La Prothèse Piézographique / Prothèse Dentaire

La Prothèse Piézographique / Prothèse Dentaire

La Prothèse Piézographique / Prothèse Dentaire

Introduction

En prothèse totale conventionnelle, on ne tenait compte pour la construction prothétique que d’un espace prothétique empirique. Cet empirisme est tolérable avec les édentations (type I et II) mais jamais avec les édentations (type III et IV) en raison de l’étalement de la langue et le relâchement musculaire.

L’enregistrement piézographique détermine l’espace devant être occupé par la prothèse en ménageant la place nécessaire à la langue ainsi que les muscles des lèvres et des joues dans le but d’obtenir un bon équilibre sans déloger la prothèse.

Définitions

L’espace prothétique

L’espace prothétique est l’espace situé entre la langue d’une part et la sangle buccinato-labiale d’autre part où les forces horizontales exercées par ces organes sont inférieures aux forces de rétention des prothèses qui y sont placées.

La piézographie

P. Klein est le premier qui a apporté le terme de piézographie en odontologie. Piézographie est issue de deux mots grecs :

  • Pizen, qui signifie comprimer
  • Graphien, qui signifie sculpter

La piézographie est le résultat du modelage d’un matériau plastique par la dynamique des organes limitant l’espace prothétique (langue, sangle buccinato-labiale). Au maxillaire, on parle plutôt de semi-piézographie.

Buts de la piézographie

Le modelage par pression permet de déterminer et enregistrer l’espace prothétique utilisable, et par conséquent les modèles des prothèses de telle sorte qu’elles soient le moins sollicitées par les organes para-prothétiques. Elle définit :

  • Le volume de la prothèse.
  • Le volume des éléments dentaires et leur situation.
  • La configuration du modèle des surfaces polies.

Elle permet d’obtenir des prothèses stables et fonctionnelles adaptées à la dynamique musculaire propre à chaque individu.

Indications de la piézographie

L’indication majeure d’une piézographie est l’édentation bimaxillaire ou unimaxillaire mandibulaire à résorptions osseuses importantes donnant des crêtes faibles ou plates, voire négatives.

Ce type de travail peut aussi être préconisé dans le cas de macroglossie ou lorsque le patient est resté très longtemps non appareillé. Son indication s’élargit également aux édentés totaux atteints de paralysie faciale.

Détermination de l’espace prothétique

Le choix de la fonction modelante (phonation ou déglutition) est essentiel.

Modelage par phonation

La phonation est l’activité orale la plus développée. Elle peut s’exercer sans les dents et est la fonction la moins affectée par la perte des structures alvéolaires. C’est également la fonction la plus génératrice de forces horizontales, car elle s’effectue sans contact dentaire neutralisant (contrairement à la déglutition).

La phonation s’effectue arcades non serrées, sans occlusion labiale, ce qui peut éviter l’écrasement de l’espace prothétique.

Inconvénients

Cette méthode ne peut être utilisée avec :

  • Les sourds-muets.
  • Les malades mentaux.
  • Les patients ne pouvant reproduire les phonèmes demandés.

Modelage par déglutition

  • La déglutition stabilise la prothèse.
  • Le modelage par déglutition se fait en un seul temps avec un matériau facile à manipuler.
  • Cependant, les deux activités (langue et sangle) n’étant pas simultanées, il peut y avoir refoulement de la pâte.

La piézographie par déglutition nécessite le port d’une prothèse supérieure, ce qui risque de gêner les mouvements de la langue. Si la prothèse supérieure est supprimée, le contact de la langue et de la sangle buccinato-labiale au moment de la déglutition réduit l’espace prothétique, rendant le montage des dents impossible.

Remarque

Deux piézographies réalisées chez un même patient, l’une par déglutition, l’autre par phonation, donneront deux maquettes piézographiques différentes mais stables toutes les deux.

Technique de détermination de l’espace prothétique

Technique phonétique

Choix des phonèmes

Les phonèmes activant la sangle buccinato-labiale d’une part et la langue d’autre part entraînent une contre-force antagoniste. Le maximum d’efficacité s’obtient en associant voyelles et consonnes.

Consonnes
  • « S » : Son émission nécessite l’étalement de la langue soulevée par le mylo-hyoïdien.
  • « R » : Roulé pour la langue arabe.
  • « DE-TE », « DA-TA » (en arabe) : Prononciation qui s’applique vers le bas et pousse la langue le plus en avant.

