Prescription et interactions médicamenteuses chez le sujet âgé

Prescription et interactions médicamenteuses chez le sujet âgé

Prescription et interactions médicamenteuses chez le sujet âgé


Prescription et interactions médicamenteuses chez le sujet âgé

Introduction

La polypathologie est une indication légitime de polymédication. Les médicaments permettent d’atténuer les symptômes, de prévenir certaines complications et parfois même de guérir. En même temps, la polymédication :

  • Augmente le risque iatrogène,
  • Diminue la qualité de l’observance,
  • A un coût élevé.

L’instauration de tout nouveau traitement doit donc être réfléchie. Les objectifs et les modalités du traitement doivent tenir compte des comorbidités et de la qualité de l’observance.

Modalités non optimales de prescription médicamenteuse

Il existe plusieurs modalités de prescription non optimale :

  • Excès de traitements (« overuse ») : Concerne la prescription de médicaments pour lesquels il n’y a pas d’indication ou qui ont une efficacité limitée.
  • Prescription inappropriée (« misuse ») : Le risque du médicament dépasse le bénéfice escompté.
  • Insuffisance de traitement (« underuse ») : Une sous-consommation du traitement.

Iatrogénie

Définition

Un accident iatrogénique est défini comme toute réaction à un médicament néfaste et non recherchée, survenant à des doses utilisées chez l’homme, à des fins de prophylaxie, de diagnostic ou de traitement (Organisation mondiale de la santé, 1969). Elle exclut :

  • Les intoxications volontaires ou accidentelles,
  • Les toxicomanies,
  • Les erreurs d’observance.

Spécificités chez le sujet âgé

Chez le sujet âgé, les accidents iatrogéniques sont :

  • Plus fréquents,
  • Plus graves,
  • Plus coûteux que chez les sujets plus jeunes.

Le risque iatrogène n’est pas inéluctable. La polymédication est le principal facteur de risque iatrogène chez le sujet âgé.

Principaux groupes de médicaments incriminés

Trois grands groupes de médicaments sont particulièrement concernés :

  1. Les médicaments cardiovasculaires,
  2. Les psychotropes,
  3. Les anti-inflammatoires non stéroïdiens, les corticoïdes et les antiparkinsoniens.

Les accidents sont le plus souvent observés avec la prise de médicaments d’utilisation courante.

Causes de iatrogénie

Causes liées aux médicaments
  • Manque d’éducation thérapeutique des patients :
  • Surveillance non ou mal prescrite,
  • Surveillance non ou mal comprise,
  • Surveillance non ou mal transmise.

Situations à risque de iatrogénie

La vigilance doit être accrue en cas de prescription de :

  • Un médicament à marge thérapeutique étroite,
  • Un médicament psychotrope,
  • Un médicament cardiovasculaire,
  • Un médicament récemment mis sur le marché,
  • Une association de produits actifs,
  • Plusieurs médicaments ayant une même propriété pharmacologique,
  • Pathologies augmentant le risque iatrogène.

Cette vigilance est d’autant plus importante lorsque les sujets sont/ont :

  • Polypathologiques,
  • Insuffisants rénaux,
  • Dénutris,
  • Des troubles locomoteurs,
  • Un déficit sensoriel,
  • Des troubles locomoteurs (attention aux médicaments favorisant la survenue d’une hypotension orthostatique, de vertiges ou ayant un effet myorelaxant).

Évaluer l’observance

L’observance est définie comme le degré de concordance entre le comportement d’un individu (prise médicamenteuse, suivi de régime, et/ou changements de style de vie) et les prescriptions ou recommandations médicales. Il est important de l’évaluer au cours du suivi.

Erreurs les plus fréquentes d’observance

  • Oublis de prise,
  • Erreurs de doses (sur- ou sous-dosage),
  • Non-respect des conditions de prise,
  • Automédication.

Règles pratiques de prescription

Quelques règles pour améliorer la prescription chez le sujet âgé :

  • Ne pas prescrire sans analyse diagnostique,
  • Optimiser le rapport bénéfice/risque : établir les priorités,
  • Apprécier l’aptitude du patient,
  • Choisir une classe médicamenteuse et une galénique adaptées,
  • Penser à la posologie.

Éduquer le patient

  • Préciser la conduite à tenir en cas d’oubli ou de non-prise de chaque médicament,
  • Lister les situations qui doivent conduire à consulter son médecin,
  • Expliquer la nécessité d’informer chaque médecin consulté du traitement en cours, y compris des médicaments pris dans le cadre d’une automédication.

Nécessité d’un suivi adapté et vigilant

Quand un traitement est instauré, il faut se fixer des objectifs thérapeutiques précis :

  • Sur quels éléments cliniques ou non seront mesurées l’efficacité du traitement, sa tolérance et à quelle fréquence,
  • Si efficacité partielle ou d’inefficacité, une stratégie précise doit être mise au point,
  • Le suivi médical doit être d’autant plus rapproché que le sujet :
  • Est polypathologique,
  • Présente des handicaps qui entravent son observance,
  • Prend des médicaments ayant une marge thérapeutique étroite ou qui peuvent interagir.

