La Prémédication en Chirurgie Dentaire, Anesthésiologie Dentaire

La Prémédication en Chirurgie Dentaire, Anesthésiologie Dentaire

La Prémédication en Chirurgie Dentaire, Anesthésiologie Dentaire

Introduction

La prémédication est définie comme l’administration de médicaments visant à préparer un malade à des soins ou à des examens douloureux ou à une anesthésie. Elle est prescrite habituellement à la fin de la consultation préanesthésique en fonction du patient et de la chirurgie. Son concept est né très tôt dans l’histoire de l’anesthésie pour réduire les effets secondaires fréquents et sévères des agents anesthésiques utilisés à l’époque.

Rappel Historique

Avant même la découverte de l’anesthésie, l’administration de médications avant une intervention chirurgicale était la seule manière de réduire les souffrances du patient :

  • En 1682, George Wendel suggérait d’administrer de l’opium avant une amputation.
  • En 1864, Nussbaum en Allemagne et Claude Bernard en France observaient que la morphine sous-cutanée relaxait les patients, accélérait l’induction, renforçait l’anesthésie et réduisait les doses d’entretien. À la même période, le français Dastre, élève de Claude Bernard, montrait que l’atropine réduisait la sialorrhée et antagonisait les effets dépresseurs respiratoires et les vomissements associés à la morphine.
  • À la fin du XIXᵉ siècle, l’association de morphine et d’atropine était une modalité de prémédication très répandue en Europe.
  • Les années 1960 ont été marquées par l’abandon progressif de la prémédication par voie intramusculaire au profit des tranquillisants donnés per os pour le contrôle de l’anxiété.
  • Les trente dernières années ont été marquées par le développement de la chirurgie ambulatoire et le principe de réhabilitation accélérée après chirurgie, ce qui a rendu le recours à la prémédication pharmacologique plus sélectif.

Objectifs de la Prémédication

La prémédication a pour objectif l’amélioration du bien-être général et de la satisfaction globale des patients au décours de la chirurgie. Elle s’intègre dans une stratégie globale qui permet d’assurer :

  • La réduction de l’anxiété périopératoire (sédation, anxiolyse, amnésie) ;
  • L’anticipation des facteurs d’inconfort postopératoires : nausées et vomissements postopératoires, douleur…
  • La prévention de la bradycardie vagale ;
  • La diminution du risque per et postopératoire sur certains terrains particuliers : asthmatique, allergique, cardiopathie, estomac plein…
  • La diminution des sécrétions salivaires et bronchiques ;
  • La réduction des besoins peropératoires en agents anesthésiques.

Aucun médicament ne répond à l’ensemble de ce cahier des charges et l’objectif primaire de la prémédication reste en premier lieu la réduction de l’anxiété. Les autres objectifs prophylactiques et thérapeutiques, comme la réduction des NVPO ou la prévention de l’inhalation, répondent à des recommandations et des stratégies médicamenteuses bien spécifiées.

Réduction de l’Anxiété du Patient

L’anxiété est une réaction naturelle face à une situation stressante comme la perspective d’une intervention chirurgicale. C’est un mécanisme normal de défense qui n’est probablement pas délétère en soi, et même positif, dès lors qu’il n’est pas excessif. En effet, une anxiété préopératoire majeure est probablement un des facteurs déterminants de l’intensité de la douleur postopératoire.

Évaluation du Degré de l’Anxiété

Amsterdam Preoperative Anxiety and Information Scale (APAIS)

C’est une échelle avec 6 items, chacun étant coté de 1 (absence) à 5 (extrême). Les items 1, 2, 4, 5 évaluent l’anxiété et le patient est considéré comme très anxieux lorsque la somme des cotations est supérieure ou égale à 11.

Item12345
1Je suis préoccupé par l’anesthésie
2Je pense continuellement à l’anesthésie
3J’aimerais en savoir le plus possible sur l’anesthésie
4Je suis préoccupé par l’intervention
5Je pense continuellement à l’intervention
6J’aimerais en savoir le plus possible sur l’intervention

Échelle Visuelle Analogique (EVA Anxiété)

On demande au sujet de quantifier son anxiété sur une réglette. Cela permet d’obtenir un score de 0 à 10 ou de 0 à 100.

Description de l’image (Figure 1 : Échelle visuelle analogique (EVA anxiété)) :
L’image montre une réglette avec deux faces. La face antérieure, visible par le sujet, permet au patient de marquer son niveau d’anxiété sur une échelle continue. La face postérieure, utilisée par le praticien, affiche une graduation (généralement de 0 à 10 ou 0 à 100) pour quantifier le score d’anxiété indiqué par le patient.

