LES CARCINOMES DE LA MUQUEUSE BUCCALE / Pathologies Bucco-Dentaires
Introduction
La cavité buccale est le siège le plus fréquent des cancers des voies aérodigestives supérieures (VADS). Les cancers de la cavité buccale représentent environ 30 % des cancers ORL. Leurs points communs sont :

- Histologie : Carcinome épidermoïde, le plus fréquent (90 à 95 % des cancers de la bouche).
- Étiologie : Double intoxication alcoolo-tabagique à 80 %, suivie par la dégénérescence des lésions potentiellement malignes.
- Développement : Ils se développent dans l’épithélium ou tissus de revêtement des muqueuses.

Le cancer de la cavité buccale touche les muqueuses buccales : langue, gencive, palais dur, plancher de la bouche, amygdales, faces internes des joues et des lèvres. La tumeur se développe en surface et en profondeur. Le premier envahissement à distance est le cou, avec une atteinte ganglionnaire.
Objectifs pédagogiques
- Décrire les formes cliniques et topographiques des carcinomes de la muqueuse buccale.
- Connaître leur extension.
- Savoir établir un diagnostic différentiel.
Composition de la cavité buccale
La cavité buccale est composée de :
- Une muqueuse buccale recouvrant les lèvres, les faces internes des joues, le palais osseux.
- Le rebord alvéolaire supérieur et la gencive.
- Le rebord alvéolaire inférieur et la gencive.
- La langue mobile (jusqu’au V lingual) avec sa face supérieure ou dorsale, ses bords latéraux, sa face inférieure ou ventrale.
- Le plancher buccal antérieur et latéral.
Définition du carcinome
Carcinome
Tumeur maligne issue d’un revêtement épithélial.
Carcinome basocellulaire
Reproduit la couche basale du tissu épithélial, peu envahissant, ne donne pas de métastases, avec un taux de récidive très faible.
Carcinome spinocellulaire (épidermoïde)
Se développe à partir des couches plus superficielles de l’épithélium, où les cellules semblent réunies entre elles. Il présente un envahissement ganglionnaire.
Épidémiologie
- Les cancers de la cavité buccale et du pharynx sont parmi les plus fréquents dans le monde.
- Ils représentent 30 % des tumeurs des VADS et 8 à 10 % du total des cancers.
- Plus de 90 % sont des carcinomes épidermoïdes.
- Les hommes sont plus atteints, principalement entre 50 et 70 ans.
Étiologie
Le tabagisme chronique associé à l’alcoolisme sont les facteurs étiologiques essentiels :
- Le tabac est le facteur d’initiation, l’alcool le facteur de promotion.
- L’association des deux multiplie les risques (potentialisation des effets).
Autres facteurs de risque :
- Âge.
- Lésions précancéreuses.
- Irritations chroniques.
- Rayonnements (Rx).
- Professions à risque.
- Prédisposition génétique.
- Virus.
Types de carcinomes épidermoïdes
Le carcinome épidermoïde invasif ou infiltrant est constitué d’un épithélium malpighien, souvent kératinisé. On distingue :
Carcinomes différenciés
Tumeurs où il est possible de reconnaître les cellules du tissu originel, moins agressives.
- Mature : Avec une maturation kératosique ajoutée à la différenciation malpighienne.
- Immature : Dépourvu de kératine.
Carcinomes peu différenciés
Les cellules sont peu kératinisées, avec une certaine activité mitotique.
Carcinomes indifférenciés
Tumeur dans laquelle on ne reconnaît pas la morphologie des cellules du tissu originel. Formée de cellules immatures avec une grande activité mitotique.
Formes cliniques
Forme ulcéreuse

Caractérisée par une ulcération avec :
- Un versant externe surélevé, recouvert d’une muqueuse saine ou congestive.
- Un versant interne à bords cruentés, avec un fond finement végétant ou bourgeonnant contenant des débris nécrotiques.
- Une base indurée, parfois étendue en profondeur, débordant les limites visibles de l’ulcération.
- Saigne facilement au contact. L’ulcération n’est que la partie visible du cancer.
Forme végétante, bourgeonnante ou exophytique

Aspect de bourgeons, plus ou moins épais, en saillie sur la muqueuse saine. Forme typique d’un carcinome verruqueux.
Forme ulcéro-végétante
Associer les deux aspects (ulcéreuse et végétante).
Forme fissuraire ou en feuillet de livre

Apparaît sous forme d’une fissure mince, souvent comme une crevasse, dans une zone de réflexion muqueuse.
Forme infiltrante ou ulcéro-infiltrante (endophytique)

