LES CARCINOMES EPIDERMOIDES DE LA MUQUEUSE BUCCALE
Introduction
Les cancers de la cavité buccale s’inscrivent dans le cadre des cancers des voies aérodigestives supérieures (V.A.D.S). Dans 90 % des cas, il s’agit de carcinomes épidermoïdes de la muqueuse buccale. L’âge moyen des patients est de 60 ans, avec une prédominance masculine. Le pronostic global des cancers de la cavité buccale est défavorable.
Définition
Le carcinome épidermoïde de la cavité orale est un cancer qui se développe au niveau de l’épithélium de la muqueuse buccale.
Rappels Anatomique et Histologique
La muqueuse buccale revêt la paroi interne des lèvres et la cavité buccale, en continuité avec la peau à la jonction vermillon (versant externe des lèvres). Elle se prolonge en arrière avec la muqueuse digestive (pharynx) et respiratoire (larynx). La cavité buccale est entièrement tapissée par une muqueuse reposant sur des plans conjonctifs, musculaires et osseux. Cette muqueuse est constituée d’un épithélium de revêtement reposant sur le chorion à travers une membrane basale.
L’Épithélium
L’épithélium est pavimenteux, pluristratifié, kératinisé ou non selon les zones. Il comporte :
- Une assise cellulaire germinative (stratum germinatum) : Adossée à la membrane basale, elle est constituée de cellules cubiques sur une ou deux assises, les moins différenciées de l’épithélium. Cette couche contient également des mélanocytes et des cellules dendritiques de Langerhans.
- Un corps muqueux de Malpighi (stratum spinosum) : Les cellules, de taille plus grande, commencent à s’aplatir, phénomène qui s’accentue à mesure qu’elles migrent vers la surface.
- Une couche granuleuse (stratum granulosum) : Présente uniquement dans les zones kératinisées, elle est constituée de cellules volumineuses et aplaties contenant des grains de kératohyaline (protéine soufrée donnant la kératine).
- Une couche superficielle (stratum cornéum) : Les cellules, allongées et désunies, desquament. Elles renferment des organites et un noyau plus ou moins dégénéré.
Membrane Basale
La membrane basale, interface entre l’épithélium et le chorion, est une mince bandelette épousant les ondulations des crêtes épithéliales. Elle joue un rôle clé dans les échanges, l’attache des kératinocytes, leur différenciation et leur renouvellement. Sa rupture est déterminante dans l’invasion des cancers.
Le Chorion
Le chorion est un tissu conjonctif fibroélastique, variable selon les territoires. Il est lâche et richement vascularisé dans sa partie superficielle (papillaire). Il contient des glandes salivaires accessoires mixtes (séromuqueuses) ou muqueuses, ainsi que des terminaisons nerveuses.
Épidémiologie
Chaque année, environ 400 000 nouveaux cas de carcinomes épidermoïdes oraux (CEO) sont recensés dans le monde, avec un quart dans les pays développés et trois quarts dans les pays en voie de développement. Plus de la moitié des patients décèdent dans les cinq ans suivant le diagnostic. L’incidence varie selon les pays, en fonction de la répartition des facteurs carcinogènes et de la sensibilité individuelle. Aux États-Unis et au Royaume-Uni, les cancers oraux représentent 2 % des cancers, contre près de 40 % en Inde et au Sri Lanka. Les carcinomes épidermoïdes constituent 90 % des tumeurs de la cavité orale, affectant principalement les personnes âgées de plus de 65 ans.
Particularités des Carcinomes de la Muqueuse Buccale
- Localisation : Ils peuvent affecter toutes les muqueuses orales, mais touchent principalement la langue, le plancher buccal et les gencives.
- Caractéristique : La palpation révèle une induration caractéristique, souvent plus étendue que la tumeur visible.
Circonstances de Découverte
Les symptômes initiaux sont souvent discrets, entraînant des consultations tardives. Un examen systématique de la cavité buccale est crucial, notamment chez les sujets d’âge mûr alcoolo-tabagiques. Les signes révélateurs incluent :
- Une lésion muqueuse ou gingivale (ulcération, bourgeon, nodule, fissure).
- Des troubles de la déglutition : dysphagie, glossodynie, souvent associée à une otalgie.
- Une gêne à l’élocution, témoignant d’un envahissement lingual important.
- Des adénopathies cervicales dures.
- Des saignements, généralement peu abondants, à type de crachats sanguinolents.
Formes Cliniques des Carcinomes Épidermoïdes
Le diagnostic des carcinomes épidermoïdes est souvent tardif, malgré l’accessibilité de la cavité buccale à l’examen clinique. Dans les deux tiers des cas, la lésion est diagnostiquée au stade T2, T3 ou T4, avec des métastases ganglionnaires cervico-faciales dans la moitié des cas. Ce retard impacte le pronostic. Les formes cliniques principales sont :
- Forme ulcéreuse
- Forme ulcéro-végétante
- Forme végétante
Des formes atypiques plus rares incluent :
- Forme ulcéreuse atypique
- Forme fissuraire
- Forme en nappe (étendue en surface)
- Forme infiltrante
- Forme interstitielle
Initialement, le carcinome épidermoïde est indolore, la douleur n’apparaissant que tardivement. La muqueuse adjacente peut sembler normale, mais est souvent érythémateuse ou kératosique.
