CONDUITE A TENIR DEVANT UN PATIENT DIABETIQUE

CONDUITE A TENIR DEVANT UN PATIENT DIABETIQUE

CONDUITE A TENIR DEVANT UN PATIENT DIABETIQUE

Introduction

L’évolution des connaissances médicales a profondément modifié l’attitude des odontologistes vis-à-vis de nombreux patients, notamment ceux qui souffrent d’une maladie générale. Vu son taux très élevé et ses complications multiples, le diabète nécessite une prise en charge particulière, propre à lui. Cette prise en charge des patients sous-entend non seulement la connaissance de la maladie et de ses expressions buccales, mais aussi ses modalités thérapeutiques et surtout la conduite à tenir et les précautions à prendre à l’égard des patients diabétiques.

Définitions du terme « diabète »

Diabète insipide

C’est un trouble fonctionnel caractérisé par une incapacité des reins à concentrer les urines, c’est-à-dire un défaut de réabsorption de l’eau par le rein en rapport avec un déficit ou un défaut d’action de l’hormone antidiurétique, se traduisant par une polyurie et une polydipsie.

Diabète rénal

Caractérisé par la présence excessive de glucose dans les urines alors que le taux de glucose dans le sang est normal. Ce trouble fonctionnel est dû à un défaut de réabsorption du glucose par les tubules rénaux.

Diabète sucré

Le diabète est l’un des désordres endocriniens et métaboliques les plus communs. Il s’agit d’une affection chronique caractérisée par un trouble dans le métabolisme des carbohydrates qui résulte d’une activité inadéquate de l’insuline au sein de l’organisme, aboutissant à une hyperglycémie à caractère chronique.

L’American Diabetes Association et l’Agence nationale française d’accréditation et d’évaluation en santé (ANAES) définissent le diabète selon les critères suivants :

  • Est considéré comme diabétique un sujet présentant à deux reprises une glycémie à jeun supérieure à 7 mmol/l (supérieure à 1,26 g/l).
  • Est considéré comme normal un sujet ayant une glycémie à jeun inférieure à 6,1 mmol/l (inférieure à 1,10 g/l).

Deux nouveaux concepts à considérer

  1. Notion de glycorégulation
    Sont considérés comme ayant une glycorégulation anormale :
    • Les sujets ayant une hyperglycémie modérée à jeun, glycémie > 6,1 mmol/l et < 7 mmol/l (> 1,10 g/l et < 1,26 g/l).
  2. Notion d’intolérance au glucose
    • Glycémie à jeun < 7 mmol/l (< 1,26 g/l) et glycémie 2 heures après la prise de 75 g de glucose > 7,6 mmol/l (> 1,40 g/l) et < 11 mmol/l (< 2 g/l).

Le diagnostic de diabète est retenu si la glycémie dépasse 2 g/l sur deux prélèvements à tout moment de la journée ou si la glycémie dépasse 2 g/l en présence d’une complication spécifique. Actuellement, l’approche du diabétique est beaucoup plus nuancée, avec l’introduction de nouveaux concepts.

Physiologie de la glycorégulation

[Note : Le document original ne fournit pas de détails spécifiques sur ce point. Une section vide est donc maintenue pour respecter la structure.]

Classification de l’OMS

Diabète de Type 1 (DT1)

Anciennement appelé diabète insulinodépendant (DID), il :

  • Débute avant l’âge de 30 ans.
  • Représente 5 à 10 % des cas de diabète.
  • Résulte de la destruction des cellules bêta du pancréas par un mécanisme auto-immun, aboutissant à une carence absolue en insuline.

Signes cliniques

  • Polyurie
  • Polydipsie
  • Polyphagie
  • Asthénie
  • Amaigrissement

Signes biologiques

  • Glycosurie : présence de glucose dans les urines.
  • Hyperglycémie : augmentation du glucose dans le sang par rapport à la normale (0,65-1,10 g/l).
  • Acidocétose : accumulation des corps cétoniques dans le sang.

