Les urgences médicales au cabinet dentaire / Pathologies Bucco-Dentaires
Introduction
Les urgences médicales au cabinet dentaire ne sont pas rares et peuvent se produire à tout moment, pouvant ainsi mettre le pronostic vital en jeu et entraver la prestation des soins dentaires. La prise en charge des malades au cabinet dentaire nécessite la connaissance des différentes urgences médicales qui peuvent survenir, pour pouvoir poser le diagnostic précocement et assurer une prise en charge adéquate et rapide, afin d’améliorer la sécurité des patients.
Les urgences médicales
Malaise vagal
C’est le malaise le plus fréquemment rencontré au cabinet dentaire. Il correspond à une hyperstimulation du nerf vague (système parasympathique) responsable d’un :
- Ralentissement brusque de la fréquence cardiaque (bradycardie) ;
- Baisse de la pression artérielle.
Aboutissant ainsi à une hypoperfusion cérébrale.
Facteurs de risques
Le malaise vagal peut être favorisé par :
- Absence de préparation psychologique.
- État de fatigue.
- Jeûne et changement brusque de positions.
- Atmosphère trop chauffée.
- Stress, émotion et douleur vive.
- Peur de l’aiguille et vue du sang.
Diagnostic positif
Les signes évocateurs de ce type de malaise sont perçus par :
- Le praticien : qui peut percevoir une pâleur et des sueurs.
- Le patient : qui a l’impression qu’il va perdre connaissance, la tête qui tourne, un pouls faible, des bouffées de chaleur, des nausées et des troubles visuels (tâches, voile devant les yeux).
Conduite pratique
- Arrêter les soins.
- Libérer les voies aériennes (bouche, nez, gorge).
- Mettre le patient en décubitus dorsal, jambes surélevées (position de Trendelenburg).
- Rassurer le malade.
- Aérer la salle de soin.
- Attouchement des narines avec de l’alcool.
Si l’évolution est favorable avec régression des signes, le praticien peut continuer les suites opératoires. Cependant, si le malaise persiste, il faut injecter du sulfate d’Atropine 0,25 mg en IM ou IV. Il faut toujours éliminer l’infarctus du myocarde devant l’association d’un malaise vagal avec douleurs thoraciques.
Malaise hypoglycémique
L’hypoglycémie est une concentration de glucose dans le sang anormalement basse, c’est-à-dire inférieure à 0,60 g/L. Elle peut survenir chez tout type de patients, et plus particulièrement chez les diabétiques.
Chez le non-diabétique, en cas de jeûne ou régime mal adapté, stress, etc.
Chez le diabétique, en cas de :
- Insuffisance d’apport glucosé.
- Surdosage d’antidiabétique.
- Interaction des antidiabétiques avec autres médicaments (AINS, salicylés).
Diagnostic positif
Les signes évocateurs de ce type de malaise sont perçus par :
- Le praticien : sueurs, pâleurs, changement de comportement du patient (agitation).
- Le patient : sensation de malaise et d’évanouissement, troubles de la vision, sensation de faim.
Conduite pratique
- Arrêter les soins.
- Retirer tous les corps étrangers de la bouche.
Si le patient est conscient :
- Apporter des sucres rapides par voie orale, puis compléter par un apport en sucres lents (pain, gâteaux secs riches en amidon).
- Adresser le patient à son médecin traitant pour réévaluation et, si nécessaire, modification du traitement.
Si le patient n’est pas conscient :
- Mettre le patient en position latérale de sécurité.
- Resucrage parentéral par sérum glucosé à 30 % ou Glucagon 1 mg chez le diabétique.
- Surveillance des fonctions vitales.
- Appeler le SAMU.
Prévention :
- Ne jamais programmer un patient :
- À jeun.
- En fin de journée.
- Sans contrôle de glycémie capillaire.
Accidents allergiques
L’accident allergique est une réaction anormale exacerbée de l’organisme suite à l’injection, ingestion, inhalation ou contact avec certaines substances (allergènes). En anesthésie, les molécules en cause sont essentiellement celles à fonction ester et les adjuvants (sulfites, EDTA, etc.). Ces substances induisent la libération de médiateurs de l’inflammation (histamine), responsables de vasodilatation, contraction de certains muscles lisses et augmentation de la perméabilité vasculaire, entraînant hypotension, œdème et bronchospasme.