1. La Forme Ulcéreuse
Fréquente, elle se caractérise par :
- Un bord irrégulier, induré, surélevé, parfois éversé, avec :
- Un versant externe recouvert d’une muqueuse saine ou congestive.
- Un versant interne prolongé par le fond de l’ulcération.
- Une base indurée, plus étendue en profondeur, dépassant largement les limites de l’ulcération. La lésion saigne facilement au contact, surtout à un stade avancé, et est généralement indolore.
2. La Forme Végétante ou Exophytique
Elle se présente sous forme d’une lésion bourgeonnante, plus ou moins épaisse, en saillie sur la muqueuse saine.
3. La Forme Ulcéro-Végétante
C’est la forme la plus fréquente, combinant les caractéristiques des formes ulcéreuse et végétante.
Diagnostic Différentiel
Le diagnostic différentiel inclut :
- L’ulcération traumatique
- Les aphtes géants
- Les ulcérations syphilitiques ou tuberculeuses
- Un carcinome gingivo-alvéolaire confondu avec une parodontopathie chronique
Diagnostic Positif
Le diagnostic repose sur :
- La clinique
- Les radiographies
- Les examens biologiques
- La biopsie
Les Formes Topographiques
1. Cancers de la Langue
Ils représentent le modèle typique des cancers de la cavité buccale, avec 90 % de carcinomes épidermoïdes.
Carcinome de la Portion Mobile de la Langue
- Les formes ulcéro-végétantes ou bourgeonnantes pures sont fréquentes ; un nodule interstitiel est rare.
Cancers de la Base de la Langue
- Situés en arrière du V lingual, ces cancers présentent des signes discrets, rendant un diagnostic précoce rare.
- Signes tardifs : otalgie intermittente, limitation de la protraction linguale, déviation de la langue du côté atteint, adénopathies fréquentes.
2. Cancers du Plancher Buccal
Plancher Buccal Antérieur
- Accessible à l’examen, il présente des lésions ulcéreuses, parfois végétantes ou fissuraires.
- Dans les formes pelvi-gingivales, l’extension atteint le sillon pelvi-lingual, la face inférieure de la langue mobile, la table interne de la mandibule, puis la muqueuse vestibulaire et la lèvre inférieure, plus rapidement chez l’édenté.
Plancher Buccal Postérieur
- Symptômes : difficulté à la protraction de la langue, troubles de la déglutition, otalgies réflexes fréquentes.
- Un trismus marque l’envahissement du muscle ptérygoïdien médial.
3. Cancers des Lèvres
Cancer de la Lèvre Inférieure
- Siège préférentiel : le vermillon de la lèvre inférieure.
- Formes : ulcéreuse, ulcéro-végétante ou ulcérée et croûteuse, souvent sur une lésion précancéreuse dyskératosique liée à la cigarette.
- Diagnostic précoce, pronostic favorable, extension ganglionnaire rare sauf en cas de prise en charge tardive.
Cancers de la Lèvre Supérieure
- Rares (5 % des cancers des lèvres).
- Présence fréquente de lymphomes ou de tumeurs nodulaires interstitielles sur glandes salivaires accessoires.
4. Cancers de la Muqueuse de la Face Interne de la Joue
- Forme végétante prédominante.
- Origine souvent traumatique (dent délabrée, prothèse agressive), lésion précancéreuse (dysplasie, lichen).
- Pronostic défavorable en raison d’une extension rapide aux parties molles et d’une dissémination ganglionnaire précoce.
5. Cancers des Sillons Vestibulaires
- Rares, ils affectent principalement les régions moyennes et postérieures du vestibule inférieur.
- Lésions précancéreuses fréquentes, adénopathies précoces dans 50 % des cas.
- Extension en profondeur vers les parties molles et l’os adjacent.
6. Cancers des Gencives
- Fréquents, souvent confondus avec un état parodontal défectueux (aspect ulcéro-bourgeonnant).
- Dans les formes gingivo-mandibulaires, l’envahissement osseux peut causer une anesthésie dans le territoire du nerf mandibulaire (V3).
- Un examen radiologique est nécessaire pour détecter un envahissement osseux.
7. Carcinome de la Muqueuse Palatine
- Très rare, sauf en cas d’envahissement secondaire (gencive, voile).
- Prédominance des tumeurs des glandes salivaires accessoires : carcinomes muco-épidermoïde et adénoïdes kystiques.
Conclusion
Le pronostic des cancers des voies aérodigestives supérieures reste très défavorable. Une amélioration des résultats repose sur la prévention, incluant :
- Une sensibilisation des populations à risque pour instaurer des consultations régulières.
- Des campagnes anti-tabac et anti-alcool pour une prise de conscience.
- Un examen systématique de la cavité buccale par l’odontologiste pour dépister, diagnostiquer et traiter précocement les lésions précancéreuses et les cancers débutants.
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LES CARCINOMES EPIDERMOIDES DE LA MUQUEUSE BUCCALE

Dr J Dupont, chirurgien-dentiste spécialisé en implantologie, titulaire d’un DU de l’Université de Paris, offre des soins implantaires personnalisés avec expertise et technologies modernes.