MESURES DE L’ETAT DE SANTE
MESURES DE L’ÉTAT DE SANTÉ
Objectifs pédagogiques
- Décrire le principe de construction d’un indicateur
- Décrire les critères des instruments de mesures
- Définir, calculer, interpréter les principaux indicateurs de l’état de santé de la population
- Expliquer les interactions entre incidence-prévalence, mortalité-incidence
- Citer et décrire les différents facteurs susceptibles d’influencer leur mesure
- Comprendre l’utilisation des données disponibles en routine
- Identifier les facteurs environnementaux susceptibles d’influer sur la santé
I – Introduction
L’identification des problèmes de santé de population et les interventions adaptées sous forme d’activités ou de programmes nécessitent l’utilisation d’instruments d’évaluation particulière : les indicateurs.
Ces indicateurs, élaborés ou choisis parmi ceux qui existent, permettent de fournir des indications sur les problèmes de santé étudiés, les priorités à établir et l’action à mener.
II – Définition d’un indicateur
Un indicateur est une variable qui permet :
- De décrire une situation donnée
- D’établir les priorités
- De définir une stratégie d’action
L’étude de l’évolution de cet instrument dans le temps vise à comparer plusieurs groupes de population, plusieurs secteurs entre eux et à mesurer la rapidité de l’amélioration de l’état de santé de la population.
Critères d’un indicateur
Un indicateur doit répondre à certains critères :
- Valable : il doit mesurer effectivement ce qu’il doit mesurer
- Objectif : le résultat sera le même quelle que soit la personne qui effectue la mesure
- Sensible : il doit réagir aux modifications de la situation
- Spécifique : il doit refléter les modifications de la situation en cause
III – Construction d’indicateurs mesurant l’état de santé
Un indicateur s’exprime sous forme de rapport, établissant une relation entre deux quantités : l’une placée au numérateur, l’autre au dénominateur.
- Numérateur : a trait à l’événement considéré
- Dénominateur : représente la population où l’événement est observé
Dans le domaine de la santé, il quantifie tout événement relatif à la santé (décès, maladie, handicap, etc.).
Ce rapport peut être :
1. Une proportion
Si les individus du numérateur sont un sous-ensemble du dénominateur, c’est une fréquence relative comprise entre 0 et 1.
Exemple 1
Si nous enregistrons 50 décès par cancer sur 2000 décès toutes causes, la proportion sera :
[
\frac{50}{2000} = 0,025 \text{ ou } 2,5\% \text{ (ou } 25 \text{ pour } 1000 \text{ personnes si } K = 1000\text{)}
]
K est un coefficient qui peut s’exprimer pour 100, 10 000 personnes, etc.
Exemple 2
Si nous enregistrons les femmes enceintes recevant des soins prénatals, on peut calculer la proportion de femmes recevant ces soins.
2. Un ratio
C’est un rapport de fréquence de deux classes d’une même variable, permettant une comparaison.
Exemple 1 : Le sex-ratio
La variable est le sexe, les classes sont les hommes et les femmes. C’est donc le rapport H/F.
Exemple 2 : Le ratio de surmortalité (SM) selon le sexe
Il est calculé ainsi :
[
SM = \frac{\text{Taux de mortalité chez les hommes}}{\text{Taux de mortalité chez les femmes}} = \frac{100}{50} = 2
]
3. Un indice
C’est un rapport de fréquence servant de substitut à une proportion difficile à calculer.
Exemple : Fréquence relative des décès maternels
Au numérateur, on porte les décès maternels ; au dénominateur, les femmes ayant accouché. Comme le dénominateur est difficile à obtenir, on le remplace par les naissances vivantes :
[
Fr = \frac{\text{Décès maternel}}{\text{Effectif de naissances vivantes}}
]
Autres exemples
- Indice de rendement
- Indice d’équipement (ex. : 1 lit pour 10 000 habitants, 1 médecin pour 100 habitants)
L’indice est différent du ratio et de la proportion.
4. Un taux
C’est un rapport où le numérateur est une partie du dénominateur ayant subi un événement (décès, maladie, handicap). Exemples : taux de morbidité, taux de mortalité.
Taux de morbidité
C’est le rapport entre le nombre de malades et la population (population à risque ou population moyenne calculée au milieu de l’année). Le calcul fait appel à la notion de temps et est effectué pour une période donnée, dans une zone géographique donnée, pour une population donnée.
