LA THERAPEUTIQUE INITIALE

LA THERAPEUTIQUE INITIALE

     LA THERAPEUTIQUE INITIALE

Introduction

Les caries et les maladies parodontales sont les affections les plus répandues de la denture. Jusqu’à récemment, elles étaient principalement traitées par des thérapeutiques symptomatiques à visée réparatrice. Ce mode de traitement pouvait être considéré comme adapté tant que l’étiologie de ces deux affections restait obscure.

Aujourd’hui, des aspects importants de l’étiologie et de la pathogenèse des caries et des maladies parodontales sont bien compris. Des méthodes thérapeutiques permettent d’éradiquer ou de contrôler les facteurs étiologiques et d’empêcher la récidive de la maladie parodontale. Les résultats d’expérimentations animales et d’études longitudinales chez l’homme ont montré de manière concluante qu’un traitement comportant l’élimination ou le contrôle de l’infection due à la plaque bactérienne, ainsi que l’introduction de mesures rigoureuses de contrôle de la plaque, aboutissent dans la plupart des cas, sinon tous, au rétablissement de la santé dentaire et parodontale.

L’expression traitement initial désigne les diverses techniques utilisées pour atteindre cet objectif.

Rappel étiologique de la maladie parodontale

Les principales causes de la maladie parodontale ont été décrites par Weski en 1836 sous la forme d’une triade :

Étiologie locale

  • Facteur local déclenchant : La plaque bactérienne, selon Loe, est un dépôt mou non calcifié qui se forme sur les dents insuffisamment nettoyées.
  • Facteur local favorisant : Tous les facteurs anatomiques dentaires et iatrogènes qui favorisent la rétention et l’accumulation de la plaque bactérienne.
  • Facteur local indirect : Représenté par les forces occlusales traumatogènes.

Étiologie constitutionnelle

  • Âge
  • Sexe
  • Race
  • Hérédité

Étiologie générale

  • Facteurs hormonaux
  • Facteurs nutritionnels
  • Troubles endocriniens : diabète, etc.
  • Maladie parodontale comme symptôme de maladies générales : syndrome de Papillon-Lefèvre, syndrome de Down, etc.
  • Facteurs sanguins
  • Facteurs médicamenteux

Facteurs de risque

  • Stress
  • Tabac

Place de la thérapeutique initiale dans le plan de traitement

Le traitement parodontal fait suite à l’établissement d’une fiche clinique et d’un diagnostic. Le traitement complet des patients atteints de parodontopathies peut être divisé, à des fins didactiques, en quatre phases, qui se chevauchent souvent :

Thérapeutique étiologique

Son objectif est de stopper la progression de la maladie parodontale par l’élimination de la plaque bactérienne et des facteurs de rétention de plaque.

Phase de réévaluation

Effectuée entre 3 et 6 mois après le traitement initial, elle analyse le contrôle de la plaque bactérienne, le saignement, le sondage et la radiographie. Différentes décisions en découlent : renforcement du contrôle de la plaque bactérienne, soins de soutien.

Thérapeutique corrective

L’objectif principal est la restauration de la fonction et de l’esthétique, soit par des thérapeutiques non chirurgicales, soit par des thérapeutiques chirurgicales et la réhabilitation occlusale, qui ne peuvent être considérées que comme un complément de la thérapeutique étiologique. Les diverses méthodes chirurgicales doivent être jugées sur leur aptitude à contribuer au contrôle de la plaque bactérienne et à préserver le parodonte à long terme.

Phase de maintenance

Elle vise à maintenir les résultats obtenus et à prévenir la récidive de la maladie parodontale. Le but est d’accompagner le patient dans son travail quotidien d’élimination de la plaque bactérienne par des contrôles périodiques au cours desquels les dépôts bactériens encore présents sont systématiquement éradiqués.

Définition de la thérapeutique initiale

La thérapeutique initiale est considérée comme la phase la plus importante du traitement parodontal. C’est une thérapeutique étiologique qui consiste à éliminer toutes les causes de la maladie parodontale. Elle repose sur plusieurs approches : psychique, chimique et pratique (motivation, contrôle de la plaque bactérienne, détartrage, surfaçage, etc.), dont le but principal est l’élimination du biofilm bactérien, facteur déclenchant des gingivites et parodontites.

Objectifs de la thérapeutique initiale

  • Informer le patient sur sa maladie parodontale et son traitement, et le motiver à contrôler sa maladie.
  • Enseigner l’hygiène buccale.
  • Stopper la progression de la maladie parodontale.
  • Éliminer les facteurs de rétention de la plaque bactérienne.
  • Éliminer les signes de l’inflammation.
  • Stabiliser la lyse osseuse.
  • Stopper les pertes d’attache.
  • Créer des rapports occlusaux fonctionnels.
  • Stabiliser les dents mobiles.