Diagnostic positif
Signes cutanés et muqueux (choc chaud) :
- Urticaire : plaques érythémateuses passagères avec chaleur locale et prurit.
- Angio-œdème : au niveau de la langue, lèvres, paupières, pouvant se généraliser à l’ensemble de la face.
Signes respiratoires :
- Rhinorrhée.
- Dyspnée : bronchospasme, œdème laryngé ou œdème pulmonaire avec risque d’asphyxie mortelle.
Signes cardiovasculaires :
- Hypotension, pouls mal perçus.
- Tachycardie ou bradycardie, troubles du rythme.
- Ischémie myocardique.
- Arrêt cardiaque.
Signes digestifs :
- Nausées, vomissements.
- Diarrhée, douleurs abdominales.
Tableau des critères de Sampson et al. :
Une anaphylaxie est probable quand l’une de ces trois situations cliniques apparaît brutalement :
- Installation aiguë (minutes à quelques heures) d’une atteinte cutanéomuqueuse (urticaire, œdème des lèvres, langue, etc.) ET au moins un des éléments suivants :
- Atteinte respiratoire (dyspnée, bronchospasme, stridor, etc.).
- Hypotension artérielle ou signes de mauvaise perfusion d’organes (syncope, collapsus, incontinence).
- Au moins deux des éléments suivants apparaissant rapidement après exposition à un probable allergène (minutes à quelques heures) :
- Atteinte cutanéomuqueuse.
- Atteinte respiratoire.
- Hypotension artérielle ou signes de mauvaise perfusion d’organes.
- Signes gastro-intestinaux persistants (douleurs abdominales, vomissements, etc.).
- Hypotension artérielle après exposition à un allergène connu (minutes à quelques heures) :
- De 1 mois à 1 an : PAS < 70 mmHg.
- De 1 à 10 ans : PAS < 70 + (2 × âge) mmHg.
- De 11 à 17 ans : PAS < 90 mmHg.
- Adulte : PAS < 90 mmHg ou baisse de plus de 30 % par rapport à sa valeur habituelle.

Conduite pratique
- Arrêter les soins.
- Appeler le SAMU.
- Adrénaline 0,1 mg en IM.
- Corticoïde en IM.
- Oxygène de 6 à 9 L/min.
- Position assise si présence de dyspnée.
Prévention :
- Détection des patients à risque avec antécédents d’hypersensibilité immédiate.
- Prudence avec les substances allergènes (bétalactamines, latex, dérivés iodés).
- Prémédication antihistaminique H1 (Atarax).
- Test d’aspiration systématique lors de l’anesthésie locale.
Crises convulsives
Elles se manifestent par une série de contractions involontaires des muscles squelettiques avec perte brutale de connaissance. L’hyperexcitabilité des cellules cérébrales est due à une souffrance cérébrale d’origine :
- Métabolique (hypoglycémie aiguë).
- Respiratoire (hypoxie aiguë).
- Circulatoire (arrêt).
- Toxique (surdosage anesthésique).
Diagnostic positif
Devant :
- Apparition brutale de perte de connaissance.
- Crise généralisée aux quatre membres et au visage.
- Trismus, morsure de la langue, perte des urines.
- Hypersalivation.
Conduite pratique
- Arrêter les soins.
- Appeler le SAMU.
- Libérer les voies aériennes.
- Interposer entre les arcades dentaires un dispositif pour prévenir les morsures de langue (compresses, canule de Guédel).
- Placer le patient en position latérale de sécurité (PLS).
- Prévenir les traumatismes lors des convulsions (protéger la tête).
- Traitement médical si la crise se prolonge : Benzodiazépine (Valium 10 mg) en IM.
- En cas de cyanose, oxygénation au masque.
Inhalation de corps étranger
C’est le passage accidentel d’un corps étranger dans les voies aériennes (larynx, trachée, bronches). Elle se manifeste par une gêne respiratoire importante, avec un risque d’obstruction totale ou partielle des voies aériennes supérieures.
