Les Fractures du Massif Facial / Pathologie et chirurgie buccale

Les Fractures du Massif Facial / Pathologie et chirurgie buccale

Les Fractures du Massif Facial / Pathologie et chirurgie buccale

Introduction

Le massif facial, appendu à la base du crâne, constitue un ensemble cohérent et vulnérable. La pathologie du massif facial supérieur est dominée par sa complexité, qui l’oppose à la mandibule. Il faut distinguer les formes simples et isolées des formes complexes. Lors d’un traumatisme du massif facial, les associations lésionnelles sont fréquentes ; le trait de fracture peut déborder le contour de l’os.

Rappel Ostéologique

Le maxillaire est la pièce principale du massif facial, formant les deux tiers internes de celui-ci. Il est en étroite relation avec :

  • Palatin
  • Os propres du nez
  • Malaire
  • Unguis
  • Vomer
  • Éthmoïde

Caractéristiques Structurelles

  • Structure fixe fragilisée par les cavités : orbitaires, fosses nasales, sinus maxillaire.
  • Vascularisation riche : favorise une consolidation rapide.
  • Absence d’attaches musculaires : déplacements rares.

Étiologies

Les causes principales des fractures du massif facial incluent :

  • Accidents de la circulation
  • Chutes
  • Rixes
  • Sports violents
  • Accidents de travail
  • Accidents balistiques

Classification

Selon la classification de Freidel, les fractures du massif facial sont divisées en six classes :

  1. Fractures occluso-faciales : impact maxillaire médian, fractures avec trouble de l’articulé (fractures alvéolaires, palatines, tubérositaires, et fractures de Le Fort).
  2. Fractures centro-faciales : traumatisme de la région nasale.
  3. Latéro-fractures : traumatisme porté sur la région de la pommette (fracture orbito-zygomatique ou orbitomalaire).
  4. Fractures cranio-faciales : associées à une lésion encéphalique, durale ou oculomotrice.
  5. Fractures combinées : associent de façon variable les lésions suscitées.
  6. Pan-faciales ou fracas faciaux : dislocations totales de la face.

Physiopathologie

L’architecture du massif facial s’organise autour de structures de résistance formant des piliers et des poutres.

Structures de Résistance

Système Vertical (Piliers de Sicher)

  • Deux piliers antérieurs : canins ou naso-ethmoïdo-frontaux.
  • Deux piliers latéraux : malaires et zygomatiques.
  • Deux piliers postérieurs : ptérygoïdiens.

Système Horizontal (Poutres d’Ombredane)

  • Une poutre supérieure : frontale.
  • Une poutre moyenne : sous-orbitaire et malaire.
  • Une poutre inférieure : maxillaire.

Zones de Faiblesse (Décrites par Le Fort)

  • Ligne supérieure : union du crâne et du massif facial.
  • Ligne médiane : contourne les os propres du nez, les bords inférieurs des malaires, et se termine à la partie moyenne des apophyses ptérygoïdes.
  • Ligne inférieure : part de l’échancrure nasale à la partie inférieure des apophyses ptérygoïdes.

Formes Cliniques des Fractures (Selon le Trait)

Fractures Occluso-Faciales

Ces fractures résultent d’un choc médian ou latéral et s’accompagnent d’un trouble de l’occlusion dentaire (fractures horizontales et sagittales).

Fractures Alvéolaires

  • Mécanisme : impact direct sur l’arcade dentaire ou extraction dentaire, intéressant une ou plusieurs dents.
  • Sans déplacement : tableau clinique discret.
  • Avec déplacement :
    • Luxation du bloc alvéolaire osseux incisif, généralement en dedans.
    • Dents fracturées ou luxées.
    • Trouble de l’articulé dentaire.
    • Déchirure de la fibro-muqueuse.
  • Examen radiologique : mise en évidence par le mordu occlusal ou la rétro-alvéolaire.

Fractures de la Voûte Palatine

  • Fréquence : surtout chez l’enfant (chute avec un objet dans la bouche).
  • Structures touchées : maxillaire seul, os palatins seuls, ou association des deux.
  • Examen exo-buccal : aucun signe.
  • Examen endo-buccal :
    • Déchirure de la muqueuse palatine.
    • Hématome palatin.
    • Troubles de la phonation et de la déglutition possibles.
    • Communication bucco-nasale ou bucco-sinusienne possible.

