Cicatrisation pulpo-dentinaire face à nos thérapeutiques / OCE

Cicatrisation pulpo-dentinaire face à nos thérapeutiques / OCE

Cicatrisation pulpo-dentinaire face à nos thérapeutiques / OCE

Introduction

Au cours des divers actes de dentisterie restauratrice, que ce soit par les procédés opératoires ou par les matériaux d’obturation (temporaires ou définitifs), le praticien peut, parfois de manière inévitable, engendrer un certain nombre de traumatismes au niveau du complexe pulpo-dentinaire, s’ajoutant à l’agression initiale.

La pulpe

  • Tissu conjonctif richement vascularisé et innervé, constitué d’une substance fondamentale et d’éléments de structure :
    • Cellules mésenchymateuses (fibroblastes)
    • Odontoblastes
    • Fibres

Comportement du complexe pulpo-dentinaire

Au niveau dentinaire

Le comportement du complexe pulpo-dentinaire peut se manifester par :

  • Apposition ou résorption, qui peuvent être :
    • Physiologiques
    • Réactionnelles aux stimuli traumatogènes
    • Pathologiques
  • Ces phénomènes se situent au niveau de :
    • L’unité métabolique dentinaire
    • La zone dentinogénétique

Unité métabolique

  • Conduit à la minéralisation des lumières des tubuli lors des phénomènes d’apposition par dentinogenèse (courbe de Seltzer et Bender).
  • Peut entraîner un élargissement du diamètre des tubuli par résorption.

Au niveau pulpaire

  • La pulpe possède une capacité inflammatoire et immunitaire, qui se traduit par des répercussions vasculaires :
    • Favorables : stimulation de l’activité de synthèse ou de sécrétion des odontoblastes ou des cellules de relais.
    • Réversibles : lorsque l’agression est limitée dans le temps ou de faible intensité.
    • Irréversibles : dans le cas contraire, déclenchant un cycle inflammatoire.

Réactions du complexe pulpo-dentinaire face aux thérapeutiques

Réactions pulpaires face aux agressions microbiennes

Études de référence

  1. Kakehashi : a démontré le rôle majeur des bactéries dans les pulpopathies, soulignant que l’exposition pulpaire aux bactéries est le facteur prédominant.
  2. Brännström et Lind : ont montré que l’irritation pulpaire peut apparaître même à distance des bactéries, en raison de leurs toxines.

Considérations biologiques

  • Durée de l’exposition pulpaire : une contamination prolongée au milieu buccal réduit le taux de guérison. Cependant, chez de jeunes patients, la partie externe de la pulpe résiste à l’invasion bactérienne malgré des expositions prolongées (fractures ou caries profondes avec polypes pulpaires).
  • Perte d’étanchéité marginale : source d’infiltration bactérienne ou de sous-produits. Nyborg a démontré que cette perte est plus préjudiciable que la toxicité des biomatériaux.

Réactions pulpaires face aux agressions physiques

Ces réactions reposent principalement sur l’activité mécanique des techniques conventionnelles de préparation dentaire.

Élévations thermiques

Origine de l’élévation thermique
  • Liées à :
    • L’action des instruments rotatifs.
    • L’efficacité des systèmes de refroidissement intégrés.
    • L’insertion et la prise des matériaux.
  • Effets des instruments rotatifs :
    • Section des prolongements odontoblastiques près des tubuli dentinaires.
    • Élévation de la température.
    • Vibrations.
    • Pression exercée, exposant la pulpe.
Paramètres affectant l’efficacité de coupe

Une meilleure efficacité de coupe réduit l’échauffement :