Obstruction totale :
- La victime porte la main à sa gorge.
- Visage rouge.
- Incapacité à parler ou tousser.
- Bouche ouverte, efforts pour inspirer sans que l’air n’entre ni sorte.
Obstruction partielle :
- La victime peut parler.
- Toux importante.
- Respiration maintenue.
- Victime consciente.
Conduite pratique
- Débloquer le corps étranger en provoquant la toux.
- Placer la victime sur le côté et légèrement en arrière.
- Soutenir son thorax avec une main et la pencher en avant.
- Donner 5 claques vigoureuses dans le dos entre les omoplates avec la main ouverte.
- Arrêter les claques dès que la désobstruction est obtenue.
- Manœuvre de Heimlich si l’obstruction persiste :
- Se positionner derrière la victime.
- Enlacer la partie haute de l’abdomen.
- Placer les deux mains (un poing fermé, paume vers le bas, et l’autre main couvrant le poing) sous l’appendice xiphoïde.
- Lors d’une tentative d’expiration de la victime, exercer une compression forte de l’abdomen de bas en haut.

Crises de tétanie
La crise de tétanie ou spasmophilie désigne une contraction involontaire de certains muscles. Elle se reconnaît par l’association d’une hyperventilation (respiration ample et accélérée), de spasmes musculaires, de fourmillements et d’un stress intense. Il n’y a jamais de perte de connaissance.
Signes subjectifs :
- Sensation de malaise, angoisse, paresthésies, fourmillements des extrémités et de la bouche.
Signes objectifs :
- Contractures musculaires (face, membres), « main d’accoucheur ».
Elle est le plus souvent secondaire à des anomalies du métabolisme du calcium (hypocalcémie) et/ou du magnésium.
Conduite pratique
- Arrêter les soins.
- Mettre en décubitus dorsal.
- Libérer les voies aériennes.
- Calcithérapie : Chlorure de calcium (0,50 à 2 g) en IV strict ou substitution en magnésium.
- Dans les formes majeures, hospitalisation.
Arrêt cardio-respiratoire (ACR)
L’arrêt cardio-respiratoire (ACR) se définit comme une inefficacité totale du cœur à générer un débit cardiaque. Le diagnostic doit être porté immédiatement devant l’association :
- Perte de connaissance.
- Arrêt respiratoire.
- Disparition des pouls centraux.
Conduite pratique
- Reconnaître un ACR (diagnostic).
- Alerter une structure médicalisée spécialisée (SAMU, réanimateur de garde).
- Réanimation de base :
- Libérer les voies aériennes (LVA).
- Pratiquer le massage cardiaque externe (MCE) à un rythme d’environ 100 cycles/min.
- Ventilation assistée de type « bouche à bouche », avec une synchronisation de 30 MCE pour 2 ventilations.
- Défibrillation externe.
Prise en charge thérapeutique
Évaluation de la gravité (grandes fonctions vitales)
- Neurologique : par l’évaluation de l’état de conscience.
- Respiratoire : par l’évaluation des mouvements respiratoires, soulèvement du thorax et écoute des bruits de la respiration.
- Circulatoire : par la recherche des pouls.
Les gestes d’urgence
Libération des voies aériennes (LVA)
- Recommandée en cas de gêne respiratoire.
- Desserrer tous les vêtements qui gênent la respiration (chemise, cravate, ceinture).
- Retirer les corps étrangers visibles dans la bouche, y compris les prothèses dentaires décrochées.
- Réaliser une hyperextension du cou en basculant la tête en arrière et élévation du menton.

Position latérale de sécurité (PLS)
- Recommandée en cas d’altération de l’état de conscience avec respiration conservée, tout en respectant l’axe tête-cou-tronc, jusqu’à une reprise de conscience complète.

Principes du massage cardiaque externe (MCE)
- Réalisé par le talon de la main du sauveteur, placé aux 1/3 inférieurs du sternum.
- Compression verticale assurant une dépression sternale de 4 à 5 cm.
- Lors de la décompression, les talons des mains doivent être légèrement soulevés du thorax.