- La plus fréquente et la plus trompeuse.
- Marquée par une infiltration tumorale profonde, adhérente à la muqueuse.
- Aspect variable : parfois kératosique, parfois normal.
- L’induration, souvent importante, est l’élément d’orientation diagnostic majeur.
Nodule interstitiel

- Situé sous une muqueuse saine, mais infiltrant à la palpation.
- Évolue vers l’ulcération du nodule.
Forme érosive superficielle

- Observée sur une plage érythroplasique ou lichénienne.
- Bords nets, parfois surélevés, induration faible.
Forme papillomateuse hyperkératosique ou carcinome verruqueux

Caractérisée par des bourgeons, plus ou moins kératinisés à leur sommet.
Examens complémentaires
- Objectif : Apprécier les extensions, localisations secondaires et métastases.
- Examens biologiques : NFS, bilan hépatique et rénal.
- Examens radiologiques :
- Radio panoramique : bilan dentaire et maxillaires.
- Cliché pulmonaire.
- Scanner, IRM : appréciation des atteintes des structures osseuses et molles.
Diagnostic
Diagnostic positif
Établi à partir de la clinique, des examens complémentaires et confirmé par l’histologie.
Symptômes cliniques
Selon les localisations :
- Douleur à la déglutition.
- Difficultés alimentaires.
- Saignements.
- Otalgies.
- Mobilité dentaire.
- Perte de poids (fréquente).
- Présence de ganglions cervicaux.
Diagnostic différentiel
Se discute avec :
- Lésions précancéreuses (leucoplasie, lichen).
- Lésions bénignes.
- Aphtes géants, ulcérations traumatiques.
- Lésions infectieuses spécifiques : syphilis, tuberculose.
Particularités
- Les formes débutantes peuvent être suspectées de malignité.
- Les cancers évolués sont cliniquement évidents.
- Les examens complémentaires spécifiques sont indispensables pour préciser le type et l’extension de la tumeur.
Formes topographiques
Cancer de la langue

Épidémiologie
- Représente 25 % des cancers de la cavité buccale.
- Prédominance masculine, âge moyen vers 60 ans.
- Les tumeurs de la portion mobile (80 %) sont plus fréquentes que celles de la base.
Répartition topographique
- Portion mobile (en avant du V lingual) : bords latéraux, face dorsale et ventrale.

- Base de la langue : en arrière du V lingual.

Circonstances de découverte
- Nodule, fissure ou ulcération, souvent marginale (50 %).
- Gêne à la déglutition ou à l’élocution.
- Sensation de brûlure, exacerbée par le tabac et les aliments.
- Névralgie, fourmillements, otalgie réflexe.
- Présence d’une adénopathie dure et douloureuse.
- Forme de la lésion : ulcéro-bourgeonnante ou ulcéro-infiltrante.
- Palpation : induration (signe essentiel).
Bilan d’extension
- Extension locale : Vers le plancher buccal, la base de la langue, le pilier de l’amygdale, le sillon gingivo-lingual.
- Extension ganglionnaire : Vers les ganglions sous-digastriques.
- Extension à distance : Métastases pulmonaires ou hépatiques.
Diagnostic différentiel
- Les ulcérations traumatiques (cicatrisent au bout de 8 à 10 jours)
- Aphte géant, leucoplasie, lichen
- Ulcération spécifique
Évolution et pronostic
- Les surinfections très fréquentes à des stades évolués
- L’extension de la tumeur aux maxillaires est possible
- Le pronostic est bon aux stades limités, plus mauvais pour les formes étendues
- Les récidives diffuses et mal limitées après traitement
Description de la lésion
- Elle est souvent ulcéro-bourgeonnante ou ulcéreuse pure
- L’infiltration périphérique est plus importante et profonde
Bilan d’extension
Extension buccale locale
- Une extension antérieure le long des muscles génio-hyoïdiens, difficile à apprécier cliniquement
Extension ganglionnaire
- Adénopathies palpables au premier examen (ganglions sous-digastriques, sous-mandibulaires ou jugulo-carotidiens, homo- ou bilatérales)
Extension à distance
- Pulmonaires, hépatique
Cancer de la base de la langue
Circonstances de découverte et clinique

