Complications de l’anesthésie locale en médecine dentaire, Anesthésiologie Dentaire
Introduction
L’utilisation des anesthésiques locaux fait partie de la routine médico-dentaire et permet de réaliser des traitements efficients et indolores. Elle constitue le seul moyen de confort opératoire pour le succès des interventions. Les effets secondaires sont rares mais peuvent être graves.
Techniques anesthésiques
Deux types d’anesthésie sont utilisés :
- Anesthésie locale : atteint une branche nerveuse collatérale, terminale ou un plexus nerveux.
- Anesthésie locorégionale ou tronculaire : atteint un tronc nerveux principal.
Le choix de la technique dépend de plusieurs facteurs :
- Le patient (âge, état de santé),
- L’acte (durée, localisation),
- Le praticien.
Complications
Les complications de l’anesthésie locale se divisent en deux groupes :
- Les complications locales : fréquentes et le plus souvent sans conséquences.
- Les complications systémiques : plus rares mais pouvant mettre en jeu le pronostic vital.
Les complications locales
Injection douloureuse
Causes
- Manque d’expérience et de dextérité du praticien.
- Vitesse d’injection trop rapide.
- Température de la solution trop froide.
- Mauvais choix de technique anesthésique.
- Muqueuse non tendue.
- Lésion nerveuse.
- Type d’aiguille non adapté : celles à triple biseau et à double biseau exercent des tensions sur les tissus en les écartant et génèrent des douleurs à la perforation.
Prévention
Le but est d’obtenir une anesthésie indolore. Les recommandations suivantes s’appliquent à toutes les anesthésies :
- Instaurer une bonne relation avec le patient.
- Réaliser une anesthésie de contact chez les enfants et les patients anxieux.
- Réchauffer la cartouche pour que la température de la solution anesthésique se rapproche de celle du corps.
- Vérifier la perméabilité de l’aiguille.
- Exercer une traction sèche de la joue ou de la lèvre pour stimuler les fibres de gros diamètre Aα et Aβ, bloquant temporairement la transmission du message nociceptif et permettant une pénétration passive de l’aiguille.
- Éviter le contact osseux provoquant un décollement du périoste douloureux.
- Orienter le biseau simple de l’aiguille en direction osseuse.
- Injecter lentement : 1 ml par minute dans la gencive libre.
- Injecter à distance du foyer infectieux.
- Ne pas réaliser d’infiltration au sein d’un foramen pour éviter de blesser les pédicules vasculo-nerveux.
Rupture d’aiguille
Causes
La rupture d’aiguille est rare depuis les années 1960 grâce aux aiguilles à usage unique sans soudure, offrant une meilleure résistance. Les causes incluent :
- Défaut de fabrication.
- Erreur technique du praticien.
- Mouvement brusque du patient, surtout chez les enfants, malgré de bons points d’appui.
Conduite à tenir
- Rassurer et prévenir le patient, lui demander de ne pas fermer la bouche, de limiter les mouvements mandibulaires et de déglutition pour éviter la pénétration secondaire de l’aiguille.
- Consigner l’événement dans le dossier du patient.
- Si le fragment est visible, essayer de l’extraire.
- Sinon, réaliser une radiographie pour localiser l’aiguille et orienter le patient vers un chirurgien maxillo-facial.
Prévention
- Ne pas infiltrer le produit anesthésique sous contrainte avec un patient non coopérant.
- Ne pas réaliser d’injections multiples avec la même aiguille, car la pointe s’émousse.
- Ne pas plier l’aiguille plus d’une fois.
- Ne pas introduire l’aiguille au-delà de sa courbure.
- Ne pas changer de direction sans retrait partiel de l’aiguille.
- Utiliser une aiguille adaptée pour éviter de devoir l’introduire jusqu’à la garde.
Œdème
Il s’agit d’une tuméfaction de la zone anesthésiée qui disparaît en quelques jours.
Causes
- Injection trop rapide provoquant un décollement du tissu sous-muqueux.
- Allergie (angio-œdème).
Problème associé
Risque d’obstruction des voies aériennes supérieures.
Conduite à tenir
- Prescrire un antalgique, éventuellement un anti-inflammatoire stéroïdien et une couverture antibiotique à large spectre.
- Masser la zone concernée.
- Appliquer de la glace.
Prévention
Réaliser une injection atraumatique lente, surtout au maxillaire où le tissu cellulaire sous-cutané est plus lâche.
Hématome/Hémorragie
Causes
L’infiltration provoque une brèche dans la paroi des vaisseaux sanguins, induisant une hémorragie.
