DENT ET SINUS / Pathologies Bucco-Dentaires
Introduction
La sinusite maxillaire d’origine dentaire représente un pourcentage non négligeable des affections bucco-dentaires, en raison de l’intimité des rapports entre les dents et le plancher sinusien. La prise en charge des patients nécessite une collaboration étroite entre le chirurgien-dentiste et l’otorhinolaryngologiste pour établir un diagnostic précoce et un plan de traitement précis.
Définition
Sinus
Cavité creusée naturellement dans un os ou un organe. Au niveau de la face, ce sont des cavités aérées creusées dans l’os.
Sinus maxillaire
Deux cavités pneumatiques symétriques occupant la partie centrale des deux os maxillaires, comparables à une pyramide quadrangulaire.
Embryologie
Le sinus maxillaire se forme dès la 12e semaine de la vie intra-utérine par l’invagination de l’épithélium tapissant la cavité nasale primitive. Son volume augmente considérablement durant l’enfance jusqu’à l’âge de 12 ans. Sa croissance se termine vers 16 ans, après l’apparition des dents définitives.
Rappel anatomique
Anatomie descriptive
Le sinus maxillaire est une cavité osseuse aérée de forme pyramidale, comportant :
- Sommet latéral : processus zygomatique.
- Paroi supérieure : paroi inférieure de l’orbite.
- Paroi inférieure (plancher sinusien) : processus alvéolaire du maxillaire.
- Base médiale : paroi latérale de la cavité nasale.
- Paroi postérieure : fosse ptérygo-maxillaire.
Le sinus maxillaire s’ouvre dans la cavité nasale par un ostium situé dans le méat moyen.
Vascularisation et innervation
- Artères : principalement issues de l’artère maxillaire interne (artère sphéno-palatine, artère alvéolaire).
- Veines : satellites des artères, drainées vers le plexus veineux ptérygo-maxillaire.
- Nerfs : issus du nerf maxillaire supérieur (nerfs alvéolaires supérieurs, postérieurs et moyens).
Rapport des dents avec le sinus
Le plancher du sinus maxillaire est en relation avec l’apex des dents antrales : 1ère molaire, 2e molaire, 2e prémolaire, 3e molaire, rarement 1ère prémolaire, exceptionnellement la canine.
Histologie
La muqueuse du sinus maxillaire (membrane de Schneider) est de type respiratoire, composée d’un épithélium prismatique pseudostratifié avec :
- Cellules ciliées.
- Cellules caliciformes.
Le tissu conjonctif sous-jacent est riche en glandes séro-muqueuses et vaisseaux.
Physiologie
Fonctions intrinsèques
- Ventilation sinusienne : échanges gazeux entre le sinus et les fosses nasales.
- Drainage : évacuation des sécrétions normales et pathologiques.
Ces fonctions sont assurées par :
- La muqueuse sinusienne (activité sécrétoire et ciliaire).
- L’ostium (passage de l’air et évacuation des sécrétions).
Autres rôles
- Protection et isolation thermique.
- Résonateur.
- Conditionnement de l’air inspiré et régulation de la pression nasale et naso-pharyngée.
Sinusite maxillaire d’origine dentaire
Définition
Inflammation de la muqueuse sinusienne sans atteinte de l’os sous-jacent, pouvant être aiguë ou chronique, consécutive à l’infection d’une dent antrale.
Pansinusite : inflammation de l’ensemble des sinus de la face.
Étiopathogénie
Facteurs déterminants
- Infections dentaires (infections apicales aiguës ou chroniques, kystes infectés).
- Parodontites profondes.
- Dents enclavées ou en désinclusion.
- Causes iatrogènes : traitements endodontiques inadéquats, pâte obturatrice débordante, implants.
- Causes traumatiques : hématome du sinus consécutif à une fracture du maxillaire.
Facteurs favorisants
- Relation dent-sinus.
- Causes générales : immunodépression (toxicomanie, corticothérapie).
- Causes anatomiques : déviation de la cloison nasale.
Pathogénie
L’infection dentaire se propage au sinus par :
- Continuité : apex en contact étroit avec le sinus.
- Ostéite : infection progressive de proche en proche.
- Contiguïté : passage dans les canalicules intra-osseux.
- Effraction directe : lors d’une extraction.

Bactériologie
Infection polymicrobienne :
- Anaérobies : prédominants (peptostreptococcus, fusobactériums).
- Aérobies : streptococcus pneumoniae, staphylococcus aureus.
- Autres : haemophilus parainfluenzae, entérobactéries.
Examen clinique
Interrogatoire
Préciser les caractères de la douleur : localisation, moment, manifestation.
Points douloureux :
- Région de la tubérosité, région zygomato-malaire, région du nerf infra-orbitaire.
