurs années les manifestations gastro-intestinales et représenter ainsi le seul symptôme d’appel. Elles sont plus fréquentes au cours de la maladie de Crohn.
  • Aspects cliniques :
  • Au cours de la maladie de Crohn : Ulcérations linéaires à bords hyperplasiques au niveau des sillons gingivo-jugaux, associées parfois à une macrochéilite (œdème des lèvres) fissurée.
  • Au cours de la RCH : Ulcérations hémorragiques.
  • Traitement : Anti-inflammatoires non stéroïdiens, anti-inflammatoires stéroïdiens, immunosuppresseurs, anti-TNF-alpha.

Maladie cœliaque : Entéropathie sensible au gluten

  • Maladie auto-immune caractérisée par une inflammation chronique de l’intestin grêle, induite par l’ingestion de gliadine (présente dans certaines variétés de céréales : blé, seigle, orge et, de façon incertaine, l’avoine) chez des sujets génétiquement prédisposés.
  • Signes classiques : Malabsorption de l’intestin grêle (diarrhée stéatorrhée, amaigrissement, dénutrition, asthénie, douleurs abdominales, anémie par carence en fer…).
  • Manifestations buccales : Récentes publications scientifiques mettent en relation les inflammations intestinales avec l’aphtose buccale récidivante. Coexistence plus fréquente, mais non systématique, entre l’aphtose et la maladie cœliaque.
  • Traitement : Régime sans gluten à vie pour une rémission complète avec disparition des lésions buccales.

Les hémopathies

  • Certaines hémopathies telles que la neutropénie, l’agranulocytose, la leucémie et l’anémie peuvent se manifester par des ulcérations buccales.
  • Anémies :
  • Anémie ferriprive.
  • Anémie macrocytaire (déficience en acide folique (vit B9) ou en vitamine B12 (anémie pernicieuse ou de Biermer)).
  • Leucémies : Ulcérations, hémorragies gingivales spontanées, hyperplasie gingivale, pétéchies, retard de cicatrisation.
  • Neutropénie : Diminution du taux des polynucléaires neutrophiles dans le sang. Ulcérations profondes et larges, nécrotiques à fond fibrineux grisâtre, extrêmement douloureuses, rarement entourées d’un halo rouge inflammatoire péri-lésionnel.

Maladies dermatologiques

Lupus érythémateux disséminé ou discoïde
  • Maladie auto-immune systémique, caractérisée par des signes rhumatologiques, dermatologiques (éruption cutanée en aile de papillon au niveau du visage), hématologiques et néphrologiques.
  • Les ulcérations buccales témoignent d’une poussée de la maladie. Elles sont superficielles, à bord érythémateux et mal limité, parfois entourées d’une kératose striée en rayon de miel.
  • Traitement : Corticothérapie ou immunosuppresseurs (formes sévères).
Lichen plan érosif
  • Maladie inflammatoire chronique, caractérisée par des troubles de la kératinisation, atteignant la peau et la muqueuse buccale (siège électif : muqueuse jugale postéro-inférieure). Étiopathogénie mal connue.
  • Forme érosive : Association de lésions érosives douloureuses et de lésions blanches kératosiques en périphérie.
  • Forme bulleuse : Précède la forme érosive.
  • Traitement :
  • Corticothérapie par voie locale en cas de symptômes.
  • Corticothérapie par voie générale dans les formes graves.

Ulcérations liées à des affections bulleuses

Le pemphigus
  • Dermatoses bulleuses auto-immunes, secondaires à la production d’auto-anticorps pathogènes dirigés contre les systèmes de jonction interkératinocytaire, provoquant une acantholyse. Touche la peau et les muqueuses, surtout l’adulte.
  • Pemphigus vulgaire : Révélé dans la plupart des cas par des érosions buccales.
  • Cliniquement : Les bulles sont rarement visibles (minceur et faible résistance au traumatisme masticatoire). Leur rupture provoque des érosions très douloureuses, à fond rouge et au pourtour opalin parfois surélevé. Pas de liseré érythémateux, ce qui évite la confusion avec des aphtes.
  • Traitement :
  • Corticothérapie par voie générale.
  • Association d’immunosuppresseurs en cas de résistance aux corticoïdes.
La pemphigoïde
  • Atteint préférentiellement les muqueuses avec une évolution cicatricielle et synéchiante. Due à un autoanticorps dirigé contre une protéine du filament d’ancrage.
  • Rare, touche surtout le sujet âgé (70 ans). Atteinte élective des muqueuses buccale, oculaire, génitale, et parfois ORL ou œsophagienne.
  • Muqueuse buccale : Gingivite érosive, associée ou non à des bulles ou des érosions du palais. La muqueuse mobile est rarement atteinte.
  • Diagnostic clinique : Signe de la pince (la pince sans griffe détache l’épithélium en très larges lambeaux en périphérie des érosions gingivales).
Érythème polymorphe
  • Maladie aiguë de la peau et des muqueuses, d’étiologie incertaine, déclenchée par la prise de médicament (toxidermie aux AINS, antibiotiques…) ou un herpès récurrent.
  • Caractéristiques : Petites vésicules buccales qui se rompent, laissant place à des érosions multiples, très douloureuses, recouvertes d’un enduit pseudomembraneux. Prédominance de l’atteinte labiale.
  • Différence avec l’aphtose : Présence au niveau des extrémités ou du visage de lésions papulo-maculeuses rouges, disposées en « cocarde ».
  • Traitement :
  • Atteinte buccale isolée : Disulone (100 mg/j) associé aux corticoïdes topiques (Diprolène® ou Dermoval® dans Orabase® en quantités égales).
  • Atteinte oculaire : Recours aux immunosuppresseurs (surtout cyclophosphamide).

