Prescription des antalgiques / Pathologies Bucco-Dentaires
Introduction
La douleur dentaire constitue le premier motif de consultation en odontologie. Elle peut survenir avant, pendant et après une intervention, faisant du soulagement de cette douleur une priorité thérapeutique. Une connaissance approfondie des mécanismes de la douleur est indispensable pour reconnaître la sémiologie, établir un diagnostic et proposer une stratégie thérapeutique efficace. Cette efficacité varie en fonction du type de douleur et de l’individu.
Douleur
Définition
Selon l’IASP (International Association for the Study of Pain, juillet 2020), la douleur est une expérience sensorielle et émotionnelle désagréable, associée ou non à une lésion réelle ou potentielle des tissus.

Douleur nociceptive
La douleur nociceptive est déclenchée par une agression de l’organisme (traumatisme, infection, inflammation, maladie, etc.). Les récepteurs sensibles à la douleur, appelés nocicepteurs, sont présents dans tout l’organisme. Lorsqu’ils détectent une situation nocive, ils envoient un message douloureux.
Mécanisme de la douleur nociceptive
- Stimulation des nocicepteurs : Active un message nociceptif périphérique.
- Traitement par le système nerveux :
- Système nerveux périphérique.
- Système nerveux central.
- Modulation de la douleur :
- Amplifiée, inhibée ou modulée par des mécanismes de contrôle.
Mécanisme de contrôle de la douleur

Le contrôle de la douleur repose sur la théorie du gate control :

- La stimulation des fibres Aβ (grand calibre) inhibe les fibres Aδ et C (petit calibre) via un interneurone inhibiteur, bloquant ainsi la voie ascendante de la douleur.
- La plupart des antalgiques agissent en mimant ou renforçant ce contrôle endogène.
Médiateurs périphériques
Les médiateurs périphériques jouent un rôle clé dans la transmission et la modulation de la douleur.
Types de douleur

- Douleurs physiologiques : Réponse normale à un stimulus.
- Douleurs inflammatoires : Liées à une lésion ou inflammation (ex. : cancer, infection, arthrose).
- Douleurs neuropathiques : Résultent d’une lésion nerveuse (ex. : diabète, zona, AVC, SEP, traumatisme).
- Douleurs dysfonctionnelles : Ex. fibromyalgie, colon irritable, stomatodynie.
Comparaison des douleurs nociceptives et neuropathiques
Caractéristique | Nociceptive | Neuropathique |
---|---|---|
Origine | Nocicepteurs | Lésion du système nerveux central ou périphérique |
Début | Dès l’agression | Souvent retardé |
Caractéristiques | Variables, pulsatiles, brûlantes | Décharges électriques, brûlure, fourmillements |
Signes associés | Inflammation locale | Engourdissement, picotements |
Topographie | Localisée | Suivant un territoire nerveux |
Rythmicité | Liée à l’agression | Continue ou paroxystique |
Examen neurologique | Normal | Anormal (hypoesthésie, allodynie) |
Évolution | Aiguë ou chronique | Chronique |
Traitement | Antalgiques classiques, AINS | Antidépresseurs, anticonvulsivants |
Antalgiques
Définition
Un antalgique (du grec anti : contre, algos : douleur) est un médicament symptomatique qui atténue les sensations douloureuses sans agir sur leur cause. Les analgésiques, quant à eux, suppriment la sensibilité à la douleur.

Utilisation
Le choix entre un antalgique et un analgésique dépend du type et de l’intensité de la douleur.
Évaluation de la douleur
Objectifs
- Mesurer la sévérité et le retentissement.
- Suivre l’évolution.
- Initier un traitement symptomatique.
- Évaluer les résultats à court et long terme.
Rôles
- Confirmer l’existence de la douleur.
- Apprécier son intensité.
- Déterminer ses caractéristiques.
- Évaluer l’efficacité du traitement.
- Adapter le traitement.
Méthodes d’évaluation
- Auto-évaluation : Réalisée par le patient.
- Hétéro-évaluation : Effectuée par un soignant, notamment pour :
- Enfants de moins de 6 ans.
- Enfants handicapés.
- Personnes âgées.
Évaluation unidimensionnelle
Chez l’adulte
- Échelle verbale simple :
Réponses verbales | Catégorie |
---|---|
Douleur absente | 0 |
Faible | 1 |
Modérée | 2 |
Intense | 3 |
Extrêmement intense | 4 |
- Échelle visuelle analogique (EVA) : Mesure la douleur sur une échelle de 0 à 100 mm.

