Les Mortifications Pulpaires; OCE

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Les Mortifications Pulpaires; OCE

Terminologie

Mortification Pulpaire – Nécrose Pulpaire

La mortification pulpaire, ou nécrose pulpaire, désigne la mort d’un tissu pulpaire accompagnée de sa destruction. Elle peut être partielle ou totale selon l’étendue de l’atteinte du tissu.

Types de Nécrose

Nécrobiose de la Pulpe ou Nécrose Ischémique

C’est une mortification totale, stérile et aseptique, provoquée par un arrêt de l’irrigation sanguine sans infection associée.

Nécrose Totale Septique ou Gangrène Pulpaire

Il s’agit d’un état pathologique où une infection du canal radiculaire de la dent est associée à la nécrose totale de la pulpe.

Anachorèse

L’anachorèse désigne le phénomène par lequel, lors d’une bactériémie, des germes passent devant l’orifice canalaire et trouvent refuge dans un tissu pulpaire déjà nécrosé.

La Nécrobiose

Étiologie de la Nécrobiose

Causes Locales

  • Traumatisme sévère : Rupture brusque du paquet vasculo-nerveux.
  • Traumatismes faibles et répétés : Poly-microtraumatismes (surcharge occlusale ou mauvaises habitudes).
  • Traitements orthodontiques : Pression exercée sur la pulpe.

Causes Thermiques

  • Taille ou meulage dentaire.
  • Réactions exothermiques de certains matériaux dentaires.
  • Conductibilité thermique de matériaux de restauration (ex. : amalgame).

Causes Chimiques

  • Acidité de certains matériaux dentaires (composites, silicates, etc.).

Pathogénie de la Nécrobiose

  • L’interruption de la vascularisation pulpaire entraîne une nécrose des cellules due à une hypoxie (manque d’oxygène) et une anoxie (manque de nutriments).
  • Le métabolisme cellulaire persiste à un rythme décroissant pendant 4 à 5 jours après l’arrêt de la circulation sanguine.
  • Les enzymes intracellulaires provoquent une coagulation du cytoplasme, et le matériel nucléaire se condense en une petite masse.
  • Le tissu nécrosé par ischémie perd ses détails structuraux, mais l’architecture coagulée de la pulpe reste identifiable.
  • Risque de devenir septique par anachorèse.

Anatomie Pathologique

La nécrobiose se caractérise par :

  • Une infiltration plasmocytaire.
  • Une dégénérescence fibreuse du tissu pulpaire.
  • Une masse solide, parfois de consistance caséeuse, composée principalement de protéines coagulées, avec moins de matières grasses et d’eau.

Symptomatologie et Signes Cliniques

Phase de Début ou d’Installation

  • Avec douleurs : L’interruption de la circulation sanguine (compression) entraîne une nécrose lente, non totale. Les fibres nerveuses, nécrosées en dernier, sont responsables des douleurs.
  • Sans douleurs : Le paquet vasculo-nerveux est sectionné brutalement.

Phase d’État

  • Perte totale de sensibilité pulpaire.
  • Changement de coloration de la dent (non systématique).
  • Trépanation exploratrice : absence de sensibilité et d’odeur nauséabonde.
  • Extirpation de la pulpe radiculaire : transparence des filets, absence d’hémorragie, architecture pulpaire partiellement conservée.
  • Radiographie : absence de cavité de carie ou d’effraction pulpaire.

Diagnostic de la Nécrobiose

Diagnostic Différentiel

  • Pulpite asymptomatique (vitalité présente).
  • Hypoesthésie post-traumatique.
  • Dégénérescence pulpaire.
  • Gangrène pulpaire (présence d’odeur).

Diagnostic Positif

Basé sur :

  • L’histoire de la maladie.
  • Les signes cliniques : absence de douleurs, d’odeur, de réponse aux tests de vitalité, et aux percussions.
  • La radiographie : absence de cavité de carie ou d’effraction pulpaire.

Évolution

Sans traitement, la nécrobiose évolue vers une gangrène pulpaire après colonisation septique.