- Irradiation : arcade dentaire, région temporale.
- Zone d’excitation.
- Troubles de la sensibilité.
- Troubles vasomoteurs (écoulement nasal, larmoiement).
Examen dentaire
- Examen des dents sinusiennes : caries, obturations, teinte des dents, tests thermiques, percussion.
- Examen des muqueuses et des gencives.
Examens complémentaires
- Orthopantomogramme, rétro-alvéolaire.
- Incidence Blondeau (nez-menton).
- TDM (coupes axiales et coronales), Cone Beam.
- Endoscopie ou sinusoscopie.
Formes cliniques
Empyème du sinus
Rare, ouverture brutale d’une collection purulente d’origine dentaire dans le sinus.
- Période dentaire aiguë : signes de desmodontite aiguë, cellulite vestibulaire.
- Période sinusienne : arrêt brutal de la douleur, mouchage unilatéral avec cacosmie.
Sinusite maxillaire aiguë
- Syndrome général : fièvre, asthénie.
- Signes fonctionnels :
- Unilatéralité de l’infection.
- Rhinorrhée fétide, cacosmie homolatérale.
- Douleurs dentaires et sinusiennes intenses, périodiques, disparaissant avec l’évacuation du pus.
- Palpation : trois points douloureux (trou orbitaire, fosse canine, tubérosité).
- Rhinoscopie antérieure : congestion des cornets, sécrétions purulentes obstruant la fosse nasale.
- Radiographie (Blondeau) : opacité homogène du sinus atteint.
- Évolution : sans traitement, risque de pansinusite ou de chronicisation.
Sinusite maxillaire chronique
Forme la plus fréquente et difficile à diagnostiquer en raison de sa symptomatologie polymorphe.
- Signes fonctionnels :
- Mouchage purulent unilatéral, surtout matinal.
- Cacosmie subjective unilatérale, surtout matinale.
- Sinusalgie maxillaire variable (inconstante).
- Signes généraux : absents, asthénie et amaigrissement possibles dans les formes évoluées.
- Autres signes : pharyngite, gêne laryngée, crachats purulents.
- Examen clinique :
- ORL : rhinoscopie antérieure (écoulement purulent par le méat moyen, congestion muqueuse nasale).
- Stomatologique : recherche de mortification pulpaire, parodontopathies, dents incluses.
- Examens radiologiques :
- Bilan dento-alvéolaire : confirme l’étiologie dentaire (granulome, kyste radiculaire). Radio panoramique pour dépistage, rétro-alvéolaire pour précision.
- Bilan sinusien : Blondeau, TDM (opacité homogène du sinus).
- Évolution : sans traitement, risque de fistulisation, abcès de voisinage, cellulites cervicales, thrombophlébite du sinus caverneux, abcès cérébral.
Diagnostic
Diagnostic différentiel
- Tumeurs malignes : carcinome de la méso-structure (opacité sinusienne chez l’homme après 50 ans).
- Tumeurs bénignes : kystes folliculaires, améloblastome, kyste épidermoïde.
- Sinusites spécifiques : tuberculose, syphilis (sérologie, examens mycologiques).
- Sinusite allergique : bilatérale, saisonnière.
Diagnostic positif
Basé sur l’interrogatoire, les données cliniques, radiologiques, la ponction et les données biologiques.
Diagnostic étiologique
Basé sur l’examen stomatologique des dents antrales.
Traitement
Traitement prophylactique
- Motivation à l’hygiène bucco-dentaire.
- Traitement endodontique adéquat.
Traitement curatif
Traitement médical
- Antibiothérapie : probabiliste initialement (amoxicilline + acide clavulanique, 10 jours). En deuxième temps, ajustement par antibiogramme.
- Antalgiques : pour lutter contre la douleur.
- En cas d’allergie : macrolides (clarithromycine, azithromycine), pristinamycine, céphalosporines.
Traitement dentaire
- Conservateur : absence de lésion chronique suppurée, état dento-parodontal et général conservés.
- Radical : avulsion (dent délabrée, lésion osseuse périapicale étendue, patient non motivé).
Traitement chirurgical
- Intervention de Caldwell-Luc : abord du sinus maxillaire par la fosse canine, parfois complété par une contre-ouverture méatale inférieure.
- Microchirurgie endonasale : méatotomie inférieure ou moyenne.
Communication bucco-sinusienne
Définition

Solution de continuité ostéo-muqueuse entre la cavité buccale et le sinus maxillaire, intéressant trois plans :
- Superficiel : buccal.
- Intermédiaire : os.
- Profond : sinusien.
Étiologie
Causes déterminantes
Causes iatrogènes
- Effraction liée à un geste excessif (curette, syndesmotome).