Ulcérations post-vésiculeuses

Primo-infection herpétique
  • La gingivo-stomatite herpétique est dotée de nombreuses vésicules coalescentes, érythémateuses, accompagnées d’hyperthermie, de sialorrhée, et de dysphagie. Présence constante d’adénopathies satellites douloureuses.
  • Les vésicules se rompent rapidement, laissant place à de petites érosions fibrineuses, douloureuses, qui, en confluant, deviennent polycycliques. On peut trouver des vésicules en bouquet périnarinaire, péribuccales et extrafaciales (doigts…).
  • Au niveau de la demi-muqueuse labiale, petites vésicules claires qui persistent 48h à 72h, donnant naissance à des croûtes brunâtres.
  • Traitement :
  • Alimentation mixée.
  • Bains de bouche composés.
  • Xylocaïne gel 5 %.
  • Antalgique.
  • Traitement antiviral (Acyclovir, Zovirax®) dès que le diagnostic clinique est évoqué (dans les 3 premiers jours). Par voie orale (comprimés de 200 mg, 5 fois par jour) pendant 10 jours.
Varicelle et zona
  • Infections éruptives vésiculeuses cutanéomuqueuses, groupées en bouquets, causées par le même virus herpétique HHV3.
  • Varicelle :
  • Primo-infection, survenant généralement durant l’enfance (1 à 14 ans).
  • Toute la muqueuse buccale peut être atteinte, sous forme de vésicules jaunâtres qui s’ulcèrent rapidement, laissant des érosions arrondies et douloureuses.
  • Évolution spontanément favorable en 10 à 15 jours.
  • Zona :
  • Forme récurrente due à la réactivation du virus HHV3 resté latent dans les ganglions sensitifs, déclenché par un âge avancé, une leucémie, un lymphome ou autres cancers.
  • Éruptions vésiculaires en groupe lorsque les branches du trijumeau V2 et V3 sont atteintes. Les vésicules évoluent en pustules et en ulcères revêtus d’un enduit fibrino-leucocytaire blanc jaunâtre au niveau des muqueuses, et en croûtes sur la peau. Atteinte unilatérale et douloureuse. Les lésions persistent 2 à 3 semaines.

Ulcérations liées à une prise médicamenteuse

  • Une multitude de médicaments peut être à l’origine de toxidermies aphtoïdes ou d’aphtes induits. Le diagnostic « d’aphtose médicamenteuse » sera confirmé par la guérison à l’arrêt de la substance incriminée, sans réponse aux corticostéroïdes locaux.
  • Substances incriminées : Alendronate (antiostéoclastique), certains AINS (Piroxicam, ibuprofène), hexachlorophène en bains de bouche, anticoagulants (Phénindione), antihypertenseurs (Nicorandil, Captopril), barbituriques (Phénobarbital), hypochlorite de sodium, acide niflumique, sels d’or…

Conclusion

Les ulcérations et érosions de la muqueuse buccale peuvent être l’expression de nombreuses affections locales ou générales. Dans certains cas, elles peuvent même être révélatrices d’une pathologie jusqu’alors inconnue du patient.

Savoir détecter les lésions suspectes est primordial pour la santé du patient ; cela demande aux médecins dentistes une bonne connaissance de l’aspect et de l’évolution dans le temps des lésions élémentaires. Il ne faut jamais hésiter à revoir un patient présentant une lésion pour en objectiver la guérison.

L’histoire de la maladie et l’anamnèse permettront d’orienter le diagnostic et de réaliser, si besoin, des examens complémentaires. Dans certains cas, seul l’examen histopathologique des prélèvements établira le diagnostic définitif.

Références bibliographiques

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  • J. Billet, L. Ben Slama et collaborateurs ; PATHOLOGIE DE LA MUQUEUSE BUCCALE – Claude Beauvillain de Montreuil ; © Société Française d’Oto-rhino-laryngologie et de Chirurgie de la Face et du Cou, Editeur, 2009.
  • J.-P. Coulon, E. Piette ; Aphtes banals, aphtose buccale récidivante et maladie de Behçet ; EMC Stomatologie, 22-050-N-10 © 2007 Elsevier Masson SAS.
  • K. Zinelabidine, I. Rhizlane, M. Meziane, et F/Z Mernissi ; Aphtose buccale récidivante, et si c’était une maladie cœliaque ; Pan Afr Med J. 2012; 12: 88.
  • L. Vaillant – D. Goga ; Dermatologie buccale ; © 1997 Doin Editeurs, Paris.
  • S. OURAD, S. CHBICHEB, W. ELWADY ; Aphtoses buccales ; Service Pathologie Chirurgicale ; Faculté de Médecine Dentaire de Rabat ; Web J Dent 2013, vol : 7, n°1.
  • L. Vaillant, M. Samimi незалеж

Voici une sélection de livres:

Diagnostic des ulcérations

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