Les différentes étapes de la thérapeutique initiale

Motivation

La motivation consiste à sensibiliser et informer le patient. Le praticien doit faire preuve de patience, de persévérance, de psychologie et de pédagogie. Le chirurgien-dentiste sollicite une participation active du patient, un élément essentiel pour la réussite du traitement. L’objectif est de convaincre le patient de la nécessité du contrôle de la plaque bactérienne et de l’apprentissage de ce comportement.

Motivation hors du cabinet dentaire

  • Hygiène scolaire : À l’école maternelle et primaire.
  • Motivation des parents : Ils sont responsables de l’avenir dentaire de leurs enfants.
  • Information grand public :
    • Actions des fabricants de matériels d’hygiène pour augmenter les ventes.
    • Véhicules de communication (presse, affichage, radio, télévision, etc.).
  • Diététique : Réduire les aliments riches en sucre et privilégier une alimentation dure, fibreuse, riche en protéines et vitamines.

Motivation au cabinet dentaire

  • À la salle d’attente :
    • Livres, revues, affiches.
    • Vidéocassettes, manuels d’apprentissage.
  • Rôle de l’assistante : Plus spontané, le patient pose plus facilement des questions à l’assistante.
  • Lors de la consultation :
    • Visualiser l’ennemi pour mieux le combattre : utilisation de révélateurs, sensibilisation du patient, possibilité de contrôle par le patient lui-même.
    • Prendre des photographies, radios, modèles.
    • Si une bonne hygiène n’est pas pratiquée, le patient n’aura pas droit à un traitement réparateur.

Révélateurs

Les révélateurs sont des solutions appliquées avec une boulette de coton ou des comprimés gardés en bouche pendant 1 minute.

LA THERAPEUTIQUE INITIALE

Moyens d’élimination de la plaque bactérienne

Moyens mécaniques
Brossage

Le brossage consiste à éliminer les dépôts mous et les débris alimentaires à l’aide d’une brosse à dents.

Intérêt du brossage :

  • Élimination des dépôts mous, de la plaque bactérienne, des fragments d’aliments, et réduction/retard de la formation du tartre.
  • Massage de la gencive pour favoriser la kératinisation de l’épithélium et stimuler la circulation sanguine.
  • Élimination de la mauvaise haleine d’origine buccale.

Fréquence et durée du brossage :

  • Durée : 3 minutes.
  • Fréquence : 3 fois par jour après les repas.

Les brosses à dents :
Elles se composent d’un manche, d’un col et d’une tête portant les soies, qui représente la partie active. Les soies varient selon trois paramètres :

  • Nature : Soies naturelles (réservoirs à germes) ou synthétiques (plus résistantes à l’humidité et à l’usure).
  • Souplesse : Dépend du diamètre et parfois de la longueur des soies (extra-souple, souple, médium, dure, extra-dure).
  • Implantation : Perpendiculaire (surface homogène) ou en V (surface irrégulière pour une meilleure pénétration interdentaire).

Types de brosses à dents :

  • Brosse mono-touffe : Une touffe taillée en pointe pour les espaces interdentaires et les faces distales des molaires.
  • Brosse à 2 rangées : 6 touffes.
  • Brosse à 3, 4, ou 6 rangées : 10 touffes.
  • Brosse manuelle.
  • Brosse électrique : Mouvement horizontal ou rotatif.
  • Brosse ultrasonique : Avec système d’éclairage.

Qualités requises pour une brosse à dents :

  • Manche préhensible.
  • Possibilité de courbure du col.
  • Facile à nettoyer.
  • Résistante et peu coûteuse.
  • Différenciable des autres brosses de la famille.

Contre-indications du brossage :

  • Phase aiguë de la gingivite ulcéro-nécrosante (GUN).
  • Réaction inflammatoire chez les irradiés.
  • Après chirurgie ou extraction dentaire.
  • Dans les premiers jours suivant une lésion traumatique.

