Trismus
Introduction
La limitation de l’ouverture buccale est un motif fréquent de consultation. Elle est parfois isolée, sans aucun signe d’accompagnement, mais souvent elle s’intègre dans un tableau clinique plus riche et évocateur.
Définition du trismus
Le trismus est un symptôme caractérisé par la limitation temporaire de l’ouverture buccale due à une contraction des muscles élévateurs de la mandibule qui empêchent l’action des muscles abaisseurs et en rapport avec une maladie ou une infection en évolution.
Le plus souvent, il s’agit d’une contracture réflexe de défense (contre la douleur), c’est pourquoi le trismus est passager et il disparaît lors de la guérison de l’infection.
Diagnostic étiologique
Causes locales
Causes inflammatoires et infectieuses
Ce sont les causes les plus fréquentes. Le trismus est d’autant plus serré que le processus inflammatoire ou infectieux est plus postérieur.
Étiologie d’origine dentaire
- Il peut s’agir d’une infection dentaire radiculaire, péri-radiculaire, parodontale ou péricoronaire (accident d’évolution de la dent de sagesse mandibulaire).
- Il peut s’agir d’une cellulite péri-maxillaire sus ou sous mylo-hyoïdienne ou massétérine.
- Plus rarement, d’une ostéite.
Causes infectieuses extra-dentaires
- Buccales : stomatites (dans les formes intenses, ulcéreuses ou nécrosantes), stomatite odontiasique, gingivites.
- Salivaires : sous-maxillite, parotidite.
- Articulaire : arthrite temporo-mandibulaire que l’on retrouve dans la maladie sérique. Cette arthrite est rarement de cause générale (septicémie). Plus souvent de cause locale de voisinage (otite, parotidite, mastoïdite ou plaie souillée en regard de l’articulation).
- Cutanée : dans certaines infections cutanées (furoncle).
- Infection spécifique : actinomycose cervico-faciale, syphilis (localisé aux muscles masticateurs), tuberculose (ostéite tuberculeuse de l’angle mandibulaire).
Causes traumatiques
Fracture de la mandibule
- Fracture condylienne haute ou sous-condylienne basse (il faut signaler le risque secondaire de constriction permanente des maxillaires par ankylose temporo-mandibulaire dans les fractures hautes du condyle).
- Fracture de la branche montante et de la région angulaire de la mandibule.
Fracture de l’arcade zygomatique ou zygomato-malaire
- Peut embrocher le muscle temporal.
Traumatisme des muscles masticateurs
- Contusion ou plaie des muscles élévateurs de la mandibule (temporal, masséter).
- Hématome musculaire, corps étranger intra-musculaire.
- Extraction traumatique d’une dent de sagesse mandibulaire.
Causes tumorales
Tumeurs bénignes
- Elles sont rarement la cause d’un trismus, qui peut survenir à l’occasion de poussées évolutives inflammatoires.
Tumeurs malignes
- Le trismus n’est pas dû à une contracture réflexe mais à un envahissement du muscle par une tumeur à point de départ profond.
- Le trismus est d’autant plus serré que la lésion est de siège postérieur :
- Cancer de l’oropharynx : voile du palais, amygdales, piliers amygdaliens.
- Cancer de la cavité buccale : commissure intermaxillaire.
- Cancer du plancher buccal postérieur, du vestibule et de la joue.
- Tumeur maligne du sinus maxillaire avec extension postérieure vers la fosse ptérygo-maxillaire.
Pathologie des ATM
- Le trismus fait partie de la symptomatologie du dysfonctionnement temporo-mandibulaire. Ce dernier comprend des signes musculaires et articulaires.
Causes générales
Les trismus de cause générale sont caractérisés par leur intermittence avec des périodes de relâchement suivies de paroxysmes.
Causes infectieuses
Le tétanos
- Il s’agit de la première étiologie générale à évoquer devant un trismus.
- D’après Lorrain : « tout trismus ne fait pas sa preuve doit être considéré comme tétanos ».
- C’est une toxi-infection due à un bacille gram(+) anaérobie strict, Clostridium tetani, qui pénètre dans l’organisme par une plaie le plus souvent, se développe localement et agit par la libération d’une toxine.
- La période d’incubation est de 3 à 15 jours, cette phase est muette jusqu’à la survenue du premier signe qui est habituellement le trismus.
- Les contractures s’exagèrent par paroxysme. On recherche les autres signes cliniques qui apparaissent rapidement dans le tétanos aigu :
- Dysphagie.
- Contracture des muscles de la nuque.
- Rire sardonique.
- En 2 à 3 jours, les contractures deviennent généralisées et permanentes.