[
\text{Taux de morbidité} = \frac{\text{Cas}}{\text{P.T. (personnes × temps d’observation ou population moyenne)}}
]
Exemple 1
Une population estimée à 600 000 personnes est suivie pendant une année. 120 personnes développent une maladie M. au cours de l’année.
[
\text{Taux de morbidité} = \frac{120}{600 000} \times 100 000 = 20 \text{ cas pour } 100 000 \text{ habitants par an}
]
Exemple 2
Si toutes les personnes ne sont pas suivies pendant toute l’année, le calcul est le suivant :
- 5 personnes suivies pendant 12 mois : ( PT = 5 \times 12 = 60 )
- 2 personnes suivies pendant 2 mois : ( PT = 2 \times 2 = 4 )
- 1 personne suivie pendant 6 mois : ( PT = 1 \times 6 = 6 )
- 2 personnes suivies pendant 8 mois : ( PT = 2 \times 8 = 16 )
[
PT = (5 \times 12) + (2 \times 2) + (8 \times 2) + 6 = 86 \text{ personnes-mois}
]
Si le temps est exprimé en années :
[
PT = \frac{86}{12} = 7,2 \text{ personnes-années (P.A.)}
]
Calcul approché
[
PT = \frac{Po + Pt}{2} \times t
]
où :
- ( Po ) : population au temps ( t = 0 ) (10 personnes)
- ( Pt ) : population au temps ( t ) (5 personnes)
- ( t ) : temps d’observation (1 an)
[
PT = \frac{10 + 5}{2} \times 1 = 7,5 \text{ P.A.}
]
A) Mesure de la morbidité
La morbidité s’exprime par le taux de prévalence et le taux d’incidence.
1. Mesure par le taux de prévalence (T Pr)
C’est le rapport entre la prévalence (nombre de cas existants) et le nombre de personnes dans cette population à un moment donné ou sur une période donnée.
a) Taux de prévalence instantanée (T Pri)
[
T Pri = \frac{\text{Prévalence}}{\text{Population à } T1} \times K \quad (K = 100, 1000, 10 000, \text{etc.})
]
Exemple 1 : Taux de prévalence de la tuberculose au 01/01/1996
[
T Pri = \frac{\text{Cas de tuberculose existants au 01/01/96 (200)}}{\text{Population estimée au 01/01/96 (300 000)}} \times K
]
Exemple 2 : Taux de prévalence des marqueurs de l’HVB au 30/04/2002
C’est le rapport entre les cas existants et la population exposée.
b) Taux de prévalence de période (Prp)
C’est le rapport entre la prévalence pendant la période considérée et la population estimée pendant cette période.
Exemple : Taux de prévalence de la tuberculose au cours de l’année 1996
[
T Prp = \frac{\text{Cas de tuberculose recensés pendant l’année 1996}}{\text{Population moyenne de l’année 1996}}
]
[
\text{Population moyenne} = \frac{Po + Pt}{2}
]
où :
- ( Po ) : population au 01/01/96
- ( Pt ) : population au 31/12/96
2. Mesure par le taux d’incidence
L’incidence est la survenue de nouveaux cas de maladie dans une population générale ou à risque.
a) Taux d’incidence annuelle
[
T = \frac{\text{Nouveaux cas (année ou période)}}{\text{Population moyenne (ou à risque) pendant la période}} \times K
]
Exemple
En 1995 : 200 cas de cancer du sein dans une population de 300 000.
[
T = \frac{200}{300 000} \times 100 000 = 66,6 \text{ pour } 100 000 \text{ habitants}
]
b) Taux d’incidence : densité d’incidence instantanée
[
T = \frac{I}{PT}
]
où :
- ( I ) : cas incidents nouveaux
- ( PT ) : personnes × temps
Exemple
De 1990 à 1994, sur 100 femmes suivies, on enregistre 10 cancers du sein.
[
T = \frac{10}{100 \times 5} = 0,02 \text{ par personne-année}
]
c) Incidence cumulative (Ic)
[
Ic = \frac{I}{Po}
]
où :
- ( I ) : cas incidents pendant la période d’observation
- ( Po ) : population à risque au début de la période d’étude
Exemple : Incidence du cancer au 1er trimestre 1997
- Cas incidents : 10
- ( Po ) au 01/01/97 : 500
[
Ic = \frac{10}{500} = 0,02
]
Remarques
- Taux d’attaque : une incidence particulière à une période d’exposition courte (ex. : toxi-infection alimentaire).
- Pour les pathologies survenant par épisodes (ex. : diarrhée, infarctus), il faut comptabiliser les épisodes au numérateur.