Modification de la pharmacocinétique et de la pharmacodynamique des médicaments

D’une façon générale, les fonctions hépatique et rénale s’altèrent avec l’âge, et ce d’autant plus que l’âge est plus avancé. À titre d’exemple, la filtration glomérulaire diminue de 25 % à 75 ans et de 50 % à 90 ans, ce qui réduit, dans des proportions non négligeables, l’élimination des médicaments filtrés à travers les capillaires glomérulaires.

L’altération de la fonction rénale associée à la réduction des capacités de dégradation hépatique impose, pour certains médicaments, une réduction de leur posologie habituelle.

Modification de l’absorption

  • Réduction de la sécrétion d’acide gastrique,
  • Diminution de la vitesse de la vidange gastrique,
  • Diminution de la surface de résorption digestive,
  • Diminution de la perfusion digestive.

Modification de la distribution et du transport

Avec l’âge, on observe :

  • Une diminution de l’eau totale et de la masse maigre de l’organisme, ce qui augmente le risque de surdosage pour les médicaments hydrosolubles,
  • Une augmentation de la masse lipidique, ce qui augmente le risque de stockage et de relargage prolongé des médicaments liposolubles, entraînant souvent une augmentation de la demi-vie (exemple : allongement de la demi-vie des benzodiazépines, qui peut passer de 40 heures chez le sujet jeune à 4 à 5 jours chez le sujet âgé),
  • Une hypo-albuminémie, qui diminue la fixation des médicaments fortement liés à l’albumine, augmentant ainsi leur fraction libre et donc potentiellement leur toxicité (exemple : digoxine, sulfamides hypoglycémiants, anti-vitamines K, anti-inflammatoires non stéroïdiens).

Modification du métabolisme hépatique

  • Vitesse de transformation hépatique des médicaments souvent diminuée par réduction de la masse hépatique et du flux sanguin hépatique,
  • Exemple : le Naproxène® et l’Ibuprofène présentent un métabolisme hépatique réduit.

Modification de l’élimination rénale

  • Présence classique d’une insuffisance rénale chronique, notamment en raison d’un débit sanguin glomérulaire abaissé,
  • La baisse de la filtration glomérulaire est de 2 à 10 % par décennie,
  • Diminution de l’excrétion urinaire de certains médicaments (exemple : aminosides, digoxine, inhibiteurs de l’enzyme de conversion, héparine de bas poids moléculaire).

Autres facteurs de risque

  • Maladies chroniques multiples : Polymédication,
  • Plusieurs médecins : Peut aboutir à la polymédication. Les traitements sont souvent changés par un médecin sans consultation des autres praticiens, ce qui augmente le risque d’interaction iatrogène. En médecine dentaire, il faut essayer d’être le moins prescripteur possible.

Principes généraux de prescription thérapeutique chez le sujet âgé en odontostomatologie

L’acte thérapeutique ne se limite pas à la prescription de médicaments. Il comporte aussi une approche non médicamenteuse et psychologique.

Avant la prescription

  • Écouter, examiner : La prescription d’un médicament n’est pas toujours la réponse la plus adaptée à la plainte du patient,
  • Connaître les pathologies actuelles du patient et ses antécédents (HTA, diabète, cardiopathie, insuffisance rénale, etc.),
  • Connaître tous les médicaments pris par le patient,
  • Apprécier le poids, la pression artérielle, l’état d’hydratation et l’état nutritionnel,
  • S’assurer d’un diagnostic,
  • Choisir le médicament :
  • Ayant le moins d’effets secondaires et d’interactions,
  • Ayant la marge de sécurité la plus large,
  • Ayant la demi-vie la plus courte,
  • Ayant la voie d’administration et la forme galénique la plus adaptée aux handicaps du patient (tremblements, troubles visuels, troubles cognitifs, difficultés de préhension manuelle, etc.),
  • Éviter le double emploi en repérant tous les médicaments qui appartiennent à la même classe thérapeutique ou qui contiennent le même principe actif.

Conclusion

La polymédication et les interactions médicamenteuses chez la personne âgée restent un véritable enjeu de santé publique, d’autant plus que l’espérance de vie ne cesse d’augmenter. Une meilleure coordination entre les différents professionnels de santé semble essentielle et mérite d’être développée. Il ne faut pas oublier que chez le sujet âgé, le médicament ne doit pas résumer le soin, et il est nécessaire de favoriser toutes les approches thérapeutiques non médicamenteuses.


Voici une sélection de livres:

Prescription et interactions médicamenteuses chez le sujet âgé

Leave a Comment

Your email address will not be published. Required fields are marked *