- Découvert au stade de tumeur évoluée par :
- Douleur au niveau de la gorge, sensation de corps étranger
- Dysphagies, otalgie, limitation de la protraction linguale
- Souvent, la lésion est mise en évidence lors d’un bilan pour une adénopathie cervicale
Diagnostic différentiel
- Hypertrophie de l’amygdale linguale
- Ulcération tuberculeuse ou syphilitique
- Angine de Vincent
Évolution et pronostic
- De mauvais pronostic
- Plusieurs complications peuvent apparaître : hémorragie, asphyxie, difficulté de s’alimenter
Cancer du plancher buccal
Épidémiologie

- Représente 15 à 20 % des cancers de la cavité buccale
- Fréquent chez l’homme à partir de 58 ans
Circonstances de découverte et clinique
- Difficulté à la protraction de la langue
- Modification de la voix
- Piquotement au contact des aliments acides
- Crachats sanglants
- Plus rarement, consultation pour une adénopathie
Description de la lésion
- Aspect bourgeonnant, ulcéreux ou mixte
- Caractère infiltrant et hémorragique, palpation douloureuse, induration mal limitée
Examens complémentaires
- Radiographies standards pour l’évaluation de l’état dentaire
- Échographie, TDM, IRM pour apprécier l’extension tumorale et ganglionnaire
- Radiographies pulmonaires (métastases)
Bilan d’extension

Extension buccale locale
- Peut rester superficielle en nappe
- En dedans vers la langue
- En bas vers la glande sublinguale et muscles du plancher
- En dehors et en avant vers la gencive, os alvéolaire et nerf alvéolaire inférieur
Extension ganglionnaire
- Grande lymphophilie
- Ganglions palpables au premier examen (sous-mentaux, sous-maxillaires, jugulo-carotidiens)
Extension à distance
- Pulmonaire, hépatique, osseuse
Formes cliniques

- Cancer du plancher postérieur : pronostic sévère, aggravé par l’extension à la base de la langue et l’amygdale
- Cancer du sillon pelvi-lingual : diagnostic difficile, car souvent fissuraire
Diagnostic différentiel
- Ulcération traumatique
- Ulcérations spécifiques (tuberculose, syphilis)
Évolution et pronostic
- Pronostic sévère, plus grave en cas d’atteinte de l’os et de la gencive mandibulaire
Cancer de la face interne de la joue
Épidémiologie
- Plus fréquent chez l’homme à partir de 60 ans
- Lié au tabac, à l’alcool et aux lésions potentiellement malignes
Circonstances de découverte et clinique

- Au début, simple gêne peu ou pas douloureuse
- Tardivement : douleurs localisées ou irradiantes vers l’oreille, trismus, adénopathie
- Lésion souvent végétante, surélevée
- Les formes infiltrantes d’emblée sont rares
- Site de prédilection : en regard du plan d’occlusion des dents
Bilan d’extension
- Vers la commissure des lèvres en avant ou la région rétromolaire en arrière
- Tardivement : vers la peau, ganglionnaire, parotidienne et cervicale
Diagnostic différentiel
- Ulcération traumatique
- Ulcérations spécifiques
Pronostic
- Réservé, récidives possibles
Cancer de la gencive supérieure et de la muqueuse palatine
Épidémiologie
- Représente 5 % des cancers des voies aérodigestives supérieures
- Prédomine chez les femmes
- Formes palatines : le voile est plus affecté que le palais osseux
- Carcinome de la luette extrêmement rare
Clinique
- Au début, aspect de gingivite hyperplasique, attribuée à un état parodontal défectueux ou une hygiène insuffisante, retardant le diagnostic
- Lésion ulcéro-végétante ou ulcéreuse, enchâssant les dents, plus souvent du côté vestibulaire
- Les formes infiltrantes envahissent rapidement l’os
Examens complémentaires
- Échographie cervicale à la recherche d’adénopathies
- IRM pour l’extension muqueuse
- TDM pour l’extension osseuse
Pronostic
- Réservé, récidives possibles
Forme palatine

Signes d’appel
- Dysphagie
- Otalgie réflexe unilatérale
- Adénopathies cervicales dures, plus ou moins fixées, souvent bilatérales
Clinique
- Ulcération indurée du voile mou, de diagnostic facile
- En fonction de la localisation, manifestations buccales, naso-sinusales, ophtalmiques et faciales
- À un stade avancé, masse granuleuse ulcérée à son centre
Aspect radiologique
- Image ostéolytique, à contours flous, irréguliers, dents suspendues

Bilan d’extension
Extension buccale locale
- Vers les parties molles et l’os sous-jacent
Extension ganglionnaire
- Sous-maxillaire, jugulo-digastrique
Extension à distance
- Très rare

Diagnostic différentiel
- Ulcérations traumatiques, spécifiques
- Maladies parodontales