  • Taille et nature de l’instrument rotatif :
    • Diamètre : l’intensité des vibrations est proportionnelle au diamètre. Un diamètre réduit diminue les surfaces de coupe et de frottement, réduisant ainsi les traumatismes, l’élévation de température et les vibrations.
    • Nature :
      • Les fraises en carbure de tungstène (turbines) génèrent moins d’échauffement grâce à une action sécante plus importante et une moindre pression.
      • Les fraises en acier sont les plus nuisibles (augmentation de température et vibrations excessives).
      • Les grains de diamant, même de grosse taille, produisent moins de vibrations que les fraises en carbure de tungstène de grand diamètre.
    • Forme :
      • Les fraises/meulettes cylindriques produisent plus de chaleur et moins de vibrations que les fraises sphériques.
  • Valeurs thermiques :
    • Acier : jusqu’à 104°C.
    • Carbure de tungstène : 79°C.
    • Diamant : 66°C (pour des vitesses de 300 à 3000 tr/min).
  • Pression exercée :
    • Principal facteur de l’effet thermique (50 à 300 g).
    • Plus forte à faible vitesse et sur instruments de grand diamètre (fraises acier sur contre-angle).
    • Plus faible sur instruments de petit diamètre à haute vitesse (fraises diamantées/tungstène sur turbine).
    • Selon Clauzade : la pression doit être proportionnelle à la vitesse.
    • Selon Peyton : une pression doublée augmente proportionnellement la chaleur, avec ou sans refroidissement.
  • Vitesse de rotation :
    • L’élévation thermique est proportionnelle à la vitesse et à la pression.
    • Instruments en acier : plage étroite (1000 à 10000 tr/min).
    • Instruments diamantés : plage large (10000 à 400000 tr/min).
    • À faible vitesse (<3000 tr/min) :
      • Sans refroidissement : augmentation de température (réaction pulpaire).
      • Avec refroidissement : pas de réaction pulpaire.
    • De 3000 à 30000 tr/min : réaction inflammatoire même avec refroidissement.
    • À très haute vitesse (>200000 tr/min) :
      • Avec bon refroidissement : pas de modification pulpaire.
      • Sans refroidissement : carbonisation possible de la pulpe en 10 secondes.
  • Refroidissement :
    • Le spray eau + air est le moyen le plus efficace, mais l’extrémité active de l’instrument est à l’abri du spray. Un débit suffisant (air + eau) est nécessaire pour refroidir par contiguïté.
    • Idéal : associer trois sprays simultanés.
  • Durée de contact du fraisage :
    • Les irritations pulpaires dépendent de l’intensité, du type et surtout de la durée.
    • Ingle : une action de 11 secondes peut brûler la dentine.
  • Profondeur de la cavité :
    • Réponse pulpaire inversement proportionnelle à l’épaisseur de dentine résiduelle.
    • 2 mm : transmission minime des effets agressifs (barrière suffisante).
    • ≤0,5 mm : seuil critique, passage des irritants, dommages pulpaires sérieux.
Par insertion et prise des matériaux
  • Élévations thermiques moyennes :
    • Silicates : 1,63°C.
    • Composites autoploymérisants : 2,17°C.
    • Composite périmé/altéré : jusqu’à 6°C (Poulard).
Conséquences de l’élévation thermique sur la vitalité pulpaire
  • Une température dépassant 46°C cause des dommages au complexe pulpo-dentinaire.
  • Effets histologiques :
    • +5,5°C (10 s) :
      • Destruction de la majorité des odontoblastes.
      • Aspiration des noyaux, œdème pulpaire.
      • Destruction des fibres de Tomes, absence de calcification.
      • Réparation après 8 jours (prolifération de préodontoblastes).
    • +11°C :
      • Réaction des histiocytes.
      • Formation de dentine non tubulée.
      • Nécrose pulpaire.
    • +16°C :
      • Nécrose pulpaire totale, structures histologiques non identifiables.
  • Conclusion :
    • +5°C : tolérable, nécrose dans 15% des cas.
    • +11°C : nécrose dans 60% des cas.
    • 16°C : destruction pulpaire totale.

Déshydratation des cavités

  • Selon Cotton : 30 secondes d’insufflation d’air tempéré suffisent pour :
    • Déplacer les odontoblastes.
    • Entraîner une aspiration des noyaux.
    • Détruire la palissade odontoblastique.
    • Provoquer une réaction inflammatoire.
  • Réparation : 180 jours (6 mois) pour un retour à l’équilibre tissulaire.

Réactions du complexe pulpo-dentinaire face aux agressions chimiques

La réaction dépend de la composition et de la toxicité des produits médicamenteux.

Facteurs de toxicité

  • Nature et concentration du matériau.
  • Mode d’utilisation.
  • Proximité pulpaire et âge du patient.

Produits d’insensibilisation

  • Anesthésie :
    • Vasoconstricteurs : réduisent la toxicité.
    • Solution à 2,5% de vasoconstricteur : action réversible.
    • 2,5% : action irréversible, inhibition totale de la respiration cellulaire.

Produits à visée médicamenteuse

  • Faible durée de contact avec les structures dentaires.
  • Composés (phénoliques, alcooliques, dérivés d’acétone, oxydants) utilisés pour nettoyer/désinfecter les cavités.
  • Toxicité réelle, mais lésions pulpaires irréversibles rares en raison de la courte durée de contact.

Produits chimiques

  • Phénol : cytotoxique, faible désinfectant, augmente la perméabilité des tubuli dentinaires.
  • Chloroforme et alcool :
    • Déshydratent les tubuli, facilitant la pénétration des acides.
    • Dénaturent les fonctions protéiques des prolongements odontoblastiques.
    • Produisent une irritation allogène par évaporation.
  • Hypochlorite de sodium : toxique pour la pulpe, réservé aux traitements canalaires.
  • Eau oxygénée : peut former des embolies, altérant ou arrêtant la circulation pulpaire.
  • Acides de mordançage : sans fond protecteur, pénètrent les tubuli, entraînant des réactions pulpaires irréversibles.

