La pathologie des tissus durs de la dent – Odontologie Conservatrice et Endodontie
Introduction
La pathologie des tissus durs de la dent peut avoir plusieurs étiologies, cependant la lésion carieuse reste de loin la plus fréquente et la plus répandue, c’est un véritable fléau social.

Définition
La lésion carieuse peut se définir comme un processus pathologique entraînant la destruction des tissus durs de l’organe dentaire par déminéralisation acide, elle affecte l’émail, la dentine et le cément, allant d’une perte minérale initiale, indétectable cliniquement, à la destruction totale des tissus. L’apparition de ces lésions, leur rapidité d’évolution, dépend de plusieurs facteurs, dont les principaux sont la structure et la composition des tissus minéralisés concernés. Une dent détruite par une carie cervicale.

Le schéma général d’apparition de la pathologie carieuse
Le schéma de Keyes nous explique que la carie ne peut se développer sans l’interférence de quatre facteurs :
- L’alimentation : riche en acides, elle favorisera la déminéralisation de l’émail. Riche en sucres et faite de grignotages constants, ou au contraire équilibrée, elle favorisera ou limitera la plaque dentaire.
- L’hôte : certains d’entre nous sont plus fragiles que d’autres ; les dents dont l’émail est mince, mal minéralisé, résisteront moins bien aux acides de la plaque bactérienne. Des dents au relief accentué, mal positionnées, retiendront plus facilement les débris alimentaires et favoriseront l’accumulation de plaque bactérienne.
- Plaque dentaire bactérienne : plus de 60 à 70 espèces de bactéries différentes cohabitent dans la bouche de l’homme. Un milieu buccal riche en ces bactéries présentera d’autant plus de risques de développer des caries. Après un apport en sucre, le pH de la salive met un certain temps à retrouver une valeur normale. Si le pH est maintenu sous le seuil pendant une période prolongée, le risque de carie augmente. Il faut donc essayer de regrouper les aliments sucrés dans la journée et éviter le grignotage afin de minimiser les risques.
- Le temps : l’évolution de la carie dépend du temps pendant lequel les trois facteurs précédents peuvent interagir.
Facteurs favorisants la carie dentaire
- Mauvaise hygiène bucco-dentaire : il est indispensable d’enlever la plaque dentaire au fur et à mesure de sa formation pour garder des dents saines.
- Consommation excessive de sucres : un apport continu de nutriments permet aux bactéries d’être actives en continu.
- Fumer : le tabac diminue la vascularisation, ce qui rend moins actives les défenses immunitaires locales.
- Problème local : hyposyalie (manque de salive), pouvant faire suite à une irradiation locale (suite à une radiothérapie ORL) ; mauvaise minéralisation des dents.
- Maladies générales : diabète sucré, hyperthyroïdie, hyperparathyroïdie.
Carie de l’émail
Rappels sur la structure de l’émail
Cliniquement, l’émail sain apparaît lisse, brillant et extrêmement dur, il est formé de cristaux d’hydroxyapatites appelés prismes et séparés par des espaces interprismatiques formés essentiellement d’eau et de matériel organique.
Composition chimique
L’émail est le tissu le plus minéralisé de l’organisme, il comprend 96 % de sels minéraux, le reste est constitué de 3 % d’eau et 1,7 % d’éléments organiques.
Topographie
La carie prend naissance à la suite d’une stagnation alimentaire, là où la plaque peut se constituer ; anfractuosités (sillons et fossettes), elle prend naissance aussi sur les surfaces lisses (face proximale sous le point de contact et sur le collet). Elle débute exceptionnellement sur les surfaces soumises de façon incessante au brossage alimentaire (pointes cuspidiennes et face vestibulaire).

Anatomie pathologique
Aspect macroscopique
La carie au niveau de l’émail se manifeste dans les premiers stades par des modifications de coloration sans aucune perte de substance cliniquement décelable. Cette tâche se développe par un processus diffus, situé immédiatement en dessous et parallèlement à la surface de l’émail, elle peut ou non se colorer (jaunâtre ou brunâtre). Ces tâches ont trois sites principaux :
- Au niveau du collet sous forme d’un croissant bordant la gencive.
- Sur les faces proximales, prenant l’aspect d’un triangle bordant les dents adjacentes.
- Dans les sillons occlusaux et marginaux.