Diabète de Type 2 (DT2)

Anciennement appelé diabète non insulinodépendant (DNID), il :

  • Touche essentiellement la population obèse et dont l’âge se situe autour de 50 ans.
  • Représente 90 à 95 % des cas de diabète.
  • Est dû à l’insulino-résistance et aux troubles de l’insulino-sécrétion.

Signes cliniques

  • Polyurie
  • Polydipsie
  • Polyphagie
  • Asthénie

Signes biologiques

  • Hyperglycémie
  • Glycosurie

Diabète gestationnel

Diabète sucré transitoire survenant pendant la grossesse, détecté pendant le deuxième mois de la grossesse, caractérisé par une hyperglycémie et glycosurie dues à la production d’hormones placentaires et maternelles.

Diabètes MODY (Maturity Onset Diabetes of the Youth)

S’apparente au diabète de type 2, mais survient de manière beaucoup plus précoce, à la fin de l’adolescence ou chez l’adulte jeune. Il est lié à des défauts génétiques de la fonction des cellules bêta pancréatiques (ex. : mutation du gène de la glucokinase).

Les examens biologiques

  • Glycémie à jeun : Valeur moyenne = 0,65-1,10 g/l (7 mmol/l).
  • Glycémie post-prandiale :
    Mesurée 1h30 après la fin ou 2h après le début du repas principal de la mi-journée contenant des hydrates de carbone. Valeur moyenne < 7,7 mmol/l.
  • Hyperglycémie provoquée par voie orale (HGPO) :
    Glycémie mesurée 2 heures après la prise de 75 g de glucose pour l’adulte et 1,75 g/kg de poids pour l’enfant. Valeur moyenne < 2 g/l (11 mmol/l).
  • Hémoglobine glyquée (HbA1c) :
    Hémoglobine qui se glyque proportionnellement au taux de glycémie. Étant donné la durée de vie moyenne des globules rouges (2 à 3 mois), c’est un marqueur de l’équilibre glycémique.
    • HbA1c < 7 % : bon contrôle (zone verte).
    • HbA1c entre 7 et 8 % : contrôle imparfait (zone orange).
    • HbA1c > 8 % : mauvais contrôle (zone rouge).

Équivalences HbA1c et glycémie moyenne

HbA1cGlycémie moyenne
6 %1,2 g/l
7 %1,5 g/l
8 %1,8 g/l
+1 %+0,3 g/l

Complications du diabète

Les lésions dégénératives

  • Macro-angiopathie : Résulte de la formation de plaques d’athérome (athérosclérose).
  • Micro-angiopathie : Résulte de la glycation des protéines des capillaires, aboutissant à leur fragilité, avec des conséquences rénales et oculaires.

Les complications cardiovasculaires

  • Infarctus du myocarde, angine de poitrine.
  • Accident vasculaire cérébral (AVC).
  • Hypertension artérielle (HTA).

Les complications nerveuses

  • Neuropathie diabétique : Atteinte des nerfs, principalement des membres inférieurs, entraînant une perte de sensibilité des pieds.

Les complications digestives

  • Troubles intestinaux
  • Vomissements
  • Diarrhée

Les complications rénales

  • Néphropathie glomérulaire
  • Infection urinaire
  • Nécrose papillaire
  • Insuffisance rénale

Les complications infectieuses

Dues à l’altération du chimiotactisme, de la bactéricidie et de la phagocytose des polynucléaires :

  • Pulmonaire : tuberculose
  • Cutanée : furoncle

Les risques chez les diabétiques

Le risque comateux

Coma hyperosmolaire

  • Complication rare du DT2 chez les sujets de plus de 60 ans.
  • Caractérisé par une hyperglycémie très importante avec déshydratation sans acidose.
  • Facteurs déclenchants : perte d’eau exagérée lors d’infections fébriles, ingestion importante de glucose, prise de diurétiques.
  • Traitement : hospitalisation urgente pour réhydratation et insulinothérapie.