Approche Psychologique du Patient

L’approche psychologique du malade est médico-légale. En effet, la préparation psychologique seule induit une prémédication satisfaisante dans 70 à 85 % des cas. La visite préopératoire doit être la plus claire et la plus explicative possible. L’anesthésiste doit informer le patient du déroulement des périodes pré, per et postopératoires. Au terme de la visite préanesthésique, il pourra décider si une prémédication est nécessaire et choisir le médicament, son horaire et sa voie d’administration.

Médicaments de la Prémédication Anxiolytique

Le caractère systématique de leur prescription doit être abandonné et leur utilisation doit être raisonnée en fonction des bénéfices attendus et des possibles risques associés.

Les Benzodiazépines (BZD)

Ce sont les molécules les plus utilisées actuellement en France pour la prémédication. Elles sont en principe bien adaptées aux objectifs de la prémédication car elles induisent un effet sédatif, hypnotique, anxiolytique, myorelaxant et une amnésie antérograde. Aux doses utilisées pour la prémédication, les effets secondaires des BZD sont très peu fréquents. Chez le sujet âgé, il est nécessaire de réduire les doses en raison d’une sensibilité majorée et d’une demi-vie d’élimination prolongée. Elles sont contre-indiquées en cas d’hypersensibilité connue au produit, insuffisance respiratoire sévère, insuffisance hépatique sévère, myasthénie, SAOS.

DCINom de spécialitéPrésentation/doseDose usuelle de prémédicationT max
BromazépamLexomilCP quadri-sécable 6 mg3 à 6 mg0,5 à 4 heures
LorazépamTemestaCp sécable (1 et 2,5 mg)1 à 2,5 mg0,5 à 4 heures
AlprazolamXanaxCp sécable (0,25 et 0,50 mg)0,25 à 0,5 mg
MidazolamHypnovelAmpoules 5 mg3,75-7,5 mg30 min

Hypnotiques Apparentés aux Benzodiazépines

Le Zopiclone (Imovane®) et le Zolpidem (Stilnox®) sont des inducteurs du sommeil indiqués pour les insomnies transitoires. Le Tmax et la demi-vie d’élimination du Zopiclone et du Zolpidem sont respectivement de 2 h et 5 h et de 0,5-3 h et 2,5 h. Ils peuvent également être proposés la veille au soir de l’intervention. Comparés au Midazolam en prémédication, ils ont des effets superposables en termes de sédation et d’amnésie antérograde.

Hydroxyzine (Atarax®)

  • Action sédative, effet anti-H1, action vagolytique, antiémétique et anti-arythmique (quinidine-like).
  • Posologie de 1 mg/kg.
  • Effet maximal après 90 à 120 minutes.
  • Demi-vie d’élimination est de 13 à 20 heures.
  • Par rapport aux benzodiazépines, l’anxiolyse, la sédation et l’amnésie sont nettement moins marquées.
  • Elle est contre-indiquée chez les patients ayant un QT long congénital ou acquis connu et chez les patients à risque d’allongement du QT (pathologie cardio-vasculaire, hypokaliémie ou hypomagnésémie, bradycardie et traitement concomitant allongeant l’intervalle QT).
  • À éviter chez le sujet âgé (effets anti-cholinergiques).

Les Morphiniques

Leurs effets secondaires et en particulier les NVPO ont contribué à la disparition de leur usage en dehors des patients douloureux et des situations de dépendance vis-à-vis des opiacés.

La Clonidine (Agoniste α2-adrénergique)

La Clonidine a été proposée en raison de ses propriétés sédatives et anxiolytiques. La dose de Clonidine en prémédication est de 0,15 à 0,3 mg per os. Cependant, ses effets secondaires (hypotension artérielle, bradycardie et somnolence excessive) peuvent être importants et compromettre une partie de son bénéfice potentiel en sorte que son utilisation systématique en prémédication n’est pas recommandée.

La Gabapentine (Neurontin®) et la Prégabaline (Lyrica®)

Prises en prémédication, la gabapentine (900 mg PO) et la prégabaline (75-300 mg PO) réduisent l’anxiété préopératoire ; cette réduction est moins efficace qu’une BZD. Elles réduisent également la douleur postopératoire. Cependant, leur utilisation s’accompagne d’une augmentation de la sédation, de troubles visuels et des sensations ébrieuses postopératoires qui doivent être pris en compte. Sur le plan pharmacocinétique, le Tmax après la prise de gabapentine est de 2-3 h. Celui de la prégabaline est de 0,5-2 h. Leur demi-vie d’élimination est de 5-7 h.

La Mélatonine

Administrée en prémédication à la dose de 0,05 à 0,2 mg/kg (voie orale ou sublinguale), elle réduit l’anxiété préopératoire avec un effet similaire au midazolam et sans effets secondaires délétères.

