Les pathologies parodontales chez l’enfant
Introduction
Longtemps ignoré, le parodonte de l’enfant reste une structure encore peu connue. Toutefois, l’observation de situations pathologiques chez l’enfant a conduit les parodontologistes à rechercher chez l’enfant leurs éventuelles origines.
Une meilleure connaissance du parodonte de l’enfant permet de dépister des situations à risque et de prévenir les troubles parodontaux de l’adulte.
Définition de l’enfance
En latin Infantia.
C’est la période de la vie humaine depuis la naissance jusqu’à la puberté.
Caractéristiques anatomo-histologiques, physiologiques et écologiques
Caractéristiques anatomo-histologiques
La gencive
La gencive est souvent décrite comme plus rouge, du fait du réseau capillaire abondant et d’un épithélium plus mince, plus translucide et, pour certains auteurs, moins kératinisé. La hauteur de gencive est diminuée avec souvent des freins qui la rétractent ; elle augmente avec l’âge. La profondeur du sulcus a une valeur constante de 1 mm en moyenne.
Le desmodonte
Il est large, surtout au niveau de la furcation. Le desmodonte communique avec les espaces médullaires des procès alvéolaires et avec les tissus conjonctifs pulpaires par les orifices apicaux et de nombreux canaux pulpo-parodontaux.
Le cément
Le cément des dents temporaires est de faible épaisseur. Il est généralement de type acellulaire dans la partie coronaire de la racine et de type cellulaire dans la région apicale.
L’os alvéolaire
Il est parcouru par une vascularisation sanguine et lymphatique dense, il est moins calcifié. Les corticales sont fines, en particulier au niveau des secteurs antérieurs. Les crêtes alvéolaires peuvent être convexes ou plates, surtout si elles sont associées aux diastèmes.
Caractéristiques physiologiques
- L’os alvéolaire change de structure pour créer des conditions d’adaptations physiologiques.
- La riche vascularisation du parodonte conduit à un apport nutritif important et un potentiel de défense important.
Caractéristiques écologiques du milieu buccal
La salive et le fluide gingival
Les mêmes éléments que chez l’adulte, avec une densité leucocytaire augmentée, un pH acide qui tend à s’alcaliniser avec l’âge.
La flore microbienne
À la naissance, la cavité buccale est stérile. Après 6 à 10 heures, on note une rapide augmentation du nombre des bactéries détectables. Le premier organisme détecté est le Streptococcus salivarius, retrouvé chez 80 % des enfants d’un jour.
Au second jour, apparaissent les colibacilles ; au 5e jour, les streptocoques salivaires et les staphylocoques dominent.
L’éruption des dents, par les bouleversements physiologiques qu’elle implique, contribue très certainement aux modifications de l’écologie bactérienne au fur et à mesure de la croissance de l’enfant.
Transformations gingivales physiologiques associées à l’éruption dentaire
Le gonflement pré-éruptif
Avant l’apparition de la couronne dans la cavité buccale, la gencive présente un gonflement ferme, qui peut être légèrement plus pâle et qui épouse le contour de la couronne sous-jacente.
Formation du rebord gingival
La gencive marginale et le sulcus se développent à mesure que la dent pénètre dans la muqueuse buccale. Au cours de l’éruption, le rebord gingival est œdémateux, arrondi et légèrement plus rouge.
Proéminence normale du rebord gingival
Pendant la dentition mixte, il est normal que la gencive marginale autour des dents permanentes soit assez proéminente, particulièrement dans la région antéro-supérieure. À ce stade, la gencive est encore attachée à la couronne et semble proéminente.
Les gingivopathies chez l’enfant
Les caractéristiques morphologiques de la gencive chez l’enfant peuvent entraîner une surestimation du degré d’inflammation.
Les gingivites d’ordre local
Les gingivites aiguës
Gingivostomatite herpétique aiguë
C’est l’affection la plus répandue au cours de l’enfance. Elle est caractérisée par une lésion gingivale érythémateuse diffuse, avec formation de vésicules éphémères, laissant place à de petites ulcérations aux berges rouges en forme d’auréole. Elle s’associe à des vésicules, des croûtes au niveau des lèvres et du visage, une adénopathie cervicale et de la fièvre.