Chez l’enfant


- Hétéro-évaluation :
- Échelle NFCS (Neonatal Facial Coding System) : Utilisée pour les nouveau-nés, basée sur les expressions faciales.


Évaluation multidimensionnelle
Auto-évaluation
- Questionnaire DN4 : Diagnostique les douleurs neuropathiques.
- Question 1 : La douleur présente-t-elle des caractéristiques comme brûlure, froid douloureux, décharges électriques ?
- Question 2 : La douleur est-elle associée à des fourmillements, picotements, engourdissement, démangeaisons ?
- Question 3 : La douleur est-elle localisée dans un territoire précis ?
- Question 4 : La douleur est-elle provoquée ou augmentée par le frottement ?
Contre-indications et effets indésirables
Il est essentiel de prendre en compte les contre-indications et les effets indésirables des médicaments avant leur prescription.
Palier OMS

Palier 1 : Antalgiques non morphiniques
Classe chimique | DCI | Spécialités | Présentation | Posologie |
---|---|---|---|---|
Pyrimates | Acide niflumique | Nifluril | Gél 250 mg, Supp 700 mg | 3 gél/j, 1 supp x 2/j |
Inhibiteurs sélectifs COX-2 | Célécoxib | Célébrex | Gél 100 et 200 mg | 200 mg/j, max 400 mg/j en 2 prises |
Palier 2 : Morphiniques mineurs
Antalgiques morphinomimétiques mineurs
- Codéine :
- Associée au paracétamol (30 mg codéine + 500 mg paracétamol).
- Réservée aux adultes, toutes les 6 heures.
- Contre-indication : Enfants de moins de 12 ans (FDA 2013, SFAR 2013, ANSM 2016).
- Tramadol :
- Tramadol seul : Dose d’attaque 100 mg, puis 50-100 mg toutes les 4-6 heures (max 400 mg/j).
- Tramadol + paracétamol : Réservé aux adultes et adolescents (>12 ans), dose initiale 2 comprimés/j (325 mg paracétamol + 37,5 mg tramadol).
Palier 3 : Morphiniques majeurs
Opioïdes forts | Forme galénique | Règles et durées de prescription |
---|---|---|
Morphine | Orale à libération prolongée (Moscontin, Skenan LP, Kapanol LP) | Ordonnance sécurisée : 28 jours |
Morphine | Orale à libération immédiate (Actiskenan, Sevredol) | Ordonnance sécurisée : 28 jours |
Morphine | Injectable (1 mg/ml à 400 mg/10 ml) | Ordonnance sécurisée : 7 jours (ou 28 jours pour perfusions) |
Fentanyl | Dispositif transdermique, transmucqueux (Actiq) | Ordonnance sécurisée : 28 jours |
Hydromorphone | Gélules LP (Sophidone LP) | Ordonnance sécurisée : 28 jours |
Oxycodone | Comprimés LP (Oxycontin LP) | Ordonnance sécurisée : 28 jours |
Caractéristiques des opioïdes
Médicament | Solubilité/Métabolisme | Début d’action/Durée | Demi-vie | Puissance vs Morphine | Commentaires |
---|---|---|---|---|---|
Codéine | Lipophile, CYP2D6 | 30-45 min, 4 h | 2,5-3 h | 50 % | Prodrogue, variations génétiques |
Hydrocodone | Lipophile, CYP2D6 | 20-30 min, 4-8 h | 2,5-4 h | 100 % | Prodrogue |
Hydromorphone | Hydrophile, Glucuronidation | 15-30 min, 3-4 h | 2-3 h | ~700 % | Très apprécié par les toxicomanes |
Morphine | Hydrophile, Déméthylation/Glucuronidation | 15-60 min, 3-6 h | 2 h | – | Interactions médicamenteuses possibles |
Oxycodone | Hydrophile, Glucuronidation, CYP2D6 | 15 min, 3-4 h | 2,5-3 h | 150 % | Très apprécié par les toxicomanes |
Oxymorphone | Lipophile, Glucuronidation | 5-15 min, 3-6 h | 7-9 h | ~300 % | – |
Tapentadol | Lipophile, Glucuronidation | 32 min, 4-6 h | 4 h | ~50 % | Double mécanisme : agoniste μ + inhibiteur recapture noradrénaline |
Prescription chez l’enfant
- Respecter le poids : Dosage strictement basé sur le poids de l’enfant.
- Formes galéniques adaptées : Choisir des formes adaptées à l’âge (ex. sirop, suppositoires).