Aspect microscopique
Quel que soit la localisation de la lésion carieuse initiale de l’émail, sa progression à partir d’une surface lisse se fait en cône dont la base se situe à la surface et à partir d’un sillon ou d’une anfractuosité, la base se situe à la JAD. On distingue 4 zones définies par DARLING et reprises par SILVERSTONE :
Zone translucide
C’est le front de progression de la lésion, elle n’est observée que dans 50 % des cas, les altérations de cette zone se traduisent par l’apparition d’espaces ou de pores aux jonctions des prismes, la perte minérale est de 1,2 %.
Zone sombre ou opaque
La perte de substance minérale est estimée à 6 %, sa porosité est plus fine que celle de la zone translucide, cette réduction de taille des pores dans une zone normalement plus déminéralisée est le résultat d’une reminéralisation spontanée. Cette zone sombre est particulièrement développée dans les caries à progression lente, où les processus de reminéralisation se font sur un long laps de temps.
Corps de la lésion
Avec une réduction de 24 % de sa zone minérale, cette zone se caractérise par la mise en évidence accrue des structures prismatiques, l’importante perte en matière minérale est remplacée par de l’eau et du matériel organique venant de la salive.
Zone de surface
Une des caractéristiques de la lésion carieuse initiale est la présence d’une couche de surface apparemment intacte surplombant le corps de la lésion, cette zone est plus fine dans les caries actives et plus épaisse dans les caries arrêtées, selon KIDD, son volume poreux est inférieur à 5 %.
Symptomatologie
La carie de l’émail est souvent de découverte fortuite, elle peut se présenter au niveau des sillons, fossettes, sous forme de petites anfractuosités brune noirâtre, sur les surfaces lisses, elle a l’aspect d’une tâche crayeuse ou brun foncé. L’examen à la sonde nous montre que la dent est insensible, en plus la sonde révèle une rugosité car le poli de l’émail a disparu, la lésion est donc indolore. Les signes fonctionnels sont en général nuls, la carie de l’émail étant le plus souvent associée à une atteinte dentinaire superficielle, on observe des douleurs provoquées au froid, sucre et au chaud “c’est la sensibilité d’alarme de FREY”.
Diagnostic différentiel
Il se fait avec :
- Les tâches alimentaires.
- Les tâches dues au tabac.
- Les mylolyses ou atteinte de l’émail qui sont acquises ou évolutives.
- Fracture de l’émail (fond lisse et poli, pas de cavité ni de dentine ramollie).
- Les abrasions dentaires.
Carie de la dentine
Rappel sur la structure de la dentine
La dentine est un tissu conjonctif, minéralisé, mais avasculaire, elle est traversée sur toute son épaisseur par des tubules renfermant des prolongements cellulaires dont le corps est situé en périphérie du mésenchyme pulpaire en regard de la dentine. Le degré de minéralisation de la dentine n’est pas homogène, il existe en effet autour de la lumière tubulaire, un manchon de dentine péritubulaire hyperminéralisée qui se distingue de la dentine intertubulaire ; et c’est cette dentine péritubulaire qui sera détruite en premier lors des attaques acides.
Composition chimique
La dentine constitue la masse essentielle de la dent et bien qu’elle soit plus minéralisée que l’os, elle l’est nettement moins que l’émail, environ 70 % de matière minérale et 30 % de substance organique. Elle comprend tout comme l’émail des apatites auxquelles s’ajoutent des carbonates de Ca et de Mg.
Topographie
La dentine est recouverte par l’émail au niveau coronaire et par le cément au niveau radiculaire, les sites de la carie sont les mêmes que ceux de l’émail.

Anatomie pathologique
Aspect macroscopique
Une fois l’épaisseur amélaire traversée, la lésion carieuse s’étend latéralement le long de la JAD minant ainsi l’émail sain en surplomb et aboutissant à une lésion plus étendue, elle progresse également en profondeur, en direction de la pulpe en suivant l’axe des tubuli dentinaires, la lésion prend donc la forme d’un cône dont la base suit la JAD et le sommet est tourné vers la pulpe.

Aspect microscopique
On distingue cinq zones qui vont de la surface vers la profondeur :
Zone nécrotique « zone décomposée »
Elle consiste en une destruction du tissu dentinaire et de son réseau tubulaire, on y trouve un mélange de plaque bactérienne et de matrice collagénique désintégrée par l’activité bactérienne protéolytique.
La zone infectée ou « zone d’invasion bactérienne »
Située sous la précédente, caractérisée par une atteinte de l’émail péritubulaire et la présence de nombreuses bactéries dans les tubuli qui peuvent être isolées ou sous forme d’agrégats.