Conduite à tenir
- Exercer une compression au niveau de la zone concernée.
- Libérer le patient seulement une fois l’hémostase terminée et l’informer du risque de trismus, de douleur et de tuméfaction.
- Conseiller de ne pas exposer la cavité buccale à la chaleur pendant 48 heures et d’appliquer de la glace.
Prévention
- Respecter l’anatomie maxillo-faciale.
- Réaliser un test d’aspiration avant d’infiltrer la solution anesthésique.
Lésion nerveuse
Ce sont des lésions temporaires ou durables, principalement du nerf lingual, du nerf alvéolaire inférieur et du nerf mentonnier.
Causes
- Traumatisme nerveux direct (suite à une anesthésie tronculaire).
- Suite à un hématome ou un œdème.
Conduite à tenir
- Consigner l’événement dans le dossier du patient.
- Établir un suivi pour juger de l’évolution.
- Prescrire des anti-inflammatoires stéroïdiens et des vitamines B1, B6, B12.
- Si le problème persiste, orienter le patient chez un neurologue.
Prévention
Respecter l’anatomie maxillo-faciale.
Trismus
Causes
- Traumatisme musculaire.
- Hématome ou œdème musculaire.
- Infection.
Conduite à tenir
- Prescrire un myorelaxant, un antalgique et un bain de bouche.
- Antibiothérapie en cas d’infection.
- Si persistance ou douleurs importantes, orienter le patient chez un spécialiste.
Prévention
Respecter les protocoles, les règles d’asepsie et les techniques anesthésiques.
Complication septique
Le matériel utilisé (seringues stérilisées, cartouches et aiguilles à usage unique) réduit ce risque, mais il persiste en raison du milieu buccal lors de l’effraction muqueuse.
Causes
- Non-respect des règles d’asepsie.
- Milieu buccal avec de nombreux foyers infectieux.
- Effraction muqueuse provoquant la pénétration de germes commensaux dans les tissus mous.
- Vasoconstricteurs diminuant la vascularisation, créant un milieu anaérobie favorisant la croissance des micro-organismes anaérobies (cocci gram- et gram+).
Conduite à tenir
- Réaliser un drainage chirurgical de l’infection.
- Prescrire une antibiothérapie à large spectre.
Prévention
- Réaliser une antisepsie de l’opercule de la cartouche anesthésique.
- Réaliser une antisepsie buccale préopératoire (bain de bouche ou badigeonnage).
Lésion des tissus mous
Causes
Anesthésie prolongée provoquant un traumatisme involontaire des lèvres ou de la langue par morsure, surtout chez les enfants et les personnes handicapées.
Conduite à tenir
- Réaliser des sutures si nécessaire.
- Prescrire un bain de bouche, des antalgiques, éventuellement des antibiotiques et un traitement local cicatrisant.
Prévention
- Anesthésie de durée optimale selon l’acte.
- Préférer les anesthésies intra-osseuses.
- Interposer un rouleau de coton entre les lèvres et les dents.
Complications liées à la solution anesthésique
Réflexe nauséeux
- Causes : Fuite du produit anesthésique non infiltré vers l’oropharynx.
- Conduite à tenir : Demander au patient de cracher l’excédent dans le crachoir et de se rincer la bouche avec un bain de bouche.
- Prévention : Maintenir une aspiration efficace.
Alvéolite sèche
L’alvéolite sèche est une inflammation douloureuse de l’alvéole suite à une avulsion.
- Causes : Vasoconstricteurs, anesthésie intra-ligamentaire.
- Conduite à tenir : Utiliser des substances à base d’eugénol comme sédatif.
- Prévention : Limiter la dose de vasoconstricteurs (1/200 000), éviter les anesthésies intra-ligamentaires (en deuxième intention).
Irritation ou ischémie de la muqueuse buccale
- Causes : Application topique d’anesthésique de surface, excès de vasoconstricteurs, vitesse d’injection trop rapide, pression d’injection trop forte, température de l’anesthésique trop froide, infiltration dans une muqueuse fine (lingual) ou très adhérente (palatin).
- Conséquences : Douleur, infection, nécrose par insuffisance de circulation sanguine. La muqueuse blanchit, prend une teinte violacée, puis une ulcération douloureuse apparaît après 7 jours.
- Conduite à tenir : Prescrire un bain de bouche et une pommade antiseptique et cicatrisante.
- Prévention : Respecter les modalités d’utilisation et de dosage des agents topiques et vasoconstricteurs (limiter à 1/200 000), réchauffer la solution, éviter une pression excessive, injecter lentement.