Traitement :
- Symptomatique :
- Antalgiques locaux : pommade anesthésiante (Xylocaine visqueuse).
- Bains de bouche (éviter l’eau oxygénée).
- Pommade antivirale appliquée sur les lèvres (Aciclovir).
- Si extension vers d’autres organes, orienter le patient vers un service spécialisé.
Le muguet
C’est une mycose buccale causée par Candida albicans, caractérisée par des lésions blanchâtres isolées ou disséminées dans toutes les régions de la muqueuse buccale. Elles sont fortement adhérentes mais peuvent parfois se détacher sans traces hémorragiques.
Traitement :
- Lutter contre la sécheresse labiale.
- Lutter contre l’acidose salivaire par des bains de bouche alcalins (borate de sodium, bicarbonate de soude).
- Antifongique (Fungizone, bain de bouche pur de Nystatine).
Gingivite ulcéro-nécrotique
C’est une maladie ulcéreuse et nécrotique, réversible, intéressant la gencive, d’apparition brutale, rare chez l’enfant mais très fréquente chez l’adolescent et le jeune adulte. Elle évolue par poussées aiguës successives et peut évoluer en parodontite.
Traitement :
Voir le cours « Les urgences en parodontie ».
Gingivite hypertrophique
Gingivite hypertrophique inflammatoire
Il s’agit d’un accroissement gingival de nature inflammatoire. La réaction de défense de l’organisme aboutit à une prolifération cellulaire et fibrillaire, se traduisant cliniquement par l’apparition de masses tissulaires de forme et de distribution variable.
Gingivite hypertrophique de la respiration buccale
Elle est caractérisée par une réaction œdémateuse et parfois hypertrophique, essentiellement au niveau des zones soumises à l’air. Le dessèchement superficiel de la muqueuse entraîne une diminution de sa résistance, probablement liée aux modifications de pressions osmotiques ou de la perméabilité des membranes cellulaires.
Gingivite hypertrophique de l’adolescent et du remaniement hormonal
Elle survient chez les deux sexes. Le volume de l’hypertrophie gingivale est beaucoup plus important que celui décrit en association avec les facteurs locaux seuls. Après la puberté, l’hypertrophie se réduit spontanément mais ne disparaît qu’après la suppression totale des irritants locaux.
Hyperplasie gingivale familiale héréditaire (gingivite éléphantiasique)
C’est une maladie hyperplasique rare, d’étiologie inconnue, appelée hyperplasie gingivale idiopathique ou « éléphantiasique ».
Cliniquement :
- Hyperplasie recouvrant les faces vestibulaire et linguale des arcades ou une seule arcade.
- Le tissu hyperplasique est rose, ferme, élastique et n’a pas tendance à l’hémorragie.
- L’hypertrophie peut recouvrir toute la couronne dentaire au point d’interférer avec l’occlusion.
Traitement : Gingivectomie.
Gingivite hypertrophique médicamenteuse due au Dihydan
Le médicament stimule l’activité fibroblastique et la synthèse du collagène. L’hyperplasie engendrée n’est pas fonction ni de la durée du traitement, ni de l’importance des doses prescrites.
Traitement : Gingivectomie.
Les gingivites chroniques
Gingivite marginale chronique (érythémateuse)
C’est la gingivite la plus fréquente chez l’enfant. La gencive prend une couleur rouge, plus ou moins foncée, par une vasodilatation et une prolifération vasculaire. La gencive libre augmente de volume, créant une fausse poche favorisant l’accumulation de biofilm, ce qui entretient l’inflammation gingivale.
Gingivite desquamative (érosive)
Relativement rare chez l’enfant, elle semble frapper davantage les sujets du sexe féminin, le plus souvent à l’âge moyen de la vie. Elle se caractérise par une desquamation de l’épithélium gingival, mettant à nu une surface saignante et douloureuse au moindre contact (un simple contact de l’air peut être douloureux). Les sujets ressentent une sensation de brûlure, et les mesures d’hygiène sont pratiquement impossibles. Cette forme semble être davantage un signe particulier à différentes maladies qu’une entité clinique propre.
Les gingivites liées aux maladies générales
La varicelle
Succession d’éruptions papulaires et de vésicules apparaissant sur la muqueuse buccale, la face et le reste du corps. Les vésicules se rompent et forment des cratères ulcérés.