- Administration régulière : À heures fixes, non à la demande.
- Contre-indication : Formes sèches (gélules, comprimés) pour les enfants de moins de 6 ans.
Antalgiques non morphiniques
Paracétamol
- Dose maximale : 60 mg/kg/jour.
- Administration : Systématique, anticipée, non à la demande.
- Voie rectale : À éviter (biodisponibilité faible et imprévisible, ANSM 2009). Préférer la voie orale.
AINS à action antalgique
Substance active | Tmax (h) | Demi-vie (h) | Âge minimum AMM | Formes | Posologie par prise | Posologie quotidienne |
---|---|---|---|---|---|---|
Ibuprofène | 1,5 | 2 | 3 mois | Suspension buvable, Comprimés, Suppositoires | 7,5 mg/kg | 30 mg/kg/j |
Kétoprofène | 1-1,5 | 3,6 | 6 mois | Sirop | 0,5 mg/kg | 2 mg/kg/j |
Acide tiaprofénique | 1,5 | 2 | 4 ans | Comprimés | 3 mg/kg | 10 mg/kg/j |
Acide niflumique | 2 | 4-6 | 6 mois | Suppositoires | – | 40 mg/kg/j |
Prescription chez la personne âgée
- Paracétamol : Antalgique de première intention, bien toléré, maximum 3 g/jour.
- AINS :
- Utilisation en cures courtes uniquement.
- Risque accru d’effets indésirables (notamment rénaux).
- Contre-indiqués en cas de traitement anticoagulant.
Grossesse et allaitement
Modifications pharmacocinétiques
Chez la femme enceinte, des changements affectent :
- L’absorption.
- La distribution.
- Le métabolisme.
- L’élimination.
Risques
Certains médicaments peuvent être :
- Tératogènes ou embryotoxiques (risque de fausse couche au 1er trimestre).
- Fœtotoxiques (risques au 2e et 3e trimestre).
Principes de prescription
- Privilégier la monothérapie.
- Utiliser la dose minimale efficace.
- Choisir des molécules à courte demi-vie.
- Évaluer la balance bénéfice-risque en fonction de la période de grossesse et des données scientifiques.
- Réévaluer régulièrement la posologie et la nécessité du traitement.
Référence : Antalgie médicamenteuse et grossesse, Suisse, 27 juin 2012.
Conclusion
Le choix des antalgiques en stomatologie représente un défi. La prise en charge de la douleur doit avant tout reposer sur un traitement étiologique. Une compréhension approfondie des mécanismes de la douleur, une évaluation rigoureuse, ainsi qu’une connaissance des risques, effets indésirables et contre-indications des médicaments sont essentielles avant d’initier un traitement analgésique.
Prescription des antalgiques / Pathologies Bucco-Dentaires
La santé bucco-dentaire est essentielle pour le bien-être général, nécessitant une formation rigoureuse et continue des dentistes. Les étudiants en médecine dentaire doivent maîtriser l’anatomie dentaire et les techniques de diagnostic pour exceller. Les praticiens doivent adopter les nouvelles technologies, comme la radiographie numérique, pour améliorer la précision des soins. La prévention, via l’éducation à l’hygiène buccale, reste la pierre angulaire de la pratique dentaire moderne. Les étudiants doivent se familiariser avec la gestion des urgences dentaires, comme les abcès ou les fractures dentaires. La collaboration interdisciplinaire avec d’autres professionnels de santé optimise la prise en charge des patients complexes. La santé bucco-dentaire est essentielle pour le bien-être général, nécessitant une formation rigoureuse et continue des dentistes.
Prescription des antalgiques / Pathologies Bucco-Dentaires

Dr J Dupont, chirurgien-dentiste spécialisé en implantologie, titulaire d’un DU de l’Université de Paris, offre des soins implantaires personnalisés avec expertise et technologies modernes.