- Extraction de dents avec lésions apicales chroniques ou parodontite.
- Avulsion chirurgicale de dents dévitalisées, enclavées, incluses ou refoulées.
- Résection apicale.
- Pose d’implant.
Lors d’un traitement chirurgical
- Exérèse d’un kyste radiculaire refoulé dans le sinus.
- Traitement d’une tumeur maligne.
- Intervention de Caldwell-Luc compliquée d’une fistule bucco-sinusienne.
Causes pathologiques
- Tumeurs malignes ou bénignes à malignité locale, affections chroniques ostéolytiques (tuberculose, syphilis).
- Ostéoradionécrose du maxillaire supérieur (rare en raison de la bonne vascularisation).
Causes favorisantes
- Infection apico-dentaire entraînant une ostéite localisée.
- Sinus maxillaire volumineux avec racines juxta- ou intra-sinusiennes.
Clinique
- Signes cliniques :
- Reflux de liquide ou pus par le nez.
- Fuite d’air buccale par le nez (mouchage, épistaxis, voix nasonnée).
- Examen local :
- Manœuvre de Valsalva : sifflement caractéristique avec bulles d’air, pus ou sang.
- Épreuve de soufflement : air s’échappant par le nez.
Examens complémentaires
- Rétro-alvéolaire : évaluation des dents adjacentes, visualisation du trajet de la communication.
- Panoramique dentaire : dépistage des atteintes dentaires.
- Blondeau : état du sinus.
- TDM : bilan de la muqueuse sinusienne, topographie des corps étrangers.
Thérapeutique
Traitement préventif
- Examen radiologique préalable aux interventions sinusiennes.
- Refroidissement des lésions inflammatoires avant extraction.
- Extraction atraumatique.
- Alvéolectomie en cas d’extraction difficile.
- Éviter la recherche acharnée d’une racine intra-sinusienne.
- Curetage alvéolaire doux.
- Éviter les irrigations alvéolaires nocives.
- Interdiction de fermer immédiatement sans s’assurer de l’absence d’infection sinusienne.
- Interdictions au patient :
- Bains de bouche violents.
- Mouchage.
- Succion de l’alvéole.
- Gonflement des joues.
- Exploration instrumentale de la communication.
Traitement curatif
Sutures
- Communication récente, réduite, localisée : plastie simple par sutures.
- Décollement de la muqueuse palatine et vestibulaire pour rapprocher les berges.
- Traction, affrontement et sutures sans tension.
Moyens prothétiques
- Prothèse simple provisoire en résine sans obturateur pour :
- Isoler le sinus sain de la cavité buccale septique.
- Protéger et conserver le caillot alvéolaire.
- Favoriser la cicatrisation.
Procédés chirurgicaux

- Autoplastie : fermeture du plan profond.
- Lambeau vestibulaire ou palatin pour le plan superficiel.

Indications
- Sinus sain, petite perforation :
- Abstention, suture, conseils postopératoires stricts, surveillance.
- Sinus sain, perforation importante :
- Fermeture par suture, autoplastie immédiate, protection par plaque.
- Sinus infecté :
- 1er temps : éradication du foyer infectieux dentaire, traitement médical (antibiothérapie, corticothérapie, lavages), contrôle clinique et radiologique.
- 2e temps : traitement chirurgical.
Conclusion
- Une origine dentaire doit être suspectée en cas de sinusite unilatérale.
- Une anamnèse de douleurs dentaires ou de geste dentaire récent doit être recherchée pour augmenter la probabilité du diagnostic.
- Un diagnostic précoce et un traitement approprié permettent d’éviter des complications graves.
DENT ET SINUS / Pathologies Bucco-Dentaires
La santé bucco-dentaire est essentielle pour le bien-être général, nécessitant une formation rigoureuse et continue des dentistes. Les étudiants en médecine dentaire doivent maîtriser l’anatomie dentaire et les techniques de diagnostic pour exceller. Les praticiens doivent adopter les nouvelles technologies, comme la radiographie numérique, pour améliorer la précision des soins. La prévention, via l’éducation à l’hygiène buccale, reste la pierre angulaire de la pratique dentaire moderne. Les étudiants doivent se familiariser avec la gestion des urgences dentaires, comme les abcès ou les fractures dentaires. La collaboration interdisciplinaire avec d’autres professionnels de santé optimise la prise en charge des patients complexes. La santé bucco-dentaire est essentielle pour le bien-être général, nécessitant une formation rigoureuse et continue des dentistes.
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Dr J Dupont, chirurgien-dentiste spécialisé en implantologie, titulaire d’un DU de l’Université de Paris, offre des soins implantaires personnalisés avec expertise et technologies modernes.
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