- Fréquence de 100 battements/min.
- Temps de compression et de décompression égaux.

Principes de la défibrillation externe
- Indiquée dans l’arrêt cardiaque en :
- Fibrillation ventriculaire.
- Tachycardie ventriculaire.
- Mise en place de deux électrodes :
- Électrode (-) au bord droit du sternum, 2e espace intercostal.
- Électrode (+) sous-mamelonnaire gauche, 5e espace intercostal.
- Énergie de décharge : 150 à 200 J (défibrillateur biphasique).
La trousse d’urgence
- Tensiomètre + stéthoscope.
- Glucomètre.
- Garrot, seringues, compresses, désinfectant.
- Canules oropharyngées de Guédel (adulte et enfant).
- Bouteille d’oxygène comprimé (150-200 bars) avec manodétendeur (3 bars).
- Masque type « Ambu » englobant bouche et nez, auto-remplisseur avec valve unidirectionnelle.
- Médicaments d’urgence : Sulfate d’atropine, Valium, Adrénaline, Solumedrol, Glucagon, Calcium, Ventoline, Trinitrine, sérum glucosé.
La prévention
- Faire une anamnèse de l’histoire médicale du patient sans négliger son actualisation.
- Réaliser une approche psychologique pour minimiser le stress (prémédication sédative).
- Élaborer des aide-mémoires, cartes ou posters muraux répertoriant les types d’urgences et les mesures appropriées.
- Disposer d’une liste des numéros de téléphone des organismes d’urgences de proximité et des renseignements à fournir.
- Placer la trousse d’urgence dans une zone facilement accessible.
- Vérifier régulièrement la validité du matériel et des médicaments, et les renouveler après péremption.
- Élaborer un protocole de gestion des urgences.
- Formation continue pour améliorer les connaissances des dentistes en reconnaissance et gestion des urgences médicales.
Conclusion
Les urgences qui surviennent dans les cabinets dentaires peuvent causer une grande inquiétude pour les praticiens et le personnel. Une préparation adéquate de ces événements peut contribuer à atténuer une partie de cette anxiété et améliorer la sécurité des patients.
Cela peut être réalisé grâce à une formation continue en médecine d’urgence, car il est de la responsabilité de chaque dentiste d’être préparé et capable de réagir de manière appropriée dans de telles situations. Il est également important de veiller à ce que les trousses d’urgence soient entièrement équipées du matériel et des médicaments nécessaires pour faciliter une gestion efficace des urgences.
Références
- Sofia Haitami et al. Prise en charge des urgences médicales au cabinet dentaire : Enquête auprès des chirurgiens-dentistes au Maroc. Am. J. innov. res. appl. sci. 2023; 16(5): 268-273.
- Guide des urgences médico-chirurgicales 2011.
- Y. Croguennec et al. Les réactions allergiques. Les bonnes pratiques. Urgences 2012.
- Nathalie J. Morin. Les réactions allergiques au cabinet. Le Médecin du Québec, volume 43, numéro 6, juin 2008.
Les urgences médicales au cabinet dentaire / Pathologies Bucco-Dentaires
La santé bucco-dentaire est essentielle pour le bien-être général, nécessitant une formation rigoureuse et continue des dentistes. Les étudiants en médecine dentaire doivent maîtriser l’anatomie dentaire et les techniques de diagnostic pour exceller. Les praticiens doivent adopter les nouvelles technologies, comme la radiographie numérique, pour améliorer la précision des soins. La prévention, via l’éducation à l’hygiène buccale, reste la pierre angulaire de la pratique dentaire moderne. Les étudiants doivent se familiariser avec la gestion des urgences dentaires, comme les abcès ou les fractures dentaires. La collaboration interdisciplinaire avec d’autres professionnels de santé optimise la prise en charge des patients complexes. La santé bucco-dentaire est essentielle pour le bien-être général, nécessitant une formation rigoureuse et continue des dentistes.
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Dr J Dupont, chirurgien-dentiste spécialisé en implantologie, titulaire d’un DU de l’Université de Paris, offre des soins implantaires personnalisés avec expertise et technologies modernes.