Acidocétose

  • Complication du DT1 non traité.
  • Due à une carence absolue en insuline, entraînant hyperglycémie et lipolyse (accumulation excessive des corps cétoniques dans le sang, provoquant une acidose).
Signes cliniques
  • Haleine particulière (pomme reinette) due à l’acidose.
  • Amaigrissement rapide.
  • Vertiges, troubles digestifs.
  • Troubles respiratoires (polypnée).
  • Diagnostic confirmé par l’acétonurie.
Traitement
  • Administration d’insuline.
  • Correction de la déshydratation.
  • Apport d’électrolytes et minéraux (Ca++, K+, bicarbonate).
  • Traitement des facteurs précipitants et des complications.

Coma hypoglycémique

  • Causes :
    • Diminution des apports alimentaires.
    • Erreur de dosage de l’insuline.
    • Potentialisation de l’effet hypoglycémiant par certains médicaments (sulfamides, analgésiques salicylés, alcool).
  • Manifestations :
    • Syndrome neurovégétatif : pâleur, tremblements, anxiété, irritabilité, tachycardie, sueurs, faim douloureuse.
    • Syndrome neuroglucopénique : céphalées, asthénie, troubles visuels, sensitifs et moteurs, parfois AVC.
  • Traitement :
    • Administration de sucres par voie orale (patient conscient).
    • En cas de confusion ou troubles de conscience : injection IM ou sous-cutanée de 1 mg de glucagon, renouvelable après 15 min si absence d’amélioration.

Le risque infectieux

L’hyperglycémie, la céto-acidose et l’affection des parois vasculaires favorisent l’infection et le retard de cicatrisation chez le patient diabétique, surtout non équilibré.

Hyperglycémie

  • Réduit la fonction phagocytaire des granulocytes.
  • Favorise la croissance de certains micro-organismes.
  • Accélère la dégradation des fibres de collagène, affectant la cicatrisation.

Céto-acidose

  • Retarde la migration des granulocytes et affecte la phagocytose.

Modifications de la paroi vasculaire

  • Réduisent le flux sanguin, la teneur en oxygène et la mobilisation des granulocytes.

L’infection dentaire rend difficile l’équilibration du diabète et peut déséquilibrer un diabète ultérieurement stable. Il existe un cycle vicieux entre le diabète et l’infection.

Manifestations buccales

Infectieuses

Bactériennes

  • Maladie parodontale (gingivite, parodontite) : due aux dysfonctions immunitaires, altération de la flore bactérienne, du métabolisme du collagène et des vaisseaux parodontaux.
  • Dentaires :
    • Carie cervicale
    • Cellulite diffuse et nécrotique
    • Thrombophlébite

Fongiques

  • Candidose buccale
  • Chéilite angulaire
  • Glossite médiane
  • Stomatite

Dysfonctions des glandes salivaires

  • La micro-angiopathie et la neuropathie végétative altèrent la fonction des glandes salivaires, responsables de la sécheresse buccale (xérostomie).
  • Diminution du pH salivaire.

Lésions de la muqueuse buccale

  • Ulcérations
  • Lichen plan buccal
  • Atrophies des muqueuses

Paresthésies et troubles du goût

  • Goût métallique
  • Sensation de brûlures linguales

Retard de la cicatrisation

Dû à :

  • Diminution des fonctions des polynucléaires.
  • Réduction de la production de collagène.
  • Augmentation de la production de collagénase.

Note : Toutes ces lésions sont provoquées par des causes buccodentaires, mais favorisées par un déséquilibre glycémique.

La prise en charge d’un diabétique

Diabète rénal et insipide

La conduite à tenir sera la même que pour l’insuffisant rénal chronique, mais il faut préciser le degré de l’insuffisance.

Diabète sucré

  1. Ne jamais prendre en charge un diabétique non suivi par un médecin diabétologue, sauf en cas d’urgence.
  2. Travailler en collaboration avec le médecin traitant.
  3. Préciser :
    • Type de diabète.
    • Traitement antidiabétique : insuline ou hypoglycémiants oraux.
    • Âge du diabète.
    • Nombre, occasion et date des comas.