- N.B. : L’interrogatoire révèle l’absence de vaccination et de rappel, l’existence à l’interrogatoire et/ou à l’examen d’une plaie datant de 3 jours ou plus.
Méningite aiguë
- Le trismus est souvent noyé au milieu d’autres signes généraux : fièvre, céphalée, vomissement, hyperesthésie cutanée, syndrome méningé et raideur de la nuque. La ponction lombaire établit le diagnostic.
La rage : « méningo-encéphalomyélite »
- Actuellement exceptionnelle, le trismus n’est qu’une partie du tableau clinique (paresthésie au niveau de la plaie de morsure, convulsions, contractures parfois généralisées, hypersialorrhée, spasmes laryngés, etc.).
Causes toxiques et médicamenteuses
- Elles sont rares.
- Neuroleptiques : les produits les plus fréquemment en cause sont les neuroleptiques dits « incisifs » (Haldol®, Majeptil®, Terfluzine®).
- Antihistaminiques : diphénhydramine, doxylamine.
- Intoxication à la strychnine : dose toxique de 20 mg chez l’adulte.
Causes neurologiques
- Ces affections, peu courantes, ne se compliquent de trismus que de façon exceptionnelle :
- Encéphalite vaccinale ou encéphalite épidémique du sujet jeune.
- Lésions cérébrales de la région bulbo-protubérantielle.
- Certaines formes de la maladie de Parkinson.
Causes métaboliques et carentielles
- Le trismus peut faire partie du tableau clinique de l’hypoglycémie.
- Il survient le plus souvent chez l’alcoolique.
- En cas d’encéphalopathie due à une carence en vitamine B1.
Diagnostic différentiel du trismus
Il faut éliminer :
Constriction permanente des maxillaires
- Elle s’oppose point par point au trismus car il s’agit d’un :
- Résultat d’un processus de consolidation anormale.
- Due à une lésion d’origine osseuse, musculaire, muqueuse ou cutanée.
- Indolore, d’évolution chronique.
- Ne cède pas sous anesthésie générale.
- Permanente.
Luxation temporo-mandibulaire postérieure avec fracture associée du tympanal
- Elle est rare.
- Provoque un blocage de l’articulation en bouche fermée avec latérodéviation du côté opposé à la lésion.
- À l’examen, on retrouve une vacuité de la région condylienne luxée.
Pithiatisme ou faux trismus des simulateurs
- Pour différencier un vrai trismus d’un pithiatisme, il suffit de stimuler le réflexe nauséeux en plaçant un abaisse-langue au contact du voile et de la luette.
Blocage de la cinétique mandibulaire par une tumeur sous-maxillaire ou sous-angulo-maxillaire
- Tumeur salivaire bénigne ou maligne de la glande sous-maxillaire.
- Adénopathie.
Diagnostic positif
Circonstances de découverte
- Le plus souvent, le patient consulte pour une difficulté de l’ouverture buccale ; parfois, un praticien découvre cette limitation au cours d’un examen général.
- Parfois, le trismus est recherché de façon systématique, comme partie intégrante d’un ensemble symptomatique.
Interrogatoire
- Il précise :
- Les modalités d’installation (brusque, progressive).
- La date d’apparition et d’évolution du trismus.
- Les circonstances de survenue : traumatisme, plaie, chirurgie récente, etc.
- Signes fonctionnels associés (douleur et ses caractéristiques, dysphagie, et d’éventuels signes généraux comme l’hyperthermie).
- Les antécédents familiaux, personnels et médicaux (vaccination antitétanique) et traitement médicamenteux en cours.
Examen clinique
Examen exo-buccal
- Évalue la limitation de l’ouverture buccale en la mesurant par rapport à la normale (47 ± 7 mm). L’ouverture buccale est mesurée à l’aide d’un pied à coulisse en prenant deux dents antagonistes comme repère constant.
- Qualification du trismus :
- Léger : amplitude d’ouverture buccale > 20 mm.
- Modéré : amplitude de 10 à 20 mm.
- Serré : amplitude < 10 mm.
- Apprécie la rectitude du trajet d’ouverture ou une éventuelle latérodéviation.
- Évalue les mouvements de propulsion et de latéralité.
- Recherche des signes de traumatisme (ecchymose, hématome, plaie).
- Apprécie la symétrie faciale, l’existence d’une éventuelle tuméfaction, d’une hypertrophie d’un ou des muscles masticateurs (temporal, masséter).
Examen endo-buccal
- Réalisé, au besoin, sous anesthésie générale en cas de trismus serré.
- Évalue sous un bon éclairage :
- L’aspect de la muqueuse bucco-pharyngée.
- L’état dentaire et de l’occlusion.
- Les glandes salivaires.
