Les interrelations parodontie – prothèse dentaire

Les interrelations parodontie – prothèse dentaire

Les interrelations parodontie – prothèse dentaire

Introduction

Les relations qui unissent prothèse et parodonte sont souvent conflictuelles et complexes. Afin d’éviter ces conflits entre impératifs prothétiques et parodontaux, le praticien se doit d’analyser minutieusement les facteurs en présence avant d’entreprendre son acte thérapeutique. Le projet prothétique avec ses données biomécaniques, fonctionnelles et esthétiques devra tenir compte des conditions parodontales.

Rappel

Le parodonte

Les quatre éléments du parodonte à prendre en considération lors de la mise en place d’une prothèse dentaire sont :

  • L’attache épithéliale : elle établit le contact entre la gencive et la dent et constitue le fond du sillon gingivo-dentaire.
  • Le sillon gingivo-dentaire (SGD) : ou sulcus, il fait face à la dent, sans être en contact avec elle. Il est de l’ordre de 1 à 2 mm en vestibulaire et en linguale et de 2 à 3 mm sur les faces proximales.
  • L’espace biologique : espace compris entre le fond du sillon gingivo-dentaire et le sommet de la crête osseuse. Décrit par Gargiulo en 1961 comme un espace d’environ 2 mm occupé par le système d’attache de la dent, il est composé d’une attache épithéliale (l’épithélium de jonction, mesurant en moyenne 0,97 mm) et d’une attache conjonctive (fibres gingivo-cémentaires ou supracrestales, mesurant en moyenne 1,07 mm).
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  • Le biotype parodontal : la classification de Maynard et Wilson (1980) se base sur la hauteur et l’épaisseur de la gencive, et sur l’épaisseur de la table osseuse vestibulaire. Elle différencie 4 types :

Classification des biotypes parodontaux

  • Type I : Situation idéale où la gencive épaisse mesure entre 3 et 5 mm de hauteur. La corticale externe vestibulaire présente une épaisseur satisfaisante (les racines ne sont pas visibles par transparence ou palpables). Ce type est retrouvé chez 40 % des patients.
  • Type II : La palpation révèle un os sous-jacent d’épaisseur satisfaisante malgré une hauteur de gencive vestibulaire réduite, souvent inférieure à 2 mm. Cette situation est peu fréquente, retrouvée dans 10 % des cas.
  • Type III : Les dimensions gingivales sont correctes. Cependant, l’épaisseur alvéolaire vestibulaire est réduite et se manifeste à l’examen clinique par des racines dentaires franchement visibles par transparence ou palpables. Sa fréquence est de 20 %.
  • Type IV : L’os alvéolaire comme la gencive vestibulaire sont de dimensions réduites. Ce type concerne 30 % des patients.

La prothèse dentaire

La prothèse dentaire est un dispositif dentaire remplaçant une ou plusieurs dents absentes et, si nécessaire, les structures anatomiques associées. Elle peut être adjointe ou conjointe, totale ou partielle, définitive ou provisoire.

Les objectifs parodontaux de la prothèse

Respect de l’environnement tissulaire
  • Le contrôle de plaque : la prothèse doit permettre un accès direct à la jonction entre gencive marginale et racine dentaire, aux limites prothétiques, et aux surfaces prothétiques si celles-ci sont intrasulculaires. L’accès aux contrôles de plaque à l’aide d’une brosse à dents et/ou des brossettes interdentaires sera vérifié avec le patient autour de chaque élément de la restauration. Cette vérification s’effectue lors de la pose des prothèses.
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Le parodonte réduit

La réduction des niveaux d’attache est une constante plus ou moins marquée chez les patients ayant souffert de parodontite et constitue l’une des difficultés les plus critiques de la gestion prothétique. En effet, les exigences fonctionnelles et esthétiques en cas de parodonte réduit ne devront en aucun cas limiter l’accès au contrôle de plaque. Il est ainsi possible d’identifier trois régions prothétiques qui présentent des caractéristiques distinctes en termes de reconstruction :

  • Une région d’interface parodonte-prothèse : la zone la plus proche des tissus parodontaux, qui devra permettre un accès à l’hygiène orale.
  • Une région esthétique et fonctionnelle : reproduit les éléments anatomiques intangibles et doit imiter la nature.
  • Une région de transition : fait le lien entre les deux régions précédentes et prend toute son importance dans les cas de perte d’attache extrêmes.
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La contention