Méthodes de brossage :

  • Méthode horizontale :
    • Indication : Enfants jusqu’à 3 ans.
    • Technique : Arcades en occlusion, brosse perpendiculaire aux faces vestibulaires ou occlusales, mouvement de va-et-vient. Cette méthode est traumatogène et peu efficace, justifiée uniquement pour les faces occlusales.
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  • Méthode circulaire de Fones :
    • Indication : Enfants et patients avec parodonte sain.
    • Technique : Brosse à 90° par rapport à la surface dentaire, en occlusion. Mouvements rotatifs pour les faces vestibulaires et linguales, va-et-vient rotatoire pour les faces occlusales.
  • Méthode par roulement :
    • Indication : Adolescents et adultes avec parodonte sain.
    • Position : Brosse parallèle à 45° par rapport à l’axe dentaire, appuyant légèrement sur la gencive, bouche ouverte.
    • Technique : Mouvement de la gencive vers la dent, les poils se plient, stimulent la gencive et éliminent la plaque marginale et interdentaire.
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  • Méthode de Bass :
    • Indication : Adultes avec parodonte sain, gingivite ou parodontite.
    • Position : Brosse inclinée à 45° par rapport à l’axe dentaire, extrémité des poils dans le sulcus gingival et les espaces interdentaires.
    • Technique : Bouche ouverte, mouvements vibratoires discrets.
  • Méthode de Bass simplifiée :
    • Ajout d’un mouvement de balayage aux vibrations.
  • Méthode de Stillman :
    • Indication : Récessions, gingivite œdémateuse.
    • Position : Brosse parallèle à l’axe dentaire, bouche ouverte, extrémité des poils dépassant de 2 mm le bord gingival, pression sur la gencive.
    • Technique : Mouvements légers mésio-distaux pour masser la gencive et éliminer la plaque.
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  • Méthode de Stillman modifiée :
    • Combinaison de vibrations et de mouvements par coup selon l’axe longitudinal des dents. La brosse est positionnée au niveau de la ligne muco-gingivale, déplacée le long de la gencive attachée, marginale et de la surface dentaire, avec vibrations.
  • Méthode de Charters :
    • Indication : Patients avec parodontopathie, récessions, diastèmes.
    • Position : Poils à 45° par rapport à l’axe dentaire, appuyant sur la gencive, dirigés vers le plan d’occlusion, bouche ouverte.
    • Technique : Petites oscillations dans les espaces interdentaires.
Adjuvants du brossage
  • Fil de soie : Enroulé autour des majeurs, tendu avec pouce et index, pour nettoyer les surfaces proximales. Passé sous le point de contact jusqu’au liseré gingival, puis remonté en appuyant contre la surface proximale.
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  • Cure-dent : Bâtonnet interdentaire.
  • Bâtonnet interdentaire.
LA THERAPEUTIQUE INITIALE
  • Stimulateurs : Cône en caoutchouc ou plastique monté sur un manche, inséré dans l’espace interdentaire.
  • Brossettes interdentaires.
LA THERAPEUTIQUE INITIALE
  • Hydropulseurs : Rinçage à jet avec eau ou solution antiseptique.
Moyens chimiques
  • Antibiotiques : Leur usage à long terme est contre-indiqué en raison du risque de résistance bactérienne.
  • Enzymes : Mutanase, dextranase, efficacité à court terme mais effets secondaires fréquents.
  • Vitamines : Vitamine C, bains de bouche à base de zinc, vitamines A et D.
  • Antiseptiques :
    • Chlorhexidine : Inhibiteur efficace de la plaque bactérienne, bactéricide et bactériostatique, utilisé en gels ou dentifrices.
    • Sanguinarine : Bon agent anti-plaque.
    • Fluor : Dentifrices fluorés à action médicamenteuse.

Détartrage et surfaçage

Définition

Le détartrage consiste à éliminer la plaque bactérienne et le tartre de la surface des dents, qu’il soit sus-gingival (sur la couronne clinique) ou sous-gingival. Le surfaçage radiculaire élimine le cément ramolli pour obtenir une surface radiculaire dure et lisse.

Buts du détartrage et surfaçage

  • Obtenir des surfaces lisses, dures et propres.
  • Éliminer la masse bactérienne et tartrique sous-gingivale.
  • Faciliter le nettoyage des surfaces radiculaires par le patient et le praticien.
  • Favoriser la cicatrisation des poches et prévenir la récidive.
  • Réduire l’inflammation gingivale et stopper la destruction.

Indications

  • Présence de tartre sus- et sous-gingival dans le cadre de gingivites et parodontites.
  • Temps essentiel de la thérapeutique initiale, chirurgicale ou non.
  • Seul traitement pour les patients non motivés ou avec contre-indications à des interventions plus élaborées.

Contre-indications

Relatives :

  • Affection rénale.
  • Hypertension artérielle, rhumatisme articulaire aigu.
  • Diabète non équilibré.
  • Cardiopathies sans risque vital.

Absolues :

  • Affections de la ligne blanche (leucémie, hémophilie).
  • Patients sous anticoagulants.
  • Patients sous corticothérapie.

Instrumentation

  • Manuelle : Grattoirs (falciforme, houe, ciseaux), curettes, limes.
  • Ultrasonique : Cavitron (25 000 vibrations/seconde) pour fragmenter le tartre.