La zone affectée ou « zone de déminéralisation »
Les sels minéraux sont partiellement dissous, mais avec préservation de la morphologie péri et intertubulaire, il existe des bactéries dans les tubules mais de plus en plus rares en direction de la pulpe.
Dentine sclérosante ou « opaque »
Elle est caractérisée par une réduction progressive du diamètre de la lumière tubulaire, pouvant même aboutir à l’obturation complète du tubule et constituant une barrière à l’invasion bactérienne, cette zone est parfois appelée dentine translucide ou transparente car les tubules acquièrent un indice de réfraction similaire à la dentine avoisinante.
Dentine saine
Elle présente une architecture conservée.
Progression de la carie de la dentine
La carie non traitée continuera à évoluer pour atteindre la pulpe et aboutir à une pulpite ou une nécrose pulpaire.
Étude clinique
Les formes cliniques
Selon le mode d’évolution
Il existe trois types :
- Carie à évolution rapide : appelée aussi carie aiguë ou carie humide de BODECKER, on la rencontre fréquemment sur des dents jeunes immatures et chez les adolescents ; ces sujets possèdent une dentine dont les tubuli sont largement ouverts (enfants : 3,2 μm, adultes : 1,6 μm, vieux : 1,2 μm). Lors d’une attaque virulente, les défenses du complexe pulpo-dentinaire sont rapidement débordées ne permettant pas la construction des remparts biologiques, on assiste à un arrêt de la dentinogénése, la prolifération bactérienne est très rapide, entraînant une altération de la pulpe, la cavité de carie contient beaucoup de dentine décalcifiée de couleur claire.
- Carie à évolution lente ou chronique : on la rencontre chez l’adulte, la dentine ramollie est en petites quantités et de couleur brune, la dentinogénése s’effectue normalement, la lésion est indolore.
- Carie sèche ou stoppée : on a une absence de dentine ramollie, le fond est brun, sec et brillant, la lésion évolue vers un mode cicatriciel, elle s’observe sur les dents permanentes ou temporaires.
Selon la profondeur
- Dentinite superficielle : c’est une carie réduite (< à 2 mm) à un simple point de carie au niveau des sillons et fossettes, les douleurs sont provoquées par absorption de boissons chaudes et froides, très rarement les acides et les sucres, l’intensité de la douleur est faible, de courte durée, elles naissent et disparaissent immédiatement après l’arrêt du stimulus.
- Dentinite profonde : il s’agit d’une cavité de carie plus ou moins volumineuse (> 2 mm) contenant des débris alimentaires et de la dentine ramollie, les douleurs sont provoquées par le chaud, froid, sucres et acides, elles sont de faible intensité et le test à la pression est négatif.
- Dentinite avancée : c’est un stade intermédiaire entre les dentinites et les pulpopathies, c’est une cavité volumineuse, les douleurs sont provoquées, mais d’intensité plus importante et durent un moment après l’arrêt du stimulus.
Symptomatologie
À l’opposé de la carie de l’émail qui est indolore, la dentinite présente des signes tels que la douleur qui est :
- D’intensité faible ou vive.
- Localisée.
- Provoquée par le sucre, acide et variations thermiques, aussi à la mastication pour les cavités proximales.
Cette carie se présente au niveau des sillons (dentinites superficielle et profondes) ou sous forme de cavités globuleuses (dentinite avancée), les bords de l’émail sont vifs, tranchants et les prismes de l’émail ne sont pas soutenus par de la dentine saine. La douleur à la pression est le signe pathognomonique de la dentinite avancée.
Diagnostic différentiel
Pour la denture temporaire
La carie de la dentine se fait avec la mélanodontie infantile ou les lésions prédominent surtout au niveau de l’émail et sont d’une couleur noire caractéristique.
Chez l’adolescent et l’adulte
Le diagnostic différentiel se fait avec :
- Les hypoplasies partielles ou le fond est dur.
- Les abrasions physiologiques planes ou obliques généralisées dont la surface est dure et polie.
- Lacunes cunéiformes (mylolyse) qui siègent au niveau du collet, à fond dur et poli, différente d’une lésion carieuse.
- Avec la nécrose pulpaire, où les tests de vitalité nous permettent de faire la différence.
- Les pulpites chroniques.
Diagnostic positif
Il repose sur la symptomatologie, le syndrome dentinaire est caractérisé par la présence de douleurs provoquées qui durent jusqu’à 2 mm après l’arrêt du stimulus. Généralement, la radio montre que l’atteinte de la dentine est beaucoup plus étendue que ne le faisait croire l’examen clinique, elle permet aussi de constater les récidives de carie sous les obturations.