Pronostic
- Plus souvent médiocre
Évolution
- Évolution naso-sinusale : déforme la voûte palatine, révélée par épistaxis, rhinorrhée, obstruction nasale
- Tardivement : signes orbitaires, troubles de la phonation
- Évolution buccale : lésion bourgeonnante ou ulcéreuse, souvent liée à une prothèse inadaptée, douleurs, mobilité dentaire, gingivorragies
Cancer de la gencive inférieure
Clinique
- Forme ulcéro-bourgeonnante, fréquemment du côté vestibulaire
- Tableau osseux ou ostéo-muqueux : douleurs, mobilité dentaire, déformation faciale
- Envahissement osseux pouvant causer une anesthésie dans le territoire du nerf mandibulaire (V3)
Bilan radiologique
- Décalcification diffuse, dents suspendues
- Survenue de fractures pathologiques
Bilan d’extension
Extension buccale
- Aux parties molles et à la mandibule (vestibule, anses, plancher, langue)
Extension ganglionnaire
- Rare
Diagnostic différentiel
- Ulcérations traumatiques, spécifiques
- Ostéites
- Manifestations buccales de leucémie
Cancer des lèvres


Épidémiologie
- Carcinome épidermoïde labial, cancer de l’homme d’âge mûr
- Représente 6 % des cancers de la cavité buccale
- Dans 90 % des cas, la tumeur siège sur la lèvre inférieure
Clinique
- Trois formes cliniques :
- Érosion croûteuse
- Ulcération infiltrante
- Forme végétante ou bourgeonnante (plus rare)
Bilan d’imagerie
- Échographie à la recherche d’adénopathies
- Cliché pulmonaire pour les métastases
Bilan d’extension
Extension locale
- Impose la recherche d’une localisation au niveau des voies aérodigestives supérieures par un examen complet de la cavité buccale
Extension ganglionnaire
- Métastases ganglionnaires habituellement tardives
- Sous-mentales, sous-mandibulaires
- Dans les cas avancés : pré-auriculaires, jugulo-carotidiennes
Extension à distance
- Pulmonaire, hépatique
Formes cliniques
À la lèvre supérieure

- Rare, souvent épithélioma basocellulaire
- Siège habituel sur le versant cutané, souvent une ulcération
- Évolution plus ou moins rapide, métastases relativement précoces
À la lèvre inférieure

- Primitifs, souvent sous forme fissuraire
- Extension vers l’autre lèvre et la joue
- Atteinte ganglionnaire rare, souvent bilatérale
À la commissure labiale

- Rare, 4 % des cancers des lèvres
- Lésion : ulcération fissuraire à base indurée
- Extension vers la muqueuse jugale, atteinte du nerf mentonnier, extension dans le canal alvéolaire inférieur
- Pronostic sévère, métastases rares
Diagnostic différentiel
- Ulcérations : traumatique, herpétique, spécifique
- Chéilite actinique
Diagnostic positif
- Basé sur l’histologie
Conclusion
- Les carcinomes de la muqueuse buccale se présentent sous différentes formes cliniques
- Malgré une meilleure prise en charge, leur pronostic reste sombre si le diagnostic est tardif
- Pour améliorer le pronostic, il est crucial de sensibiliser les dentistes à leur rôle dans la prévention et le dépistage précoce de cette pathologie
LES CARCINOMES DE LA MUQUEUSE BUCCALE / Pathologies Bucco-Dentaires
La santé bucco-dentaire est essentielle pour le bien-être général, nécessitant une formation rigoureuse et continue des dentistes. Les étudiants en médecine dentaire doivent maîtriser l’anatomie dentaire et les techniques de diagnostic pour exceller. Les praticiens doivent adopter les nouvelles technologies, comme la radiographie numérique, pour améliorer la précision des soins. La prévention, via l’éducation à l’hygiène buccale, reste la pierre angulaire de la pratique dentaire moderne. Les étudiants doivent se familiariser avec la gestion des urgences dentaires, comme les abcès ou les fractures dentaires. La collaboration interdisciplinaire avec d’autres professionnels de santé optimise la prise en charge des patients complexes. La santé bucco-dentaire est essentielle pour le bien-être général, nécessitant une formation rigoureuse et continue des dentistes.
LES CARCINOMES DE LA MUQUEUSE BUCCALE / Pathologies Bucco-Dentaires

Dr J Dupont, chirurgien-dentiste spécialisé en implantologie, titulaire d’un DU de l’Université de Paris, offre des soins implantaires personnalisés avec expertise et technologies modernes.