Les Algies Faciales, Pathologie Bucco Dentaire

Les Algies Faciales, Pathologie Bucco Dentaire

Les Algies Faciales, Pathologie Bucco Dentaire

Introduction

La face est le support sensoriel le plus riche du corps. Anatomiquement, le trijumeau, par ses trois branches, est responsable de son innervation sensitive. Les douleurs faciales sont donc fréquentes et variées. Le stomatologue est souvent confronté aux algies faciales. L’examen doit être minutieux et complet pour éviter bien des erreurs de diagnostic et de traitement.

Définitions

Douleur

« Expérience sensorielle et émotionnelle désagréable associée ou ressemblant à une lésion tissulaire réelle ou potentielle » (IASP, 2020).

Névralgie

Une douleur siégeant sur le trajet d’un nerf.

Rappel Anatomique

Le Nerf Trijumeau

Le nerf trijumeau est composé de trois branches principales :

  • Nerf ophtalmique (V1) : Responsable de l’innervation sensitive de la région orbitaire et frontale.
  • Nerf maxillaire supérieur (V2) : Innerve la région maxillaire, y compris les joues et le palais.
  • Nerf maxillaire inférieur (V3) : Innerve la région mandibulaire, incluant les dents inférieures, la langue et la mâchoire.

Branches du Nerf Mandibulaire (V3)

  • Nerf auriculo-temporal : Innerve la région temporale et l’articulation temporo-mandibulaire.
  • Nerf buccal : Innerve la muqueuse buccale.
  • Nerf lingual : Innerve la langue.
  • Nerf alvéolaire inférieur : Innerve les dents mandibulaires.

Nerf Sous-Orbitaire

Branche du nerf maxillaire supérieur (V2), il innerve la région sous l’orbite.

Fonctions du Nerf Trijumeau

  • Fonction motrice : Contrôle des muscles masticateurs.
  • Fonction sensitive : Perception des sensations tactiles, thermiques et douloureuses.
  • Fonction végétative : Régulation des glandes salivaires et lacrymales.
  • Fonction sensorielle : Transmission des informations sensorielles de la face.

Le Nerf Glosso-Pharyngien (IX)

C’est un nerf mixte avec :

  • Fibres sensitives : Innerve la muqueuse du pharynx et le tiers postérieur de la muqueuse linguale.
  • Fibres végétatives : Contrôle de la glande parotide.

Vascularisation

La vascularisation artérielle de la face est assurée par la carotide externe.

Physiologie de la Douleur

Stimulus Douloureux

Un stimulus douloureux (mécanique, thermique, électrique, chimique) entraîne la libération de molécules algogènes telles que l’histamine, la bradykinine ou l’acide lactique, provoquant une sensation douloureuse.

Récepteurs Nociceptifs

Les récepteurs nociceptifs se divisent en deux types :

  • A delta mécano-nocicepteurs : Répondent aux stimulations mécaniques.
  • C polymodaux : Répondent à tous les types de stimulations (mécaniques, thermiques, chimiques).

Transmission de la Douleur

La douleur est transmise à la corne postérieure de la moelle épinière par :

  • Fibres A delta : Transmission rapide, douleur aiguë et localisée.
  • Fibres C : Transmission lente, douleur diffuse et sourde.

Centres de Terminaison des Voies de la Douleur

  • Cortex frontal : Identifie le caractère nociceptif.
  • Cortex pariétal : Localise la douleur.
  • Hypothalamus : Régule les réactions neurovégétatives.
  • Système limbique : Traduit la composante émotionnelle.

Rôle du Thalamus

Le noyau ventro-postéro-latéral (VPL) du thalamus relaie les informations douloureuses vers les centres corticaux.

Transmission du Message Nociceptif

Au niveau de la moelle épinière, les fibres impliquées incluent :

  • Fibres A delta : Douleur aiguë, localisée, rapide.
  • Fibres C : Douleur diffuse, sourde, retardée.
  • Fibres A bêta et A alpha : Sensation tactile.

Les neurofibres de la douleur somatique et viscérale font synapse avec des neurones dans les cornes dorsales de la moelle épinière. L’influx est conduit par le neurone de second ordre via les tractus spino-thalamiques ventraux et latéraux.

Types de Douleurs

Les douleurs faciales peuvent être classées en :

  • Douleurs par excès de nociception : Résultant d’une stimulation excessive des récepteurs nociceptifs.
  • Douleurs neuropathiques : Liées à une lésion ou un dysfonctionnement du système nerveux.
  • Douleurs psychogènes : D’origine psychologique, sans lésion organique.