La Gangrène Pulpaire

Étiologie de la Gangrène Pulpaire

L’inoculation septique locale de la pulpe peut être d’origine coronaire ou radiculaire. Les voies de pénétration bactérienne incluent :

  1. Microcraquelures et fêlures.
  2. Exposition pulpaire par fracture.
  3. Perte d’attache épithéliale (traumatisme, abrasion, surfaçage radiculaire).
  4. Exposition dentinaire (abrasion, attrition, érosion).
  5. Micro-infiltrations bactériennes (perte d’étanchéité).
  6. Caries pénétrantes.
  7. Invasion bactérienne parodontale (poches) infectant les canalicules radiculaires, canaux latéraux et apicaux.
  8. Infection par anachorèse (bactériémie systémique ou iatrogène).

Pathogénie des Gangrènes

Forme par Liquéfaction ou Autolyse

  • Un système complexe d’enzymes intracellulaires détruit la structure cellulaire après la mort de la cellule.
  • Cliniquement, le canal radiculaire est presque vide, avec quelques débris de tissu.

Forme Ischémique

  • Similaire à la nécrobiose, mais le tissu ischémique s’infecte rapidement en raison du développement bactérien dans les fêlures et tubuli dentinaires.
  • Les enzymes protéolytiques bactériennes provoquent une liquéfaction, et la pulpe apparaît blanchâtre et détruite.

Les Formes Cliniques des Gangrènes Pulpaires

Gangrène Pulpaire Primaire ou Secondaire

  • Primaire : Résulte d’une infection carieuse provoquant une inflammation pulpaire, aboutissant à une nécrose septique.
  • Secondaire : Infection d’une nécrobiose par anachorèse, initialement stérile.

Gangrène Pulpaire Ouverte ou Fermée

  • Ouverte :
    • Communication entre la cavité pulpaire et le milieu buccal (salive, flore buccale).
    • Humide, évolue en milieu aérobie (acidose) près de la chambre pulpaire, puis anaérobie en profondeur.
    • Drainage spontané vers la cavité buccale, favorisant une inflammation périapicale chronique.
  • Fermée :
    • Absence de communication avec le milieu buccal.
    • Humidité limitée (liquéfaction) ou sèche (coagulation), évolue en milieu anaérobie (alcalose).
  • Forme Intermédiaire (Indirectement Ouverte) :
    • Orifice de trépanation fermé par de la dentine cariée et décalcifiée.
    • Cliniquement fermée (pas de drainage), mais biologiquement ouverte (imprégnation salivaire via la dentine).
    • Associée à une carie rapide juxta-pulpaire ou à une fistulisation d’un abcès périapical.

Gangrène Pulpaire Humide ou Sèche

  • Humide : Ouverte (directement ou indirectement) avec salive ou liquéfaction.
  • Sèche : Fermée, liée à une nécrose de coagulation.

La Bactériologie des Gangrènes Pulpaires

Les gangrènes pulpaires présentent une flore polymorphe, variant selon les conditions écologiques (plus réduite dans les gangrènes fermées). Le développement bactérien dépend :

  • Du substrat endocanalaire (carbone, sels minéraux, enzymes).
  • De la température.
  • Du pH.
  • De la teneur en oxygène (toxicité pour les anaérobies).

Flore des Gangrènes Pulpaires Ouvertes (Humides)

  • Similaire à la flore buccale, en contact avec la salive.
  • Aérobies/anaérobies facultatifs près de la chambre pulpaire, devenant anaérobies en profondeur.
  • Germes principaux :
    • Streptocoques (hémolytiques, viridans, mitis).
    • Entérocoques (faecalis, liquefaciens).
    • Staphylocoques (rares).
    • Lactobacilles, Corynebacterium, entérobactéries, actinomycètes.

Flore des Gangrènes Fermées (Sèches)

  • Milieu anaérobie quasi isolé, substrat peu renouvelé, métabolisme réduit.
  • Anaérobies dominants (50 %) :
    • Peptostreptococci, Microcoques, Veillonellae, Neisseriae.
    • Bactéries Gram+ : Clostridium, Ramibacterium, Caterrabacterium, Corynebacterium.
    • Bactéries Gram- : Fusobactéries, Bactéroïdes, Vibrions, Spirilles, Spirochètes, Actinomycètes.
    • Levures (Candida).

Biochimie des Gangrènes Pulpaires

Les germes dégradent la pulpe par deux mécanismes cataboliques :

Glycolyse

  • Voie aérobie : Cycle de Krebs, en milieu acide.
  • Voie anaérobie : Fermentations lactique et alcoolique (milieu alcalin ou acide).
  • Produits :
    • Acides (lactique, acétique).
    • Alcool.
    • CO₂.
    • H₂O.