Ces trois consonnes agissent essentiellement sur la langue, lui donnant une expansion maximale à l’intérieur des arcades avec une forte pression sur celles-ci.

  • « PE-ME » : Action essentiellement labiale.
Voyelles
  • « I » : Induit la mobilisation de la partie buccinato-commissurale de la sangle buccinato-labiale. Lors de son émission, les modioli sont tirés en arrière par les muscles qui s’y insèrent.
  • « O » : Lors de sa phonation, la dynamique labiale atteint son maximum, l’orifice buccal devient petit et les buccinateurs sont tirés vers l’avant.
  • « E » : Voyelle intermédiaire ; pour sa phonation, la musculature est peu active.
  • « OU » : Pour la langue arabe.

Matériaux utilisés

Les matériaux utilisés sont des résines à prise retardée de la famille des méthacrylates de méthyle :

  • Inaltérables en bouche.
  • Persistance d’un niveau de plasticité suffisant pendant un temps suffisamment long.
  • Durcissement irréversible et permanent permettant la conservation de la forme du moulage.

La résine retard, sous forme poudre-liquide, est préparée et introduite dans une seringue pour être injectée à bonne consistance : ni trop fluide (elle serait chassée), ni trop épaisse (insensible aux actions musculaires).

Technique proprement dite : Piézographie mandibulaire

Création d’une base stable

Une base en résine auto (2 mm d’épaisseur) est réalisée sur un modèle issu d’une empreinte primaire. Cette base doit être stable et satisfaire les tests fonctionnels et phonétiques.

Différentes phases d’enregistrement
  • L’enregistrement se fait sans maquette supérieure.
  • La position de la tête du patient est celle prise dans une conversation.
  • La résine préparée est injectée sur la base à l’aide d’une seringue.
Premier modelage buccinateur-lingual

On commence d’un côté en injectant le produit en poussant délicatement la langue avec le miroir, puis l’opérateur fait répéter au patient les phonèmes piézographiques en rapport avec la région concernée :

  • Français : « SIS » 6 fois et « SO » une fois.
  • Arabe : « SIR » 6 fois et « SOU » une fois.

La phonation est poursuivie jusqu’à ce que le matériau devienne assez rigide pour ne plus se déformer par les organes buccaux.

Ce modelage présente des excès à éliminer :

  • Les fusions en hauteur sont découpées au niveau de la ligne de plus grand contour de la langue.
  • Les fusions en avant de la commissure au repos sont supprimées.
Deuxième modelage lingual

La zone buccinatrice du côté opposé est réalisée comme précédemment, et les excès sont éliminés. La première piézographie partielle buccinatrice est rejetée, car il est possible que le premier contact langue-résine soit contraint, la langue ayant tendance à fuir la résine au début.

Troisième modelage lingual

Il a lieu dans des conditions d’équilibre meilleures que la première fois, car le deuxième modelage est maintenant en place.

Remarque

Les piézographies droite et gauche sont rarement identiques en volume et en forme, ceci est en rapport avec les habitudes masticatrices et l’ancienneté de l’édentation.

Modelage antérieur

Il comporte :

  • Un modelage lingual : Par les phonèmes « DE-TE » (français) ou « DA-TA » (arabe), qui poussent la langue vers l’avant et vers le bas.
  • Un modelage de la région antéro-externe : Par le son « SE » (« SI + SOU » en arabe), qui vient balayer la zone vestibulo-labiale.

Les excès refoulés hors de la cavité buccale par-dessus la lèvre inférieure, dont le bord libre laisse une empreinte concave, sont supprimés.

Transformation de l’enregistrement clinique en une maquette rigide

La piézographie clinique est collée sur le modèle issu de la pré-empreinte. Elle est mise en moufle, et le bourrage s’effectue avec une résine thermo-durcissante transparente. Après démouflage, les bavures sont ôtées, et la piézographie est polie en veillant à ne pas altérer son volume.