- Liaison entre incidence et prévalence :
[
P = I \times D
]
où :
- ( P ) : prévalence
- ( I ) : incidence
- ( D ) : durée de la maladie
La prévalence dépend de l’incidence et de la durée de la maladie. Un changement dans la prévalence peut refléter des modifications de l’incidence, de la durée, ou des deux. Par exemple, un traitement efficace qui prévient les décès sans guérir complètement peut augmenter la prévalence.
La diminution de la prévalence peut résulter d’une diminution de l’incidence ou d’un raccourcissement de la durée de la maladie (guérison rapide ou décès prématuré). Si la durée est suffisamment réduite, la prévalence peut diminuer malgré une augmentation de l’incidence.
La prévalence est utilisée pour planifier les besoins en traitements, lits d’hôpitaux, etc., car elle exprime les besoins en ressources physiques et humaines.
B) Mesure de la mortalité
La mortalité s’exprime par le taux brut, spécifique et le taux de létalité.
1. Taux brut de mortalité (TBM)
C’est le rapport entre les décès toutes causes (DC) et la population au cours de la période d’observation.
[
TBM = \frac{DC}{\text{Population}} \times K
]
La population est soit ( P.T. ) (personnes-temps), soit la population moyenne de référence.
Exemple
Sur une année, on enregistre 32 855 décès dans une population de 51 335 800 habitants.
[
TBM = \frac{32 855}{51 335 800} = 0,0064 \text{ soit } 6,4 \text{ décès pour } 1 000 \text{ habitants par an}
]
2. Taux de létalité (L)
C’est la proportion de décès chez les personnes atteintes d’une maladie.
[
L = \frac{DC}{\text{Population malade}}
]
Exemple
[
L = \frac{\text{Décès par rougeole}}{\text{Cas de rougeole}}
]
3. Mortalité spécifique
Elle peut se calculer pour plusieurs variables :
a) Âge
Exemple : mortalité infantile, périnatale.
[
TMI = \frac{\text{Décès d’enfants < 12 mois}}{\text{Naissances vivantes}} \times K
]
La mortalité infantile est sensible à la disponibilité, l’utilisation et l’efficacité des soins de santé. La mortalité périnatale est un indicateur de la couverture et de la qualité des soins de santé.
b) Sexe
Exemple : taux de mortalité maternelle.
[
TMM = \frac{\text{Décès maternel}}{\text{Naissances vivantes}} \times K
]
c) Causes
Exemple : mortalité par cancer de l’utérus ou du poumon.
Remarque
[
TM = TxI \times L
]
Il existe une liaison entre le taux de mortalité (( TM )), le taux d’incidence (( TxI )) et le taux de létalité (( L )). Réduire la létalité par des interventions curatives diminue la mortalité. Réduire l’incidence par des mesures préventives diminue également la mortalité.
IV – Sources de données
Les données permettant la construction d’un indicateur proviennent soit :
- D’un système d’information de routine
- De la mise en place d’un système d’information pour le recueil des données nécessaires à l’étude du problème considéré
A) Dans le secteur de la santé
Les données sont obtenues à partir :
- Système d’enregistrement permanent :
- Dossiers médicaux des services hospitaliers ou extrahospitaliers
- Registres de consultation, vaccination, programme de maîtrise de la croissance démographique (PNMCD)
- Registres de maladies chroniques (cancer, diabète) pour calculer l’incidence
- Registre de déclaration des maladies transmissibles
- Données de la pharmacie sur la consommation des médicaments
- Enquêtes planifiées pour l’étude d’un problème particulier
B) Dans le secteur extra-sanitaire
Les données peuvent provenir :
- D’un enregistrement permanent :
- Registre d’état civil
- Rapports de gendarmes ou de police sur les accidents de la circulation
- Données d’absentéisme des établissements scolaires ou des usines
- Données des associations de malades
- Données de la sécurité sociale
- Enregistrements spéciaux : recensements de la population
V – Domaine d’intérêt : utilité
a) En santé publique
- Établir un diagnostic communautaire : les indicateurs aident à définir les besoins, identifier les groupes de population et zones géographiques nécessitant une prise en charge, ainsi que les groupes et zones à risque.
- Programmation : ils permettent de définir les critères, établir les priorités et quantifier les objectifs.
- Évaluation des interventions : ils mesurent le degré de réalisation et le niveau d’avancement des programmes (résultats, processus, gestion).