Protéolyse

  • Libération d’acides aminés, suivis de :
    • Désamination (milieu alcalin).
    • Décarboxylation (milieu acide).
  • Déchets :
    • Aminoacides, amines basiques volatiles, ammoniac (NH₃), CO₂.
  • Produits intermédiaires :
    • Putrescine, cadavérine (responsables de l’odeur nauséabonde).

Métabolismes Accessoires

  • Nitrification : Conversion de l’ammoniac en nitrites/nitrates, inhibée en milieu acide.
  • Métabolisme du soufre : Libération de H₂S (acide) à partir de protéines (méthionine, cystéine).
  • Métabolisme des lipides : Les graisses restent intactes.

Chimie des Gangrènes Pulpaires

Selon Victor et coll., le pH du tissu gangréné varie :

  • Gangrène Ouverte : pH 6,6–6,8 (acide, proche de la salive). Les composés basiques (CO₂, amines, alcool) s’échappent, entraînant une acidose.
  • Gangrène Fermée : pH 8,2–8,4 (alcalin). Les amines et l’ammoniac, non évacués, provoquent une alcalose.

Anatomie Pathologique des Gangrènes Pulpaires

Gangrène Ouverte et Humide

  • Pulpe sous forme de putrilage noir, très nauséabond.
  • Évolution vers la pulpolyse (disparition complète du tissu pulpaire).

Gangrène Fermée et Sèche

  • Masse grisâtre, peu humide ou sèche, peu ou pas odorante.
  • Histologiquement : tissu désorganisé, amorphe, avec amas microbiens sur les parois canalaires et dans les canalicules.

Les Signes Cliniques

La Douleur

  • Une dent nécrosée est indolore, toute douleur provient des tissus périapicaux.
  • Absence de réponse aux tests de vitalité.

La Coloration

  • Changement de teinte caractéristique, comparée aux dents voisines.
  • Théories :
    • Deliberos : Transformation de l’hémoglobine en hématoidine.
    • Buckley : Ammoniac réagissant avec le fer de l’hémoglobine, formant un dioxyde de fer (teinte grise).
    • Pont : Décomposition des albumines inter-dentinaires en acides aminés (thyroxine oxydée, teinte brunâtre).
    • Hess : Imprégnation dentinaire par des pigments sanguins (hémine : noir bleuâtre ; hématoidine : orange ; hématidine : brun foncé).

L’Odeur

  • Nauseabonde dans les gangrènes ouvertes, confirmant le diagnostic.
  • Dans les gangrènes fermées, détectable après trépanation.

La Radiographie

  • Pas d’information directe sur l’état pulpaire.
  • Possible élargissement de l’espace desmodontal ou cavité carieuse volumineuse.

Diagnostic des Gangrènes Pulpaires

Diagnostic Différentiel

  • Hypoesthésie post-traumatique.
  • Pulpite asymptomatique.
  • Dégénérescence pulpaire.
  • Nécrobiose.

Diagnostic Positif

  • Inspection :
    • Cavité de carie, fracture coronaire, modification de teinte.
  • Tests de vitalité : Absence de réponse.
  • Percussions : Négatives.
  • Odeur : Nauseabonde.

Évolution

L’infection peut atteindre la région périapicale, entraînant :

  • Pathologies périapicales aiguës ou chroniques.
  • Granulomes.
  • Kystes radiculo-dentaires.
  • Cellulites, ostéites, sinusites.

Le pronostic est favorable si le traitement est effectué à temps.

Conclusion

La nécrose pulpaire survient lorsque le système de défense pulpaire ne peut éliminer un facteur irritant. Une arrivée massive de bactéries, combinée à une vascularisation limitée, empêche la défense pulpaire, conduisant à la nécrose.

Bibliographie

  • Hess, J.C., Medioni, E., Vene, G. Pathologie endodontique, ensemble pulpo-dentinaire, gangrènes pulpaires. EMC : 23020 C 10, 1989, 6 p.
  • Vreven, J., Noel, H. Pulpite et nécrose pulpaire. La dent normale et pathologique, De Boeck Université, 2001, p. 125-135.
  • Transdat, L. Endodontie clinique. Edition, 1997.

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