Produits définitivement en contact avec les structures dentaires

  • Ciment oxyde de zinc eugénol (pH neutre) :
    • Propriétés sédatives et dentinogéniques.
    • Base intermédiaire ou matériau de restauration coronaire provisoire.
    • Activité antiseptique phénolique : cytotoxicité initiale réversible, irritation quasi inexistante à long terme.
  • Hydroxyde de calcium (pH 11-12,4) :
    • Coiffage, fond de cavité.
    • Oblitère les canalicules dentinaires (protection chimique/thermique).
    • Favorise la dentinogenèse.
    • Effet anti-inflammatoire, antimicrobien (pH alcalin), ostéo-inducteur, hémostatique.
  • Ciment aux orthophosphates de zinc (pH 3,5).
  • MTA (pH 10,8 initial, 12,5 après 3h).
  • Vernis.

Matériaux de restauration coronaire

  • Composite :
    • Effets indésirables :
      • Biologiques (perte d’étanchéité).
      • Toxiques (tout au long de la mise en œuvre).
    • Toxicité due à :
      • Monomère libre.
      • pH acide de la matrice Bis-GMA.
      • Acide de mordançage et adhésif.
    • Atteinte pulpaire dépend de :
      • Épaisseur de la dentine résiduelle.
      • Type de dentine constituant la couche résiduelle.
    • Réponses possibles :
      • Tassement de la couche des odontoblastes.
      • Aspiration cellulaire, hémorragie intrapulpaire.
      • Dégénérescence cellulaire.
  • Adhésifs dentinaires :
    • Poulard : la prise des agents de liaison génère un apport calorique brutal, pouvant provoquer une inflammation pulpaire.
    • Adhésion insuffisante pour éviter l’invasion microbienne.
  • Amalgame :
    • Muller : absence de pénétration des éléments dans la dentine (autoradiographie).
    • Smith, Nixon : présence de mercure dans l’émail (vapeurs lors de l’insertion).
  • Ciments aux verres ionomères :
    • Biologiquement neutres, aucune réaction pulpaire.
    • Acide polyacrylique faible, diffuse peu dans les canalicules (grand poids moléculaire).
  • Matériaux céramiques :
    • Inertes vis-à-vis de la pulpe.
    • Risque iatrogène : matériaux de collage aux structures dentinaires.

Processus cicatriciel dentinogène

Selon Seltzer (1956)

  • Fin de la réponse inflammatoire (après 3 jours).
  • Différenciation de nouveaux odontoblastes.
  • Synthèse des granules cytoplasmiques (précurseurs du collagène).
  • Sécrétion des précurseurs de collagène et aminopolysaccharides non sulfatés associés à des protéines.
  • Sulfatation des aminopolysaccharides complexés à la protéine.
  • Formation des fibrilles de collagène (matrice).
  • Attraction des sels minéraux (minéralisation).

Selon Sevejda (1964)

  • Par méthode histochimique, démonstration de l’action enzymatique dans les cellules pulpaires :
    • L’inflammation modifie l’activité enzymatique.
    • Après coiffage et action irritante, toute activité enzymatique disparaît.
    • Renouveau d’activité enzymatique après 7 jours.
    • Au 28e jour : activité enzymatique identique entre cellules nouvellement différenciées et cellules originales, marquant la fin de la cicatrisation.

Selon Stanley, With et Mac Cray (1966)

  • Étude sur 108 dents humaines (préparation de cavités cervicales) :
    • Première dentine tertiaire : peu avant le 13e jour postopératoire.
    • Taux de formation maximal : entre le 27e et le 48e jour (3,5 µm/j, environ 1 à 1,5 mois).
    • Diminution à partir du 48e jour (0,74 µm/j).
    • Entre le 72e et le 132e jour : 0,23 µm/j (4,5 mois).
  • Conclusion :
    • 2 semaines avant formation de la dentine tertiaire (étapes de Seltzer).
    • À partir du 27e jour : activité enzymatique normale, pic de dentinogenèse.
    • Après 1,5 mois : dentinogenèse ralentit, reprend un rythme normal.
    • Temps minimum pour un coiffage.

Conclusion

Face aux agressions (microbiennes, physiques, chimiques), la pulpe, bien que fragile en raison de sa situation, bénéficie d’une structure vasculaire permettant de lutter contre l’inflammation initiale via l’ouverture des shunts artério-veineux radiculaires. Il est crucial de connaître le site d’intervention et les aspects iatrogènes des thérapeutiques pour minimiser les dommages.

Cicatrisation pulpo-dentinaire face à nos thérapeutiques / OCE

  La santé bucco-dentaire est essentielle pour le bien-être général, nécessitant une formation rigoureuse et continue des dentistes. Les étudiants en médecine dentaire doivent maîtriser l’anatomie dentaire et les techniques de diagnostic pour exceller. Les praticiens doivent adopter les nouvelles technologies, comme la radiographie numérique, pour améliorer la précision des soins. La prévention, via l’éducation à l’hygiène buccale, reste la pierre angulaire de la pratique dentaire moderne. Les étudiants doivent se familiariser avec la gestion des urgences dentaires, comme les abcès ou les fractures dentaires. La collaboration interdisciplinaire avec d’autres professionnels de santé optimise la prise en charge des patients complexes. La santé bucco-dentaire est essentielle pour le bien-être général, nécessitant une formation rigoureuse et continue des dentistes.  

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