Selon la Durée d’Évolution

  • Douleur aiguë : De courte durée, souvent liée à une cause identifiable.
  • Douleur chronique : Persistante au-delà de 6 mois, parfois liée à une maladie persistante.

Examen Clinique d’un Patient Présentant une Algie Faciale

Interrogatoire

L’interrogatoire doit inclure :

  • Le siège de la douleur, son point de départ, son extension et ses irradiations.
  • Le type et l’intensité de la douleur.
  • La date d’apparition et son rythme.
  • Les circonstances d’apparition.
  • Les signes d’accompagnement.
  • Les conséquences sur la vie quotidienne.
  • Les antécédents locaux, généraux et médicamenteux.

Examen Bucco-Facial

  • Examen dentaire : Recherche de caries, infections ou autres pathologies dentaires.
  • Examen parodontal : Évaluation des gencives et des tissus de soutien des dents.
  • Examen des ATM : Analyse du fonctionnement de l’articulation temporo-mandibulaire.
  • Examen de la sensibilité cutanéo-muqueuse : Test des réponses sensitives dans les territoires innervés.

Examen ORL

  • Rhinoscopie antérieure et postérieure.
  • Bilan sinusal, auriculaire et pharyngé.

Examen Ophtalmique et Psychiatrique

  • Évaluation des signes ophtalmiques ou psychologiques pouvant être liés à la douleur.

Examens Complémentaires

  • Radiographie panoramique dentaire.
  • TDM, IRM, échographie, selon les besoins.

Classification des Algies Faciales

Les algies faciales peuvent être classées en :

  • Névralgies essentielles ou idiopathiques : Sans cause organique identifiable.
  • Névralgies secondaires : Liées à une cause spécifique (tumeur, infection, etc.).
  • Algie vasculaire de la face : Douleur intense d’origine vasculaire.
  • Psychalgie : Douleur d’origine psychologique.

Névralgie Faciale Essentielle Idiopathique

Névralgie Essentielle du Trijumeau (V)

Définition

Aussi appelée « tic douloureux de Trousseau », c’est une affection d’étiologie inconnue, représentant la douleur faciale la plus fréquente. Elle touche principalement les femmes après 50 ans, avec un sex-ratio de 3/5.

Étiopathogénie

  • Théorie de la compression vasculaire : Compression du nerf trijumeau par un vaisseau sanguin.
  • Mécanisme épileptogène : Décharges nerveuses anormales.
  • Dysfonctionnement neuropathique : Altération de la transmission nerveuse.

Étude Clinique

  • Typologie de la douleur : Douleur intense, paroxystique, avec des périodes de rémission entre les crises.
  • Topographie : Unilatérale, affectant principalement :
    • Le maxillaire supérieur (V2) : Très fréquent.
    • Le maxillaire inférieur (V3) : Fréquent.
    • Le territoire ophtalmique (V1) : Rare.
  • Conditions de déclenchement :
    • Spontané ou provoqué par des zones gâchettes :
      • Crête supra-orbitaire.
      • Pli naso-génien.
      • Houppe du menton.
      • Zone infra-orbitaire.
    • Déclenché par la mastication, la déglutition ou la parole.
  • Examen neurologique : Négatif, sans anomalies détectables.

Figure : Représentation des caractéristiques principales d’une névralgie du trijumeau

Diagnostic

  • Diagnostic différentiel :
    • Névralgie symptomatique.
    • Algie vasculaire.
    • Psychalgies.
    • Névralgie essentielle du glosso-pharyngien.
    • Dysfonctionnement temporo-mandibulaire.
    • Migraine.
    • Affections tumorales, infectieuses ou traumatiques.
  • Diagnostic positif : Basé sur les signes cliniques et la sédation des douleurs par des antiépileptiques.

Évolution

Aggravation progressive des symptômes.

Traitement

  • Traitement médical :
    • Carbamazépine (Tégrétol) : Efficace dans 70-80 % des cas, dose de 600-1200 mg/j (comprimés de 200 mg).
    • Prégabaline (Lyrica) : Antiépileptique, dose de 150-600 mg/j.
  • Traitement chirurgical :
    • Thermo-coagulation sélective du trijumeau.
    • Décompression vasculaire.