Le plan d’occlusion prothétique

La piézographie est amenée à sa hauteur définitive grâce au choix du plan d’occlusion à référence linguo-mandibulaire et non maxillaire (plan de Camper). Ce plan correspond :

  • Côté vestibulaire : Fond du sillon imprimé par les fibres horizontales du buccinateur.
  • Côté lingual : Jonction muqueuse papillée-muqueuse lisse de la langue au repos.
  • Côté antérieur : Parallèle au bord libre de la lèvre inférieure et répondant aux normes esthétiques et phonétiques classiques.
L’empreinte secondaire à la mandibule

La maquette piézographique, constituant un excellent PEI physiologique et fonctionnel (rigidité, respect de la boîte à langue, stabilité, confort du patient), sert à prendre l’empreinte avec un silicone fluide ou un thiocol heavy de préférence.

Note

Dans un souci de simplification, Sanguiolo suggère l’enregistrement en un seul temps avec la lecture d’un texte à haute voix ou en engageant une conversation.

Duplicata de la piézographie

Avant de démouler l’empreinte, des clefs vestibulaires et linguales sont confectionnées en silicone. Après leur prise, les deux clefs élastiques, facilement démontables, sont détachées de la piézographie. On démoule l’empreinte, les clefs sont repositionnées, faisant apparaître l’espace prothétique à l’intérieur duquel est coulée de la cire. Après refroidissement, les clefs sont retirées, laissant le duplicata de la piézographie en cire. Le montage des dents artificielles mandibulaires se fait dans l’espace délimité par les deux clefs.

La semi-piézographie maxillaire

Le modelage maxillaire est semi-piézographique, car seule la région antérieure est concernée par le modelage piézographique afin d’assurer son rôle esthétique et phonétique. Dans la région molaire, l’espace prothétique est la prolongation de l’espace prothétique mandibulaire.

Préparation de la base maxillaire

Réalisée à partir d’une empreinte préliminaire, cette base doit être mince et stable au cours de la phonation.

Recherche d’une pré-dimension verticale de l’étage inférieur

Des cônes en résine auto sont placés à l’état plastique de chaque côté de l’extrados de la plaque palatine au niveau molaire. Le patient, en prononçant plusieurs fois « SIS ; SIR », écrase les cônes en résine sur la maquette piézographique mandibulaire. Après polymérisation, les deux maquettes en contact assurent une pré-dimension de la DVO.

Modelage ou semi-piézographie

Il se fait en deux temps :

  • Partie en arrière des commissures (« mur postérieur ») : Avec la piézographie mandibulaire en bouche, de la résine piézographique est déposée autour des cônes de résine auto qui fixent la dimension verticale phonétique. Le modelage de la résine à ce niveau est assuré par le coroné, qui presse la muqueuse quand la mandibule est animée par des mouvements de latéralité.
  • Partie en avant des commissures (« région antérieure ») :
    • Modelage de la face interne : Par la phonation des post-dentals « DE-TE ».
    • Modelage de la face externe : Par un massage manuel effectué par l’opérateur pour la mise en place esthétique de la lèvre, complété par la prononciation de « ME-MI ».
Transformation de l’enregistrement clinique en une maquette rigide

Repositionnement de la piézographie sur le modèle et mise en moufle.

Empreinte secondaire au maxillaire

Après réalisation d’un joint postérieur, l’empreinte secondaire est prise au thiocol régulier puis coffée et coulée.

Duplicata de la piézographie

Seule une clef vestibulaire est réalisée, englobant le plan d’occlusion. Le montage des dents supérieures sera réalisé sur le duplicata en cire du moulage supérieur. Au stade de l’essayage des maquettes montées, les surfaces polies des régions palatines sont obtenues grâce à un palatogramme du phonème « S ».

Technique par déglutition

Le Pr Heath utilise un gel élastique, le visco-gel, qui est une résine à prise retardée. La technique est relativement simple et rapide, donc plus facilement réalisable en pratique privée.

Le visco-gel est placé sur une base en résine cuite parfaitement adaptée, avec la maquette supérieure en bouche. On demande au patient d’avaler de petites gorgées d’eau (10 ml toutes les 20 secondes pendant 8 minutes), et le matériau est sculpté par la langue, les lèvres et les joues jusqu’à la prise.

Montage des dents

Le montage sera de type non engrené, équilibré. Les exigences du respect d’un couloir prothétique contraignent souvent au meulage des dents postéro-inférieures. On réalise un montage plan sans courbes de compensation (Wilson-Spee) avec une rampe d’équilibration et un sillon d’évacuation.