Pronostic
Une carie à évolution rapide devient rapidement une carie pénétrante, l’infection atteint la pulpe, qui s’enflamme puis se nécrose avant de gagner le parodonte, la destruction de la couronne a lieu progressivement jusqu’à réduction de la couronne à l’état de racine. Par contre, traitée à temps, le pronostic de la carie superficielle et profonde est bon, celui de la carie à évolution rapide dépend de la réussite du coiffage.
La carie du cément
Rappels sur la structure du cément
Le cément est le 3e tissu dentaire minéralisé, sa teneur en Ca est moins importante que celle de la dentine, mais du même ordre que l’os, il recouvre toute la dentine radiculaire, son épaisseur varie selon sa localisation, avec un maximum au niveau des apex, pour se terminer en biseau au collet, là il recouvre simplement l’émail ou arrive à son contact, toutefois il se peut que la JAC n’existe pas et la dent se trouve à nu, non protégée, d’où après le moindre retrait gingival une sensibilité s’installe avec une atteinte carieuse.
Anatomie pathologique
La première étape consiste en une déminéralisation désordonnée de cette couche cementaire, en suivant particulièrement les faisceaux des fibres collagéniques (fibres de SCHARPEY) qui sont perpendiculaires à la surface cementaire, la progression peut également se faire suivant les lignes d’accroissement cementaire qui sont parallèles à l’axe de la racine, elle aboutit à une déstratification du cément.
Symptomatologie
Ce sont le plus souvent des caries peu profondes, à progression lente, en nappe encerclant la dent, mais il existe aussi des lésions aiguës à progression rapide, elles se développent essentiellement à la limite amélo-cémentaire qui, en raison de son irrégularité, favorise l’accumulation de plaque bactérienne, comme elles peuvent avoir comme point de départ certaines irrégularités de surface.
Progression et évolution
La progression de la carie du cément au niveau de la dentine est similaire à celle de l’émail, cependant, la dentine radiculaire contient beaucoup moins de tubuli dentinaire qu’au niveau de la couronne, de plus, quand elle est directement exposée au milieu buccal, elle devient de plus en plus sclérotique, ceci explique en partie que les caries radiculaires sont peu profondes, la progression s’effectue lentement avec des périodes de destruction tissulaires alternant avec des phases de précipitations minérales.
Diagnostic différentiel
- Il se fait avec les caries cervicales, cependant les caries du cément siègent généralement au-dessous du collet anatomique.
- Avec les érosions radiculaires, dans lesquelles le fond est généralement dur, lisse et les bords mal délimités.
Diagnostic positif
Repose sur la symptomatologie et l’exploration à la sonde.
Évolution et pronostic
- Abandonnée à elle-même, la lésion peut évoluer vers l’atteinte pulpaire.
- Par contre, si elle est prise à temps, le pronostic sera favorable.
Conclusion
La carie est la pathologie la plus répandue dans le monde. Un diagnostic clinique correct de l’atteinte carieuse permet de mettre en œuvre non seulement des techniques de soins et de restauration adaptées, mais aussi des mesures prophylactiques.
Bibliographie
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- ROULET J.F., BLIQUE M. et LASFARGUES J.J. – Prophylaxie et dentisterie adhésive. Votre exercice de demain. Info. Dent. 80:11-20, 1998.
La pathologie des tissus durs de la dent – Odontologie Conservatrice et Endodontie
La santé bucco-dentaire est essentielle pour le bien-être général, nécessitant une formation rigoureuse et continue des dentistes. Les étudiants en médecine dentaire doivent maîtriser l’anatomie dentaire et les techniques de diagnostic pour exceller. Les praticiens doivent adopter les nouvelles technologies, comme la radiographie numérique, pour améliorer la précision des soins. La prévention, via l’éducation à l’hygiène buccale, reste la pierre angulaire de la pratique dentaire moderne. Les étudiants doivent se familiariser avec la gestion des urgences dentaires, comme les abcès ou les fractures dentaires. La collaboration interdisciplinaire avec d’autres professionnels de santé optimise la prise en charge des patients complexes. La santé bucco-dentaire est essentielle pour le bien-être général, nécessitant une formation rigoureuse et continue des dentistes.
La pathologie des tissus durs de la dent – Odontologie Conservatrice et Endodontie

Dr J Dupont, chirurgien-dentiste spécialisé en implantologie, titulaire d’un DU de l’Université de Paris, offre des soins implantaires personnalisés avec expertise et technologies modernes.