Examen général
- Comprend un examen neurologique à la recherche de la cause classique du trismus : tétanos.
Examens para-cliniques
- Dans un contexte traumatique, les examens radiologiques sont demandés en fonction des constatations cliniques.
- En dehors du trauma :
- Un panoramique ou un mordu permet d’avoir une première idée de l’état dentaire, articulaire et osseux.
- En seconde intention :
- TDM centrée sur la région ptérygo-mandibulaire, sous-temporale, et les sinus de la face.
- Fibroscopie par voie nasale à la recherche de cause temporale.
- En cas de pathologie articulaire d’origine dysfonctionnelle supposée, un examen d’imagerie par résonance magnétique (IRM).
Évolution
- La guérison est complète lorsque la cause est traitée.
- En l’absence de traitement, le trismus évolue vers la constriction permanente.
- Le pronostic reste favorable lorsque l’étiologie est locale, il sera réservé quand l’étiologie est générale.
Traitement
Le trismus n’est qu’un symptôme ; son traitement passe par le traitement de l’étiologie.
Traitement symptomatique
Infiltrations
- Anesthésie locorégionale du nerf temporo-massétérin avec de la xylocaïne ou de la novocaïne, par voie sous-zygomatique.
- Anesthésie du ganglion sphéno-palatin par voie endonasale avec de la cocaïne à 10 % ou, plus souvent, avec de la xylocaïne.
- Anesthésie extra-orale du nerf alvéolaire inférieur selon la technique de Ciezynski.
- L’anesthésie générale fait toujours céder un trismus, à la différence d’une constriction permanente des maxillaires.
Traitements médicaux
- Myorelaxants agissant à différents niveaux : fibres musculaires ou système nerveux.
- Injection de toxine botulique dans un muscle spasmé (particulièrement le ptérygoïdien latéral) dans le cadre des troubles dysfonctionnels des ATM en rapport avec un trouble de l’articulé dentaire.
Traitement étiologique
Trismus de cause locale
Trismus de cause traumatique
- Antalgiques, antibiotiques.
- Traitement des différents foyers de fracture mandibulaires par blocage intermaxillaire ou ostéosynthèse par microplaques vissées ou fil d’acier.
- Réduction d’une fracture de l’arcade zygomatique.
Trismus de cause infectieuse
- Traitement médical : antibiotiques.
- Traitement local de la cause :
- Cause dentaire : extraction ou soins dentaires, extraction d’une dent de sagesse en cas de péricoronarite ou application d’acide trichloracétique, drainage d’une cellulite ou d’un abcès d’origine dentaire.
- Cause non dentaire : incision d’un phlegmon péri-amygdalien et drainage. L’amygdalectomie sera réalisée quelques semaines plus tard.
- Bain de bouche en cas de stomatite.
- Évacuation d’une lithiase salivaire au niveau du canal de Wharton.
Trismus de cause tumorale
- Le traitement est variable en fonction de la tumeur, mais dans tous les cas, il est indispensable d’administrer une antibiothérapie associée à des AINS, voire des corticoïdes pendant une période transitoire.
- Une arthrite aiguë suppurée de l’ATM nécessite une mise en repos de l’articulation de courte durée suivie d’une réduction dès que le syndrome infectieux est jugulé.
Trismus de cause générale
- Importance de la séroprophylaxie antitétanique et des mesures de prévention obligatoire en cas de morsure animale.
Conclusion
Le trismus demeure un symptôme assez révélateur pour de nombreuses pathologies. Il convient avant tout d’en tenir compte et de rechercher l’étiologie, mais il s’agit également de prévenir son installation par une prise en charge précoce et adéquate.
Voici une sélection de livres:
- “Orthodontie de l’enfant et de l’adulte” par Marie-José Boileau
- Orthodontie interceptive Broché – Grand livre, 24 novembre 2023
- ORTHOPEDIE DENTO FACIALE ODONTOLOGIE PEDIATRIQUE
- Orthopédie dento-faciale en dentures temporaire et mixte: Interception précoce des malocclusions Broché – Illustré, 25 mars 2021
- Nouvelles conceptions de l’ancrage en orthodontie
- Guide d’odontologie pédiatrique: La clinique par la preuve
- Orthodontie linguale (Techniques dentaires)
- Biomécanique orthodontique
- Syndrome posturo-ventilatoire et dysmorphies de classe II, Bases fondamentales: ORTHOPÉDIE ET ORTHODONTIE À L’USAGE DU CHIRURGIEN-DENTISTE
Trismus

Dr J Dupont, chirurgien-dentiste spécialisé en implantologie, titulaire d’un DU de l’Université de Paris, offre des soins implantaires personnalisés avec expertise et technologies modernes.