Fractures de la Tubérosité

  • Mécanisme : extraction de la dent de sagesse.
  • Conséquences : communication bucco-sinusienne, hémorragie.

Fracture de Le Fort I (Supra-Alvéolaire)

  • Mécanisme : choc médio-facial violent sur l’arcade maxillaire.
  • Trait de fracture : sous-nasal, passant au-dessus des apex dentaires, au niveau du plancher des fosses nasales, sous le zygomatique, traversant la partie basse du sinus maxillaire, et détachant toute l’arcade supérieure.
  • Déplacement : discret, vers l’arrière si présent.
  • Clinique :
    • Examen exo-buccal :
      • Ecchymose labiale supérieure.
      • Déchirure cutanée possible.
      • Épistaxis.
    • Examen endo-buccal :
      • Ecchymose vestibulaire supérieure.
      • Hémorragie buccale par section du frein labial supérieur.
      • Ecchymose palatine en fer à cheval.
      • Trouble de l’articulé dentaire avec béance antérieure et contacts molaires prématurés.
      • Disjonction intermaxillaire possible.
    • Radiologie : incidences standards (face, profil, Waters).

Fracture de Le Fort II (Pyramidale)

  • Fréquence : la plus fréquente.
  • Mécanisme : choc médio-facial descendant sur la région nasale.
  • Trait de fracture :
    • Externe : coupe la partie moyenne des os propres du nez, l’apophyse montante du maxillaire supérieur, l’unguis, la margelle infra-orbitaire, la face antérieure et postérieure du sinus maxillaire, les apophyses ptérygoïdes à leur tiers moyen.
    • Médian : coupe la cloison osseuse des os propres du nez jusqu’au rebord postérieur du vomer.
  • Déplacement : massif bi-maxillaire centro-facial (sans les malaires) déplacé en arrière et en bas.
  • Clinique :
    • Examen exo-buccal :
      • Ecchymoses périorbitaires en lunettes.
      • Région nasale enfoncée.
      • Œdème centro-facial.
      • Épistaxis.
      • Hypo- ou anesthésie du nerf sous-orbitaire.
    • Examen endo-buccal :
      • Ecchymoses vestibulaires et palatines supérieures.
      • Trouble de l’articulé dentaire.
      • Malocclusion de classe III par rétro-maxillie.
    • Palpation :
      • Points douloureux au vestibule supérieur, racine du nez, rebord orbitaire inférieur.
      • Mobilité palato-nasale par rapport au crâne et aux zygomatiques fixes (signe pathognomonique).
    • Radiologie : incidences standards (face, profil, Waters) et tomographies frontales/sagittales.

Fracture de Le Fort III (Disjonction Cranio-Faciale)

  • Traits de fracture :
    • Premier trait : sous la suture fronto-nasale, coupe les os propres du nez, l’unguis, passe sous le canal optique, coupe les racines des apophyses ptérygoïdes.
    • Deuxième trait : face externe de l’orbite, suture sphéno-malaire, suture fronto-malaire.
    • Troisième trait : sectionne le zygoma en un ou deux fragments.
    • Quatrième trait : médian, sectionne le septum nasal, l’épine nasale du frontal, la lame perpendiculaire de l’éthmoïde, le vomer, et atteint les choanes.
  • Déplacement : recul et glissement en bas et en arrière sur le plan incliné basicranien.
  • Clinique :
    • Œdème périorbitaire pan-facial.
    • Ecchymoses sous-conjonctivales.
    • Épistaxis.
    • Chémosis.
    • Augmentation de la hauteur de l’étage moyen.
    • Augmentation de la largeur de la face.
    • Faux prognathisme par recul et impaction du massif facial.
    • Racine du nez effondrée et élargie.
    • Palpation : points douloureux fronto-zygomatiques, zygomato-temporaux, glabellaires.
    • Examen endo-buccal : trouble de l’occlusion avec béance incisive et contact molaire prématuré, articulé incisif inversé possible.
    • Mobilité : mobilité anormale de l’arcade dentaire par rapport au crâne.
  • Radiologie : incidences face haute, Waters, tomographies de face et de profil.