La rougeole
Signe pathognomonique : les taches de Koplik apparaissent 2 à 3 jours avant l’éruption cutanée. Ces taches, bleutées, de la taille d’une tête d’épingle entourée d’une auréole rouge vive, apparaissent au niveau de la face interne de la lèvre. Un érythème et un œdème au niveau gingival sont également observés.
La scarlatine
Rougeur diffuse au niveau de la muqueuse buccale avec une langue framboisée.
La diphtérie
Elle est caractérisée par la formation d’une pseudomembrane dans l’oropharynx, ressemblant à un rideau dans les zones des piliers antérieurs. Un érythème diffus de la muqueuse buccale avec la formation de vésicules est également observé.
Maladies infectieuses spécifiques (tuberculose et syphilis)
- Primo-infection : apparition d’un chancre.
- Stade secondaire : ulcérations très étendues au niveau gingival.
Manifestations orales de l’infection au VIH
La comparaison d’une population d’enfants infectés par le virus de l’immunodéficience humaine et d’enfants témoins met en évidence plus de lésions orales, en particulier les candidoses et la glossite rhomboïde.
Les maladies hématologiques
Leucémie aiguë
Elle s’accompagne généralement d’une hypertrophie gingivale importante avec une tendance au saignement spontané.
Anémie érythroblastique
Gingivite liée à la malnutrition
Gingivite associée à une carence en vitamine C (scorbut)
Une carence en vitamine C provoque une augmentation de la tendance à l’hémorragie gingivale (coloration bleutée), une dégénérescence des fibres de collagène et un œdème du tissu conjonctif.
Avitaminose A
Hyperplasie gingivale importante.
Les tumeurs gingivales
Elles sont rares chez l’enfant et la plupart sont inflammatoires plutôt que néoplasiques. Parmi ces tumeurs, on citera : l’épulis, le fibrome, le papillome.
Les récessions parodontales
La récession est la dénudation de la surface radiculaire par le déplacement apical de la position gingivale, ce qui implique une migration de l’épithélium fonctionnel, une résorption de l’os alvéolaire et du ligament parodontal. Parmi les causes les plus fréquentes de la récession, nous avons :
- Les malpositions dentaires, surtout la vestibulo-version d’une dent ou la projection vestibulaire de la racine d’une dent en rotation.
- Une insertion anormale du frein.
Les parodontolyses chez l’enfant
Parodontite pré-pubertaire
- Apparaît au cours ou immédiatement après l’éruption des dents temporaires.
- Enfant âgé de moins de 14 ans, atteinte égale des deux sexes.
- Peu de plaque et de tartre, peu de susceptibilité à la carie dentaire.
- Diminution de la chimiotaxie des polynucléaires neutrophiles.
- Possible origine génétique.
- Inflammation gingivale sévère avec gingivorragie spontanée et prolifération des tissus gingivaux.
- Destruction osseuse rapide aboutissant à la chute des dents temporaires.
- Deux formes :
- Localisée superficielle.
- Généralisée profonde.
- S’accompagne d’une atteinte de l’état général ou de certaines affections du tractus respiratoire.
Parodontite juvénile
- Apparaît aux environs de la puberté (12 ans) et affecte les dents permanentes.
- Disproportion entre l’aspect sensiblement normal de la gencive et la gravité de l’atteinte du parodonte profond.
- Dans sa forme localisée, seules les premières molaires et/ou les incisives sont atteintes, réalisant une atteinte symétrique en miroir de caractère angulaire.
- Dans sa forme généralisée, toutes les dents sont atteintes avec un degré d’ostéolyse plus important au niveau des molaires et des incisives.
- Peu de plaque et de tartre.
- Réduction de la chimiotaxie des polynucléaires neutrophiles.
- Destruction osseuse rapide avec un bon état général apparent.
Parodontite à progression rapide
- Peut commencer à partir de la puberté, mais parfois plus tardivement.
- Inflammation gingivale sévère.
- Lyse osseuse généralisée.
- Accumulation importante de tartre et susceptibilité à la carie.