Prémédication Non Anxiolytique

Para-sympathicolytiques

Historiquement, la justification de l’administration d’un vagolytique avant l’anesthésie tenait à leurs effets sur la réduction de la sialorrhée et les réflexes vagaux observés alors avec les anciens agents anesthésiques. Les anesthésiques modernes ont des propriétés qui n’exposent plus à ces risques en sorte que les vagolytiques comme l’atropine ne sont plus administrés systématiquement et réservés désormais à des situations particulières telles que certaines interventions ophtalmologiques.

Antibioprophylaxie Anti-osslerienne

Patients à Risque
  • Prothèses valvulaires de tout type,
  • Antécédents d’endocardite infectieuse (EI),
  • Cardiopathie cyanogène non opérée ou opérée mais avec des communications anormales ou du matériel prothétique persistant,
  • Cardiopathie cyanogène opérée depuis moins de 6 mois.
Procédures à Risque

Actes bucco-dentaires invasifs.

Dose unique 30 à 60 minutes avant la procédureMoléculeAdulteEnfant
Pas d’allergie aux β-lactaminesAmoxicilline2 g PO ou IV50 mg/kg PO ou IV
Allergie aux β-lactaminesClindamycine600 mg PO ou IV20 mg/kg PO ou IV

Prémédication Anti-inflammatoire

Elle a pour but de limiter la réaction inflammatoire :

  • Les AINS : diminuent l’œdème et la douleur postopératoire → à éviter si abcès.
  • Les anti-inflammatoires stéroïdiens ou corticoïdes : réservés à des situations d’urgence.

Prémédication Antalgique

Ils sont prescrits presque systématiquement dès la fin de l’intervention.

  • Aspirine : attention → risque de saignement.
  • Paracétamol : fortement recommandé.

Prévention des NVPO : Médicaments Antiémétiques

Les nausées et vomissements sont des effets indésirables particulièrement pénibles, redoutés et fréquents au décours d’une intervention chirurgicale.

Facteurs de Risque
  • Liés au patient : le sexe féminin, les antécédents de NVPO ou de mal des transports, le fait de ne pas fumer et l’âge.
  • Liés à l’anesthésie : l’utilisation des halogénés, la durée de l’anesthésie, le protoxyde d’azote et l’utilisation postopératoire des opioïdes.

Parmi les nombreux médicaments antiémétiques, les plus utilisés sont : métoclopramide (Primpéran), ondansétron, les corticoïdes (dexaméthasone), le dropéridol, l’aprépitant.

Autres Cas

  • Prémédication anti-allergique : éviction totale du produit incriminé, Anti-H1, corticoïdes.
  • Prémédication du coronarien : poursuite du traitement anti-ischémique jusqu’au jour de l’intervention : bétabloquants, dérivés nitrés…
  • Prémédication de l’asthmatique : poursuivre le traitement habituel, administration de β2+ inhalés dans le bloc opératoire.
  • Prémédication du patient à estomac plein (AG + urgence) : cimétidine, citrate de sodium…

Jeûne Préopératoire

Son but est de minimiser le risque de pneumopathie d’inhalation lors de la réalisation d’une anesthésie générale.

  • Pour les liquides : l’ingestion de liquides clairs (eau, thé, café, jus de pomme ou d’orange) est recommandée jusqu’à 2 heures avant l’intervention.
  • Pour les solides : un repas léger peut être autorisé jusqu’à 6 heures avant une anesthésie pour chirurgie programmée, chez les patients sans aucun facteur de risque classique.

Gestion de l’Anxiété Préopératoire en Pédiatrie

La prémédication en pédiatrie a pour objectifs la réduction de l’anxiété de la séparation des parents et des troubles du comportement postopératoire. Elle est inutile avant l’âge de 6 mois et elle n’est plus systématique depuis l’avènement des techniques de distraction.

  • Midazolam : ampoule de 5 ml (5 mg) ; 0,3-0,5 mg/kg dans une cuillerée d’eau sucrée, 30 minutes avant l’induction (ne pas dépasser une dose totale de 10 mg).
  • Clonidine : ampoule de 1 ml (150 mcg) ; 4 mcg/kg dans une cuillerée d’eau sucrée, 60 à 90 minutes avant l’induction.
  • Distraction : elle permet de détourner l’attention de l’enfant vers une perception extérieure plus agréable (jeux, tablette, marionnettes…).
  • Présence parentale : le bénéfice de la présence parentale à l’induction n’est retrouvé que pour des enfants anxieux accompagnés de parents calmes.

Conclusion

La prescription d’une prémédication est devenue raisonnée. Elle est adaptée aux effets recherchés et est réalisée en fonction du terrain, des types d’anesthésie et de chirurgie. La consultation préopératoire joue un rôle essentiel, en particulier pour la préparation psychologique qu’elle procure. La prémédication pharmacologique reste réservée aux patients pour lesquels un bénéfice est attendu.

La Prémédication en Chirurgie Dentaire, Anesthésiologie Dentaire

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