Piézographie analytique

Définition

La piézographie analytique repose, comme son homologue la piézographie prothétique, sur le modelage d’un matériau plastique par les organes péri-prothétiques, mais ce modelage, au lieu de s’effectuer dans un couloir vide, se réalise sur la structure prothétique qui s’y trouve. La piézographie analytique est donc le moyen de juger une structure par rapport à la dynamique des organes péri-prothétiques.

Indications

  • Elle s’impose en cas d’instabilité marquée d’une prothèse totale mandibulaire.
  • Elle permet de vérifier si la prothèse existante s’inscrit correctement dans le couloir prothétique.
  • Elle est indiquée en implantologie pour objectiver l’espace prothétique.
  • Après pose d’implants, pour contrôler et corriger, jusqu’à un certain point, les défauts de la prothèse implanto-portée.

Technique

Avant de réaliser une piézographie analytique, il faut stabiliser la prothèse à contrôler à l’aide d’une pâte à empreinte placée à l’intrados. L’analyse, faite secteur par secteur, est réalisée sans la prothèse maxillaire en bouche.

Phonèmes à utiliser

  • Régions latérales buccinatrices : 5 fois « SIS », 1 fois « SO ».
  • Région antérieure : « DE », « TE », « SE », jusqu’à la prise du matériau.

Technique proprement dite

  • On mélange une longueur de base et de catalyseur de thiocol jusqu’à obtention d’une pâte homogène.
  • La pâte est déposée sur une des régions latérales de la prothèse.
  • Avec les doigts légèrement mouillés d’un séparateur, on répartit le matériau de manière uniforme sur les dents et la résine.
  • La prothèse est mise en bouche, et le patient est invité à émettre les phonèmes piézographiques pour les régions buccinatrices latérales jusqu’au durcissement du matériau.
  • La même opération est répétée pour l’autre région latérale et pour la région antérieure.

Résultats possibles

Parmi de nombreuses possibilités de répartition du matériau, deux types extrêmes résument l’analyse globale :

  • Matériau uniformément réparti : Le matériau est également présent sur toutes les surfaces de la prothèse, signifiant que celle-ci est bien centrée à l’intérieur de l’espace prothétique et qu’elle n’interfère pas avec le champ d’action des muscles de la langue et des joues.
  • Matériau inégalement réparti : Une masse importante de thiocol repose sur la surface polie buccinatrice, tandis que du côté lingual, les cuspides des dents postérieures apparaissent à travers une fine couche de pâte. Ce type de piézographie analytique traduit une mauvaise localisation de la prothèse à l’intérieur de l’espace prothétique mandibulaire.

Conclusion

La réalisation d’une prothèse amovible complète classique ne peut satisfaire les impératifs d’équilibre prothétique, ni les exigences du patient. En l’absence de toute solution prothétique sur implants, que ce soit pour des raisons anatomiques, médicales, psychologiques ou pécuniaires, la piézographie trouve toute son indication pour une optimisation des fonctions de mastication, phonation et déglutition, et donc à une meilleure intégration psychologique de la prothèse.

Bibliographie

  1. Klein P. Prothèse piézographique, prothèse adjointe totale gériatrique. Paris, 1988.
  2. Nabid A. Traité odontologique de piézologie. ENAG édit, Alger, 2014.
  3. Olivier H. Prothèse complète : réalité clinique, solution thérapeutique. Quintessence international, 2003.
  4. Sangiuolo R, Mariani P, Michel J.F., Sanchez M. Les édentations totales bimaxillaires. Formes cliniques thérapeutiques prothétiques. Paris : Julien Prélat, 1980.

La Prothèse Piézographique / Prothèse Dentaire

  La santé bucco-dentaire est essentielle pour le bien-être général, nécessitant une formation rigoureuse et continue des dentistes. Les étudiants en médecine dentaire doivent maîtriser l’anatomie dentaire et les techniques de diagnostic pour exceller. Les praticiens doivent adopter les nouvelles technologies, comme la radiographie numérique, pour améliorer la précision des soins. La prévention, via l’éducation à l’hygiène buccale, reste la pierre angulaire de la pratique dentaire moderne. Les étudiants doivent se familiariser avec la gestion des urgences dentaires, comme les abcès ou les fractures dentaires. La collaboration interdisciplinaire avec d’autres professionnels de santé optimise la prise en charge des patients complexes. La santé bucco-dentaire est essentielle pour le bien-être général, nécessitant une formation rigoureuse et continue des dentistes.  

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