Parodontolyses, symptôme d’un syndrome
Certaines maladies systémiques prédisposent à la maladie parodontale. Dans la majorité des cas, les parents connaissent la maladie générale dont souffre leur enfant. Néanmoins, il peut arriver que les symptômes généraux ne soient pas évidents et que la perte d’attachement soit le seul signe de cette maladie. Dans ces cas, le praticien doit recueillir toutes les informations médicales et effectuer les examens complémentaires afin de faire un diagnostic différentiel.
- Hypophosphatasie
- Syndrome de Papillon-Lefèvre
- Syndrome de Chédiak-Higashi
- Neutropénie familiale
- Neutropénie cyclique
- Syndrome de Down
- Granulome éosinophile et syndromes qui lui sont liés (histiocytose X)
- Diabète infantile (DID) : Les parodontites chez les diabétiques ne diffèrent pas de celles de l’enfant sain. Elles apparaissent tardivement, leur évolution est très rapide et aboutit à la chute spontanée des dents. Le diabète ne déclenche pas la maladie parodontale, mais la précipite. Plusieurs facteurs concourent à l’affaiblissement des défenses locales (microangiopathies diabétiques, altération de la chimiotaxie des polynucléaires neutrophiles et du métabolisme du collagène par activation de la collagénase gingivale).
L’approche psychologique
- Replacer l’enfant dans son milieu familial et distinguer ses rapports avec ses parents.
- Lors de la première séance, la présence d’un ou des deux parents est indispensable ; elle devient moins nécessaire par la suite.
- Évaluer le degré de développement physiologique de l’enfant, ainsi que son degré de développement mental et intellectuel, en échangeant quelques mots, surtout au cours des soins. Le situer dans ses connaissances scolaires et extrascolaires par une conversation banale, sans allure doctorale, pour le mettre en confiance.
- Faire participer l’enfant à l’action en lui confiant un miroir dans lequel il pourra suivre les étapes des soins. Cela capte son attention, en le détournant autant que possible du sentiment d’angoisse, tout en restant dans la thérapeutique. Cette méthode est valable jusqu’à 10 ans.
- Au-delà de cet âge, expliquer simplement et rapidement ce que l’on propose de faire, en soins « avec son accord ».
- Pour les très jeunes enfants, faire toujours concorder le premier contact avec l’exécution d’un acte bénin, sans douleurs. C’est une préparation du terrain psychologique ; ne jamais tromper la vigilance et la confiance de l’enfant.
Parodontie préventive
Puisque les parodontopathies et la carie dentaire sont d’étiologie microbienne, la thérapeutique préventive consiste à prévenir l’installation ou la formation du biofilm. Il faut renforcer les structures dentaires et éliminer les facteurs favorisant le biofilm. Parmi les moyens de lutte, on citera :
- L’administration de fluor en cas de carence.
- Une alimentation équilibrée.
- Renforcer la motivation à l’hygiène bucco-dentaire (révélateur de plaque) et apprentissage de méthodes simples.
Parodontie curative
Le plan de traitement parodontal en parodontologie est le même que chez l’adulte, tout en insistant sur le volet psychologique afin de gagner la confiance du patient tout au long des démarches.
Conclusion
Chez l’enfant, l’évolution de la maladie parodontale diffère de celle observée chez l’adulte. Les enfants en âge pré-pubertaire sont moins sujets à l’exposition à la maladie parodontale que les adolescents, qui le sont eux-mêmes moins comparés aux adultes. Ce constat épidémiologique trouve son explication dans les caractéristiques physiologiques spécifiques du jeune enfant et de l’adolescent, particulièrement en ce qui concerne la physiologie du milieu buccal.
Voici une sélection de livres:
- Guide pratique de chirurgie parodontale Broché – 19 octobre 2011
- Parodontologie Broché – 19 septembre 1996
- MEDECINE ORALE ET CHIRURGIE ORALE PARODONTOLOGIE
- Parodontologie: Le contrôle du facteur bactérien par le practicien et par le patient
- Parodontologie clinique: Dentisterie implantaire, traitements et santé
- Parodontologie & Dentisterie implantaire : Volume 1
- Endodontie, prothese et parodontologie
- La parodontologie tout simplement Broché – Grand livre, 1 juillet 2020
- Parodontologie Relié – 1 novembre 2005

Dr J Dupont, chirurgien-dentiste spécialisé en implantologie, titulaire d’un DU de l’Université de Paris, offre des soins implantaires personnalisés avec expertise et technologies modernes.