Fractures à Composante Verticale

  • Disjonction Intermaxillaire :
    • Trait : médian ou paramédian.
    • Clinique :
      • Diastème inter-incisif.
      • Ecchymose palatine avec ou sans plaie.
      • Mobilité douloureuse d’une hémi-arcade maxillaire.
      • Trouble de l’articulé dentaire.
      • Communication bucco-sinusienne possible si déplacements importants.
    • Radiologie : tomodensitométrie (coupes axiales et coronales).
  • Associations de Traits de Fractures :
    • Fracture de Richet : Le Fort III + disjonction intermaxillaire.
    • Fracture de Walther : Le Fort III + Le Fort I + disjonction intermaxillaire.
    • Fracture de Bassereau : deux traits verticaux paramédians séparant les os propres du nez des branches montantes des maxillaires.
    • Fracture de Huet : deux traits verticaux passant par la zone canine-prémolaire.

Fractures Centro-Faciales

Fracture du Nez et de la Cloison Nasale

  • Structures touchées : os propres du nez, avec ou sans luxation de la cloison nasale.
  • Clinique :
    • Épistaxis bilatérale.
    • Œdème en regard de la zone fracturée.
    • Douleur parfois syncopale.
    • Ecchymose autour des yeux.
    • Modification de la rectitude du nez.
    • Obstruction nasale.
  • Types :
    • Fracture cartilagineuse isolée : choc modéré sur la pointe du nez, fracture verticale ou horizontale.
    • Fractures osseuses :
      • Sans déplacement : douleur, épistaxis, œdème initial, hématome septal, petite cal osseuse secondaire.
      • Avec déplacement :
        • Impact latéral : dépression du côté de l’impact.
        • Impact antéro-postérieur : dépression et élargissement dorsal, obstruction nasale.
        • Impact important : fracture comminutive, disparition de la pyramide nasale.
  • Radiologie : incidence des os propres du nez (déplacements antéro-postérieurs).

Fracture du CNEMFO (Complexe Naso-Ethmoïdo-Maxillo-Fronto-Orbitaire)

  • Mécanisme : trauma violent de la région centro-faciale.
  • Structures touchées : os propres du nez, parois inférieures du sinus frontal, masses latérales, lame perpendiculaire de l’éthmoïde.
  • Clinique :
    • Épistaxis.
    • Obstruction nasale.
    • Élargissement et recul de la pyramide nasale entre les orbites.
    • Ecchymoses palpébrales en lunettes (fracture du labyrinthe ethmoïdal).
    • Œdème des paupières.
    • Diplopie statique.
    • Méplat frontal.
    • Énophtalmie (fracture de la paroi médiale de l’orbite).
  • Radiologie : scanner cranio-facial (coupes coronales et axiales).

Fractures Latéro-Faciales

Fracture Zygomato-Maxillaire

  • Mécanisme : choc latéral de la face, souvent par choc direct.
  • Structures touchées : attaches de l’os zygomatique (jonction fronto-malaire, arcade zygomatique, cintre maxillo-malaire, rebord orbitaire).
  • Clinique :
    • Inspection :
      • Asymétrie faciale par enfoncement du malaire.
      • Œdème et ecchymose en regard de la pommette.
      • Hémorragie sous-conjonctivale.
      • Attraction vers le bas de l’angle externe de l’œil.
      • Énophtalmie.
      • Modification de la sensibilité (nerf sous-orbitaire).
      • Limitation de l’ouverture buccale.
      • Diplopie (fracture du plancher de l’orbite).
    • Palpation : encoche osseuse au niveau du cadre orbitaire.
  • Radiologie :
    • Incidence de Blondeau : discontinuité de la ligne de Campbell orbitaire inférieure.
    • Incidence de Hirtz : recul du malaire, rupture de l’arcade zygomatique.

Fracture Isolée de l’Arcade Zygomatique

  • Clinique :
    • Déformation au niveau de l’arcade.
    • Douleurs en avant de l’oreille.
    • Effacement du relief osseux devant l’oreille.
    • Limitation de l’ouverture buccale.
  • Radiologie : incidence de Hirtz (enfoncement osseux).

Fractures Isolées du Plancher Orbitaire

  • Structures touchées : paroi mince séparant l’orbite du sinus maxillaire, cadre orbitaire intact.

Fractures Combinées

  • Exemple : fracture orbito-crânienne associée à une fracture orbito-zygomatique.