Classification des patients selon le risque

CatégorieCaractéristiques
Risque faible– Bien contrôlés, stables, asymptomatiques.
– Pas de complications neurologiques, vasculaires ou infectieuses.
– Glycosurie minimale (0 à 1+).
– Kétonurie nulle.
– Glycémie < 2 g/l (11 mmol/l).
Risque modéré– Contrôlés, mais symptômes occasionnels.
– Pas d’antécédent d’hypoglycémie ou de céto-acidose.
– Quelques complications sous traitement.
– Glycosurie 0 à 3+.
– Kétonurie nulle.
– Glycémie < 2,5 g/l (14 mmol/l).
Risque élevé– Complications multiples.
– Contrôle insuffisant, réajustement constant de l’insuline.
– Glycosurie avec kétonurie occasionnelle.
– Glycémie variant, souvent > 2,5 g/l (14 mmol/l).

Glycorégulation normale

Un patient avec glycorégulation normale :

  • A un poids stable.
  • Glycosurie < 10 % par rapport à l’apport hydrocarboné.
  • Ne fait pas de malaise.
  • Urines et sang sans corps cétoniques.
  • Peut gérer sa vie professionnelle sans difficulté.
  • Valeurs glycémiques proches de la normale et stables.
  1. Ne pas donner de rendez-vous aux heures des repas.
  2. S’assurer que le patient n’est pas à jeun.
  3. Préparation psychologique et sédative si nécessaire (en cas de stress).
  4. Antibiothérapie non systématique, sauf en cas d’infection déclarée (dose, durée et molécule énergiques).
  5. Éviter certaines prescriptions.
  6. Éviter les actes à faible taux de réussite :
    • Traitement canalaire dans les lésions péri-apicales chroniques sur molaire.
    • Traitement conservateur de poche par comblement.
    • Traitement orthodontique complexe.
  7. Prévention : détartrage régulier, traitement préventif des caries, extraction des dents de sagesse avant leur accident d’éruption, visites périodiques.
  8. Demander un bilan radiologique.
  9. Anesthésie : les vasoconstricteurs ne sont pas contre-indiqués (faibles concentrations d’adrénaline), sauf si plusieurs carpules sont nécessaires.
  10. Intervention rapide et la moins traumatisante possible.
  11. Assurer l’hémostase.
  12. Contrôle du patient jusqu’à la cicatrisation.
  13. En cas de malaise hypoglycémique :
    • Installer le patient en décubitus latéral de sécurité.
    • Libérer les voies aériennes supérieures.
    • Patient conscient : Re-sucrage per os (2 à 4 morceaux de sucre, boisson sucrée), suivi de sucres lents (pain, biscuit).
    • Patient inconscient : Re-sucrage par voie parentérale (IV, 20 à 40 ml de sérum glucosé) ou injection IM/sous-cutanée de 1 mg de glucagon (renouvelable après 15 min si nécessaire).

Cas particuliers

  1. Traumatisme maxillaire :
    • Fracture ouverte : Hospitalisation, antibiothérapie massive (minimum 15 jours), bilan biologique médical, surveillance.
    • Fracture fermée : Antibiothérapie (minimum 15 jours), bilan biologique médical, surveillance.
  2. Infection déclarée (accident cellulaire) :
    • Agir rapidement (risque d’extension, hospitalisation en urgence).
    • Contrôle de la glycémie.
    • Antibiothérapie massive, incision et drainage.
    • Traitement étiologique dès la levée du trismus.
  3. Pathologies concomitantes :
    • Prendre les précautions spécifiques aux pathologies associées (HTA, insuffisance rénale, etc.) et vis-à-vis des prescriptions de leurs traitements.
  4. Femme enceinte antérieurement diabétique :
    • Collaboration étroite avec diabétologue et obstétricien.
    • Ne pas intervenir au 1er et 3ème trimestre, sauf urgence et en milieu hospitalier.
  5. Diabète gestationnel :
    • Patientes sous insuline, mêmes précautions que pour le diabète sucré.

Conclusion

La pathologie buccodentaire fait partie intégrante des complications du diabète. La remise en état de la cavité buccale et l’instauration d’une hygiène buccodentaire satisfaisante sont fondamentales chez le patient diabétique et conditionnent la qualité de l’équilibre glycémique. Le professionnel dentaire doit s’intégrer de façon active dans l’équilibre médico-chirurgical, assurant la prévention, le diagnostic et le traitement des complications liées au diabète.

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