Névralgie Essentielle du Glosso-Pharyngien (IX)

Définition

Névralgie rare, touchant surtout les personnes âgées, avec une prédominance féminine. Son étiopathogénie est proche de celle de la névralgie du trijumeau.

Clinique

  • Douleur unilatérale de la langue, irradiant vers l’oreille et le pharynx.
  • Déclenchée par la toux, le bâillement, la déglutition.
  • Zone gâchette : Sous la base de la langue.
  • Parfois associée à des syncopes.
  • Examen clinique normal.

Diagnostic

  • Diagnostic différentiel :
    • Névralgie essentielle du trijumeau.
    • Névralgie symptomatique du trijumeau.
    • Névralgie secondaire du glosso-pharyngien.
  • Diagnostic positif : Basé sur le tableau clinique, facilité par la présence de syncopes.

Évolution

Aggravation, pouvant devenir bilatérale.

Traitement

Similaire à celui de la névralgie du trijumeau :

  • Médical : Carbamazépine.
  • Chirurgical : Neurochirurgie en cas d’échec du traitement médical.

Névralgie Faciale Symptomatique ou Secondaire

Névralgie Symptomatique du Trijumeau (V)

Étiologie

  • Causes centrales : Tumeur, pathologie vasculaire.
  • Causes périphériques :
    • Infections d’origine dentaire.
    • Pathologies des glandes salivaires.
    • Dysfonctionnement de l’articulation temporo-mandibulaire.
    • Traumatisme facial.
    • Chirurgie.
    • Lésion tumorale expansive.
    • Névralgie post-zostérienne.

Clinique

  • Touche des patients plus jeunes.
  • Douleur de type brûlure avec un fond douloureux persistant entre les crises.
  • Absence de zones gâchettes.
  • Présence de signes vasomoteurs.
  • Hypoesthésie dans le territoire du trijumeau.

Traitement

  • Traitement symptomatique : Antidépresseurs et antiépileptiques.
  • Traitement étiologique : Soins dentaires, prise en charge des dysfonctionnements mandibulaires.

Névralgie Symptomatique du Glosso-Pharyngien (IX)

Clinique

  • Moins fréquente que celle du trijumeau.
  • Douleur au fond de la gorge, irradiant vers les régions auriculaires et cervicales.
  • Accompagnée de signes objectifs : dysgueusie, anesthésie ou paralysie du pharynx.

Diagnostic

  • Diagnostic étiologique : Causes infectieuses ou tumorales.
  • Diagnostic différentiel :
    • Territoire V3 : Otalgie, arthrite temporo-mandibulaire, tumeur pharyngée.
    • Territoire V2 : Rhinite, sinusite.
    • Territoire V1 : Zona ophtalmique, algie frontale.

Algie Vasculaire de la Face

Clinique

  • Douleur strictement unilatérale, intense et pulsatile.
  • Localisation : Région orbitaire, supra-orbitaire et/ou temporale.
  • Durée : 15 à 180 minutes.
  • Fréquence : 1 à 8 fois par jour, souvent nocturne ou matinale.
  • Signes végétatifs associés : Larmoiement, rhinorrhée, sudation.

Évolution

Les périodes douloureuses deviennent prolongées, et les intervalles sans douleur tendent à disparaître.

Diagnostic

  • Diagnostic différentiel :
    • Névralgies faciales essentielles.
    • Affections stomatologiques ou dentaires.
    • Algies post-traumatiques.
    • Douleurs sinusiennes.
    • Migraine et céphalées psychogènes.
  • Diagnostic positif : Basé sur les signes cliniques.

Traitement

  • Traitement de la crise :
    • Sumatriptan (Imiject 6 mg en sous-cutané).
    • Oxygénothérapie pendant 15 minutes.
  • Traitement de fond : Médicaments utilisés pour la migraine.

Psychalgie

Caractéristiques

  • Sensation désagréable, aggravée par la fatigue, la peur ou l’émotion.
  • Examen objectif entièrement négatif.
  • Répond aux antidépresseurs et agents psychotropes.

Conclusion

Le dentiste est souvent le premier interlocuteur des patients souffrant de névralgies faciales. Son rôle est crucial pour orienter ces patients vers une prise en charge rapide et adaptée. Il est essentiel que le chirurgien-dentiste puisse identifier les signes de ces pathologies afin d’éviter des traitements inadéquats qui n’apporteraient aucun bénéfice.

Les Algies Faciales, Pathologie Bucco Dentaire

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