Technique

Préparation du champ opératoire :

  • Irrigation abondante pour éliminer les débris alimentaires.
  • Anesthésie locale en cas d’hypersensibilité.
  • Détartrage sus-gingival pour faciliter l’accès sous-gingival.

Règles :

  • Point d’appui proche de la zone à détartrer pour la stabilité.
  • Prise en porte-plume standard.

Technique proprement dite :

  • Exploration de la surface radiculaire à la sonde pour évaluer la profondeur des poches et la position des dépôts.
  • Insertion de la curette jusqu’à la base de la poche, face lisse en regard de la gencive, mouvement de traction apico-coronaire à un angle de 60° à 80° avec la racine, répété jusqu’à obtenir une surface lisse et dure.
  • Polissage.
  • Conseils post-opératoires.

Traitement médicamenteux

Les thérapeutiques mécaniques peuvent être insuffisantes pour certaines formes avancées de maladies parodontales (parodontite juvénile, parodontite à progression rapide, parodontite prépubertaire). Le contrôle de la plaque bactérienne reste essentiel, et l’emploi de substances antibactériennes potentialise ce contrôle.

Antiseptiques

  • Chlorhexidine : Bactéricide ou bactériostatique selon la concentration, utilisée en bains de bouche ou hydropulseur.
  • Hexétidine : Antibactérien à large spectre, effet anti-plaque.
  • Sanguinarine : Alcaloïde de Sanguinaria canadensis, antibactérien à large spectre.
  • Eau oxygénée : Antiseptique à effet moussant, véhiculant l’oxygène au fond des poches.

Antibiotiques

Indiqués en phase active de la maladie ou en cas de risque infectieux (rhumatisme articulaire aigu, cardiopathie, diabète non équilibré), après confirmation bactériologique.

Élimination des facteurs iatrogènes et favorisants

Correction des débordements

  • Obturations débordantes : Correction ou remplacement.
  • Couronnes sous-gingivales ou débordantes : Déposées et remplacées par des restaurations provisoires si correction impossible.
  • Éléments intermédiaires inadéquats : Correction ou remplacement du pont.
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Extractions

Les dents avec un support osseux insuffisant sont extraites pour éviter une gêne fonctionnelle et éliminer un réservoir bactérien. Techniques pour préserver le parodonte :

  • Monoradiculées : Élévation d’un lambeau vestibulaire, élimination d’une partie de la table osseuse vestibulaire, préservation du septum interdentaire.
  • Molars : Séparation des racines.

Orthodontie

Les appareils multi-bagues favorisent la rétention de plaque, nécessitant une prophylaxie professionnelle. Les fils proches de la gencive doivent concilier biomécanique et parodontologie.

Traitement fonctionnel

Prothèse provisoire

Les édentements sont remplacés par des prothèses provisoires pour restaurer fonction et esthétique, prévenir la résorption osseuse, les malpositions dentaires et les surcharges occlusales.

Contention

Immobilisation temporaire ou définitive des dents mobiles dans une position anatomique et fonctionnelle optimale.

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  • Contention temporaire amovible :
    • Plaque de Hawley : Résine acrylique avec bandeau et plan de morsure.
    • Plaque de Sved : Résine avec appui palatin.
  • Contention temporaire fixée :
    • Ligature métallique en huit.
    • Ligature métallique en échelle.
    • Ligature en point de machine à coudre.

Cas particulier

Les patients atteints de maladies générales, pour lesquels la chirurgie est contre-indiquée, se limitent à la thérapeutique initiale. Une antibioprophylaxie est instaurée pour réduire le risque infectieux :

  • Diabétiques non équilibrés : Spiramycine 6 MUI/j pendant 8 jours.
  • Cardiopathies :
    • Amoxicilline : 3 g (adulte) ou 75 mg/kg (enfant) 1 heure avant l’acte.
    • En cas d’allergie aux bêta-lactamines : Clindamycine 600 mg (adulte) ou 15 mg/kg (enfant), ou Pristinamycine 1 g (adulte) ou 25 mg/kg (enfant) 1 heure avant l’acte.
  • Insuffisance rénale : Antibiotique à élimination non rénale, demi-dose.
  • Insuffisance hépatique : Éviter Tétracycline, Spiramycine, Clindamycine.

Conclusion

La majorité des auteurs s’accordent à dire que l’élimination et le contrôle de la plaque bactérienne, suivis du détartrage et du surfaçage, ainsi que la correction des facteurs iatrogènes, constituent l’étape la plus importante du traitement parodontal. Ces mesures réduisent l’inflammation gingivale, la profondeur des poches et stoppent la destruction parodontale, ce qui représente le but des soins dentaires modernes.

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