- Surveillance épidémiologique : ils permettent de suivre l’évolution de la morbidité et de la mortalité pour les maladies transmissibles et non transmissibles (ex. : registre du cancer, RAA).
b) En recherche clinique
Les indicateurs interviennent dans :
- La recherche étiologique
- La recherche thérapeutique
- La recherche technique
- La recherche évaluative
Ces études utilisent l’association entre l’état de santé et ses déterminants possibles.
c) Dans le développement socio-économique
Les indicateurs mesurent les facteurs externes au secteur de la santé qui influent sur le progrès social et économique d’un pays.
VI – Différents types d’indicateurs (classification)
Deux groupes peuvent être identifiés :
A) Indicateurs mesurant directement les changements liés à l’intervention
Ce sont souvent des indicateurs de résultats.
Exemples
- Programme élargi de vaccination (PEV) : taux d’immunisation, couverture vaccinale, morbidité résiduelle
- Programme de maîtrise de la croissance démographique (PNMCD) : taux de contraception
Ces indicateurs renseignent sur l’activité réalisée par rapport aux objectifs fixés (atteinte des objectifs) et orientent vers une modification de stratégie si nécessaire.
B) Indicateurs mesurant les déterminants de la santé
Ils correspondent aux facteurs, événements et caractéristiques entraînant une modification de l’état de santé de la population.
1. Indicateurs démographiques
- Taux de natalité, de mortalité
- Répartition de la population par âge et sexe (pyramide des âges)
- Répartition par zone géographique
- Espérance de vie
2. Indicateurs d’environnement
- Environnement physique : agents physiques, chimiques et biologiques (climat, pollution, etc.)
- Environnement socio-économique : logement, travail, etc.
3. Indicateurs d’habitudes de vie
Bien que difficiles à quantifier, ils incluent les répercussions des habitudes tabagiques, alimentaires et de l’abus d’alcool sur la santé.
Exemple : Taux de prévalence du tabagisme
[
T Prt = \frac{\text{Fumeurs}}{\text{Population}} \times 100
]
4. Indicateurs des services de santé
Les structures interviennent comme moyens de prévention et de soins. Une évaluation inclut :
- Indicateurs de ressources de santé : établissements sanitaires, personnel (statuts, prestations offertes, couverture de la population, ratio personnel/population)
- Prestations de soins de santé :
- Disponibilité : rapport entre la population d’une unité administrative, l’établissement de santé et le personnel affecté
- Accessibilité : proportion d’une population devant utiliser un établissement ou un service
- Utilisation : effectif de la population utilisant un service donné par rapport à la population ayant besoin de ce service
Les indicateurs d’utilisation décrivent l’activité des établissements et du personnel :
- Indicateurs traditionnels : entrées, sorties, durée de séjour, mortalité, distribution de médicaments
- Indicateurs modernes : groupes homogènes de malades
VII – Conclusion
Les indicateurs permettent de suivre les progrès sur la voie de la santé. Pour cela, il faut parfois établir des niveaux de référence et mesurer les modifications par rapport à ces niveaux, qui servent de normes.
Bibliographie
- Jean Bouyer. Épidémiologie, principes et méthodes quantitatives, chapitre 31.
- OMS – Manuel de l’enseignant. Éléments d’épidémiologie, pages 44 à 49, 52, 90, 174 et 176.
- OMS – Enseignement de statistiques sanitaires, pages 125 à 128.
- Clément Beaucage et Yves Bonnier. Épidémiologie appliquée, pages 40 à 47.
- Paul Marie Bernard et Claude Lapointe. Mesures statistiques en épidémiologie, pages 47 à 60.
- Claude Rumeau Rouquette. Épidémiologie, méthodes et pratiques, chapitre 2 (pages 13 à 19), chapitre 18 (pages 269 à 273).
- OMS – Élaboration d’indicateurs pour la surveillance continue des progrès réalisés dans la voie de santé pour tous d’ici l’an 2000.
Voici une sélection de livres:
- Odontologie conservatrice et endodontie odontologie prothètique de Kazutoyo Yasukawa (2014) Broché
- Concepts cliniques en odontologie conservatrice
- L’endodontie de A à Z: Traitement et retraitement
- Guide clinique d’odontologie
- Guide d’odontologie pédiatrique, 3e édition: La clinique par la preuve
- La photographie en odontologie: Des bases fondamentales à la clinique : objectifs, matériel et conseils pratique
MESURES DE L’ETAT DE SANTE

Dr J Dupont, chirurgien-dentiste spécialisé en implantologie, titulaire d’un DU de l’Université de Paris, offre des soins implantaires personnalisés avec expertise et technologies modernes.