Dans le contexte de niveau d’attache très réduit (> 30-50 %), fréquemment associé à un nombre limité de dents (< 8 dents par arcade) et de mobilité souvent augmentée, la prothèse fixe remplit le mieux sa fonction biomécanique et peut contribuer au maintien des dents sur l’arcade. La rigidité apportée par l’armature prothétique permet de distribuer les contraintes exercées sur la prothèse à l’ensemble des racines résiduelles et de participer à la réduction des micromouvements des racines dentaires au parodonte le plus réduit. Cette dissipation des contraintes a pour effet, sur les dents les plus mobiles, d’améliorer le confort des patients en réduisant/éliminant les mobilités perçues comme excessives.

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L’esthétique

Des espaces interdentaires très ouverts associés à des triangles noirs disgracieux, des dents longues et des migrations dentaires secondaires sont les complications esthétiques les plus fréquentes de la parodontite traitée. Ces complications sont directement liées à la réduction du niveau d’attache liée à la maladie et aux récessions parodontales qui accompagnent fréquemment la cicatrisation du système d’attache.

L’analyse esthétique doit prendre en compte ces éléments de diagnostic pour permettre d’anticiper la correction prothétique. L’indication esthétique est principalement fondée sur le bien-être et la demande des patients, car elle n’est pas, en elle-même, thérapeutique. Elle ne doit donc pas être contraire aux grands principes fonctionnels de maintien des dents sur l’arcade. Même si, stratégiquement, des dents parodontalement conservables sont extraites pour des raisons prothétiques, on veillera le plus possible à la conservation des dents.

Impact de la prothèse sur le parodonte

Position des limites prothétiques

La localisation de la limite prothétique peut se situer à trois niveaux : supragingival, juxtagingival et intrasulculaire (le terme intrasulculaire est préféré à sous-gingival, car ce dernier sous-entend un enfouissement non compatible avec la santé parodontale).

La limite juxta- ou supragingivale

Toutes les limites prothétiques situées sur la dent au niveau ou au-dessus de la gencive marginale sont définies comme juxta- ou supragingivales. La limite supragingivale est la limite biologique de choix en dentisterie restauratrice et peut très souvent être employée sur un parodonte réduit. C’est une limite parodontalement idéale car elle n’interfère à aucun moment avec l’espace biologique.

La limite intrasulculaire

Il est possible de situer une limite prothétique sous-gingivale sans conséquences inflammatoires. Les indications peuvent être esthétiques, le plus souvent dans la zone antérieure. Les éléments cliniques pouvant faire opter pour une limite sous-gingivale à visée esthétique sont :

  • Une limite dent-gencive visible lors du sourire.
  • Des colorations radiculaires disgracieuses.
  • Le désir du patient de ne pas voir apparaître des zones prothétiques.

Sur le plan parodontal, les limites sous-gingivales, dépassant la base du sulcus, peuvent entraîner un traumatisme tissulaire lors de chaque étape clinique.

Matériaux et parodonte

  • Les résines acryliques utilisées au cours des phases de temporisation montrent la plus forte rétention de plaque dentaire.
  • Les couronnes céramo-céramiques semblent présenter une rétention de plaque plus faible.
  • L’état de surface est un élément à prendre en compte. Une surface rugueuse facilite l’adhésion des composants de la plaque dentaire, pouvant être à l’origine d’une inflammation du parodonte superficiel.
  • Le joint prothétique (interface entre la préparation et la prothèse) doit être le plus fin possible. Les études semblent montrer que tous les types de matériaux permettent d’obtenir un joint cliniquement acceptable.
  • La biocompatibilité du matériau est un paramètre à ne pas négliger. Les céramiques sont les matériaux les plus biocompatibles, bio-inertes, n’entraînant qu’une très faible cytotoxicité. Concernant les alliages métalliques, la littérature est peu fournie. Il conviendrait de choisir des matériaux présentant un potentiel de corrosion faible.

La déflexion gingivale

L’obtention de la déflexion gingivale avant la prise d’empreinte est un prérequis pour tout praticien souhaitant correctement enregistrer les limites de la préparation et fournir la plus grande précision au laboratoire de prothèse. La technique la plus couramment utilisée est celle du double cordonnet.