Les complications systémiques
Malaise vagal
C’est un malaise attribuable à une activité excessive du système nerveux parasympathique ou à une baisse d’activité du système nerveux sympathique.
Signes cliniques
- Bradycardie.
- Hypotension artérielle.
- Perte de connaissance brève partielle (lipothymie) ou totale (syncope).
Conduite à tenir
- Appeler les secours.
- Évaluer la conscience, la respiration, la pression artérielle et le pouls.
- Allonger le patient avec les jambes surélevées.
- Libérer les voies aériennes supérieures et aérer le local.
- Si le malaise se prolonge, administrer de l’atropine.
Prévention
- Diminuer le stress et la douleur.
- Utiliser une prémédication sédative.
- Respecter les doses.
Surdosage en anesthésique
L’anesthésique local, après absorption, se distribue aux organes à cellules excitables (système nerveux central/périphérique, système cardiovasculaire). Si la dose maximale est respectée et la technique adéquate, les concentrations plasmatiques sont faibles. Sinon, un surdosage peut entraîner des effets graves (cardiovasculaires : troubles du rythme, collapsus ; neurologiques : convulsions, dépression généralisée).
Causes
- Injection intra-vasculaire sans test d’aspiration.
- Nature de l’anesthésique (concentration, dose, vasoconstricteurs).
- Quantité administrée.
- État inflammatoire (vasodilatation, résorption rapide).
- Terrain du patient (insuffisance hépatique).
Manifestations cliniques
- Sudation, vomissement, goût métallique.
- Signes neurologiques : agitation, convulsions, coma.
- Signes de cardiotoxicité : HTA, tachycardie, arythmie.
- Troubles visuels, troubles respiratoires.
Conduite à tenir
- Évaluer la conscience, la fonction cardio-circulatoire, la ventilation.
- Libérer les voies aériennes, allonger le patient et surélever ses pieds.
- Administrer de l’intralipide à 20 % (antidote) et une benzodiazépine (valium) si convulsions.
- Contacter les secours.
Prévention
- Respecter les doses et concentrations.
- Réaliser un test d’aspiration.
- Injecter lentement.
Réactions allergiques
L’allergie est une réaction anormale, inadaptée ou exagérée du système immunitaire après exposition à un allergène.
Causes
- Molécules allergisantes : anesthésiques (amino-esters), conservateurs, latex.
Manifestations cliniques
- Urticaire, démangeaisons.
- Œdème du visage ou des lèvres.
- Difficultés respiratoires.
Conduite à tenir
- Arrêter immédiatement les soins.
- Contacter les secours.
- Administrer de l’oxygène, contrôler les voies aériennes.
- Donner un antihistaminique et des corticostéroïdes.
- Déclarer l’événement à la pharmacovigilance, informer le patient et consigner dans le dossier.
Prévention
- Détecter les sujets à risque (terrain atopique).
- Utiliser des solutions anesthésiques amino-amides sans vasoconstricteur ni sulfite.
Choc anaphylactique
C’est une réaction allergique exacerbée pouvant mettre en jeu le pronostic vital.
Manifestations cliniques
- Signes cutanés : urticaire, démangeaisons.
- Hypotension artérielle, tachycardie.
- Troubles respiratoires et digestifs.
- Risque de décès par arrêt circulatoire.
Conduite à tenir
- Arrêter immédiatement les soins et alerter.
- Administrer une oxygénothérapie, surélever les membres inférieurs.
- Établir un abord veineux solide, effectuer un remplissage par sérum physiologique (RL, SSI).
- Injecter de l’adrénaline par voie IV : diluer 1 mg dans 10 ml et injecter ml par ml pour maintenir une tension artérielle systolique d’environ 100 mmHg.
- Administrer une corticothérapie.
- Utiliser de la ventoline en inhalation si bronchospasme.
Prévention
Non spécifiquement mentionnée, mais similaire à celle des réactions allergiques.
Conclusion
L’anesthésie dentaire locale ou locorégionale est un acte courant, partie intégrante de la pratique quotidienne du chirurgien-dentiste. Elle a considérablement réduit la douleur et l’appréhension des patients. Cependant, les complications, bien que rares, ne sont pas inexistantes et nécessitent une vigilance constante pour garantir la sécurité des patients.
Complications de l’anesthésie locale en médecine dentaire, Anesthésiologie Dentaire

Dr J Dupont, chirurgien-dentiste spécialisé en implantologie, titulaire d’un DU de l’Université de Paris, offre des soins implantaires personnalisés avec expertise et technologies modernes.