Fractures Pan-Faciales (Fracas Faciaux)

  • Mécanisme : choc vertical combinant fractures occluso-faciales, latéro-faciales, et CNEMFO, avec ou sans fractures mandibulaires.
  • Fractures balistiques : provoquées par des projectiles à haute énergie cinétique, entraînant des dégâts pluri-focaux des parties molles et osseuses, rendant la contention et la réhabilitation difficiles.

Formes Cliniques des Fractures (Selon l’Âge)

Chez l’Enfant

  • Rareté : traumatismes moins fréquents.
  • Facteurs protecteurs :
    • Absence ou faible pneumatisation des sinus maxillaires.
    • Résistance accrue de l’os en croissance.
    • Épaisseur et élasticité des tissus mous.
  • Conséquence : résistance à des forces entraînant des fractures comminutives chez l’adulte.

Chez l’Édenté et les Personnes Âgées

  • Fréquence : moins fréquentes, souvent dues à une chute lors d’un malaise.
  • Caractéristiques :
    • Fragilité osseuse favorisant les fractures comminutives, même avec un choc modéré.
    • Appréciation difficile des déplacements en l’absence de dents.
    • Importance des signes cliniques et radiologiques.

Évolution, Complications, Séquelles

Évolution

  • Durée de consolidation : environ un mois pour les fractures simples ; plusieurs mois pour les fractures avec perte de substance.
  • Facteurs : modalités de prise en charge.

Complications

Complications Engageant le Pronostic Vital

  • Asphyxie :
    • Encombrement des voies aériennes.
    • Traumatisme direct sur le larynx.
  • Hémorragie : extériorisée par la bouche.
  • Complications neurochirurgicales :
    • Rhinorrhée cérébrospinale (risque de méningite bactérienne) dans les fractures irradiées à la base du crâne (Le Fort II et III).
    • Lésions cérébrales : hématome extradural/sous-dural, œdème, contusion cérébrale, hémorragie cérébrale.

Complications Neurosensorielles (Sans Pronostic Vital)

  • Ophtalmologiques :
    • Lésions du globe oculaire.
    • Tension du nerf optique.
    • Troubles de l’oculomotricité.
    • Anomalies statiques du globe oculaire.
  • Nerveuses :
    • Atteinte des nerfs de la face (surtout le V).
    • Paralysie faciale totale ou partielle (plaie parotidienne).

Séquelles

Séquelles Fonctionnelles

  • Oculaires : troubles visuels.
  • Nasales : obstruction, déviation.
  • Occlusion et articulé dentaire : malocclusion.
  • Anomalies dynamiques : douleurs, craquements, subluxation ou blocage de l’ATM.
  • Dentaires : dents luxées ou perdues, nécessitant prothèses ou restauration.

Séquelles Infectieuses

  • Ostéite (rare).
  • Cellulite liée à une dent (trait de fracture englobant une racine).
  • Méningite (brèche durale inaperçue).
  • Sinusite post-traumatique maxillaire ou frontale (hémosinus, rare).

Séquelles Morphologiques

  • Cicatrices cutanées (fractures ouvertes).
  • Pertes de substance balistiques : troubles fonctionnels (voix nasonnée, rejet d’aliments par le nez).

Conclusion

Toutes les lésions traumatiques de la face ont des répercussions esthétiques et fonctionnelles importantes. Elles nécessitent une prise en charge précoce et complète avant la consolidation des fractures pour optimiser les résultats.

Les Fractures du Massif Facial / Pathologie et chirurgie buccale

  La santé bucco-dentaire est essentielle pour le bien-être général, nécessitant une formation rigoureuse et continue des dentistes. Les étudiants en médecine dentaire doivent maîtriser l’anatomie dentaire et les techniques de diagnostic pour exceller. Les praticiens doivent adopter les nouvelles technologies, comme la radiographie numérique, pour améliorer la précision des soins. La prévention, via l’éducation à l’hygiène buccale, reste la pierre angulaire de la pratique dentaire moderne. Les étudiants doivent se familiariser avec la gestion des urgences dentaires, comme les abcès ou les fractures dentaires. La collaboration interdisciplinaire avec d’autres professionnels de santé optimise la prise en charge des patients complexes. La santé bucco-dentaire est essentielle pour le bien-être général, nécessitant une formation rigoureuse et continue des dentistes.  

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