Ruel et coll. (1980) rapportent qu’un cordonnet cause la destruction de l’épithélium de jonction, nécessitant huit jours pour guérir, et peut causer une récession gingivale de l’ordre de 0,2-0,1 mm. L’utilisation d’un cordonnet trop épais entraîne un blanchiment de la gencive marginale, signifiant une réduction locale du flux sanguin. En laissant ce cordonnet en place plusieurs minutes, il se crée une strangulation de la gencive libre pouvant conduire à une récession gingivale. Le choix d’une taille de cordonnet adaptée au sulcus est donc primordial.

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Impact de la parodontie sur la prothèse

La restauration de l’espace biologique

La restauration de l’espace biologique fait appel à des moyens chirurgicaux, permettant d’obtenir une élongation coronaire. La décision de la technique chirurgicale d’élongation coronaire est fonction de plusieurs paramètres cliniques et radiographiques, tels que :

  • L’évaluation de la qualité et de la quantité de tissu kératinisé.
  • La profondeur du sondage parodontal autour de la dent.
  • L’évaluation de la hauteur et de l’épaisseur des parois dentaires résiduelles.
  • Le rapport couronne clinique/racine.
  • La forme et la proximité des racines.
  • La hauteur du tronc radiculaire.
  • La qualité du traitement endodontique.

Dans la plupart des cas, la technique d’élongation coronaire chirurgicale combine une apicalisation des tissus gingivaux associée à une ostéoplastie (remodelage des contours osseux) et/ou une ostéoectomie (résection osseuse) afin de rétablir l’espace biologique tout en redonnant une morphologie osseuse physiologique. Une distance d’environ 3 mm doit être retrouvée entre la crête osseuse et la future limite prothétique. L’élongation coronaire chirurgicale doit toujours respecter un rapport couronne/racine favorable (rapport 1/1 maximum).

La chirurgie préprothétique inclut aussi les techniques de chirurgie plastique parodontale afin d’augmenter la hauteur ou l’épaisseur du tissu kératinisé, d’obtenir un recouvrement radiculaire ou de corriger une asymétrie de la ligne des collets. Malgré la controverse, la présence d’un tissu kératinisé d’au moins 2 mm est un facteur pronostique favorable vis-à-vis de la santé parodontale, surtout en présence d’une limite prothétique intrasulculaire.

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Gestion des crêtes édentées

Après l’extraction d’une dent, l’alvéole subit un remodelage osseux et gingival qui s’accompagne d’une résorption plus ou moins importante de la crête, classée par Seibert (1983) en 3 classes (voir figure 8).

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La résorption osseuse peut compliquer la pose de futurs implants (greffes osseuses préimplantaires) et la reconstruction prothétique implanto-portée, mais aussi affecter les résultats esthétiques et fonctionnels des prothèses fixes dento-portées. Une crête édentée fortement résorbée, surtout dans le sens vestibulo-palatin ou vestibulo-lingual, peut laisser un espace vide entre le rebord gingival et le pontique, responsable d’un préjudice esthétique immédiat ou secondaire avec des conséquences sur la phonétique ou sur la rétention alimentaire.

La chirurgie parodontale préprothétique est destinée à compenser les pertes de substance des crêtes édentées et à reconstruire le profil idéal de la crête avant la réalisation des pontiques. Les techniques chirurgicales peuvent être divisées en deux grandes catégories :

  • Les procédures d’augmentation des tissus mous : greffes épithélio-conjonctives, greffes pédiculées de tissu conjonctif provenant du palais, et greffes conjonctives enfouies.
  • Les procédures d’augmentation des tissus durs : régénération osseuse guidée et greffes osseuses d’apposition.

Conclusion

L’intégration d’un élément prothétique unitaire ou plural est conditionnée par une parfaite connaissance des impératifs parodontaux afin d’assurer la pérennité de la restauration. Il s’avère donc indispensable, avant le début du traitement prothétique, d’analyser l’environnement parodontal et de le modifier afin de garantir fonctionnalité, longévité et esthétique.

Références bibliographiques

  1. Bouchard Philippe, Parodontologie et dentisterie implantaire : volume 1, édition Lavoisier, 2015.
  2. Klaus H. Rateitschak, Edith M. Rateitschak, Herbert F. Wolf, Atlas de parodontologie, édition Flammarion, 1986.
  3. MC. Carra, C. Darnaud, M. Fremont, C. Micheau, Parodontie et prothèse, réalité clinique, 2014.
  4. Newman, Takei, Klokkevold, Carranza, Clinical Periodontology, 10th edition, Elsevier, 2006.

Voici une sélection de livres en français sur les prothèses dentaires:

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