Antibioprophylaxie en pathologie bucco-dentaire – Anesthésiologie Dentaire

Antibioprophylaxie en pathologie bucco-dentaire – Anesthésiologie Dentaire

Antibioprophylaxie en pathologie bucco-dentaire – Anesthésiologie Dentaire

Introduction

Un acte en médecine bucco-dentaire peut générer une infection locale, à extension locale ou à distance par voie hématogène, voire généralisée. Chaque acte et chaque patient présente un niveau de risque infectieux qui lui est propre et la pertinence d’une antibiothérapie prophylactique nécessite d’être évaluée compte tenu du risque d’effets indésirables, pour certains mortels (choc anaphylactique), et du risque de sélection de mutants résistants. L’objectif de l’antibioprophylaxie (ABP) est de s’opposer à la prolifération bactérienne afin de diminuer le risque d’infection du site de l’intervention.

Définition

L’antibiothérapie prophylactique (antibioprophylaxie ABP) consiste en l’administration d’un antibiotique dans l’objectif de prévenir le développement d’une infection locale, générale ou à distance, en l’absence de tout foyer infectieux.

Recommandation de l’Antibiothérapie prophylactique

  • Est recommandée selon le risque infectieux du patient et l’acte invasif pratiqué.
  • Est instaurée pour limiter un risque d’endocardite infectieuse ou pour limiter un risque d’infection locale et son extension éventuelle.
  • Son champ d’indication et sa durée de prescription ont été fortement réduits depuis les précédentes recommandations.
  • Est recommandée, chez le patient à haut risque d’endocardite infectieuse, pour tout acte dentaire impliquant une manipulation de la gencive (par ex. le détartrage) ou de la région périapicale de la dent et en cas d’effraction de la muqueuse orale (exceptée l’anesthésie locale ou locorégionale).

Choix de l’antibiotique

Les molécules utilisées pour l’antibioprophylaxie doivent :

  • Être actives sur les microorganismes les plus souvent en cause dans les infections sans viser toutes les bactéries éventuellement rencontrées.
  • Avoir le spectre le plus étroit possible.
  • Ne pas être, de préférence, celles qui sont habituellement utilisées en traitement curatif.
  • Exercer une moindre sélection de résistances bactériennes.
  • Atteindre le site tissulaire concerné à des concentrations supérieures aux CMI (concentration minimale inhibitrice) des microorganismes habituellement responsables, donc :
    • Une prise unique, avec un délai maximum de 90 minutes avant l’acte bucco-dentaire.
    • Dose de charge double de la dose unitaire standard.
    • Être utilisées sur une durée courte limitée à la durée de l’intervention, parfois 24 heures, jamais au-delà de 48 heures (toute ABP supérieure à 24 heures modifie la flore résidente risquant de sélectionner des bactéries résistantes).

Notion de patient à risque d’infection

L’Agence Française de Sécurité Sanitaire des Produits de Santé (AFSSAPS), dans ses recommandations de Juillet 2011 concernant la prescription des antibiotiques en pratique bucco-dentaire, regroupe les patients en trois catégories :

  • La population générale : patients sans facteur de risque considérés comme des « sujets sans risque d’infection reconnu ».
  • Les patients immunodéprimés, à risque d’infection locale et de son extension éventuelle, après évaluation soigneuse avec les médecins concernés (risque A).
  • Les patients à haut risque d’endocardite infectieuse. Les dernières recommandations de la Société Européenne de Cardiologie (ESC) considèrent que les patients présentant une cardiopathie à risque modéré de développer une endocardite infectieuse ne nécessitent plus d’antibiothérapie prophylactique. Ainsi, la notion de « sujets à risque d’infection à distance » a été remplacée par celle de « patients à haut risque d’endocardite infectieuse » (risque B). En accord avec les nouvelles données de la littérature, les patients porteurs d’une prothèse articulaire ont été écartés du groupe à sur-risque de développer une infection à distance.

Actes nécessitant une antibioprophylaxie

Les actes peuvent être non invasifs ou invasifs.

Actes non invasifsActes invasifs impliquant une cicatrisation muqueuse et/ou osseuse
– Actes de prévention
– Soins conservateurs
– Soins prothétiques non sanglants
– Dépose de points de suture
– Pose de prothèse amovible
– Pose de radiographie dentaire intrabuccale
Il s’agit de tous les actes impliquant une manipulation de la gencive, de la pulpe ou de la région péri-apicale de la dent, ou en cas d’effraction de la muqueuse orale.
Certains actes invasifs sont considérés comme mineurs :
– Mise en place de digue (crampon)
– Détartrage
– Soins prothétiques à risque de saignement

L’anesthésie locale ou locorégionale est un acte invasif mais celle-ci ne nécessite pas la mise en place d’une antibioprophylaxie.

Dans la population générale

Une antibioprophylaxie est recommandée avant la réalisation de certains actes invasifs (AFSSAPS, 2011) :

  • Avulsion de dent de sagesse mandibulaire incluse, avulsion de dent incluse, dent en désinclusion, germectomie.
  • Chirurgie préorthodontique des dents incluses ou enclavées.
  • Autotransplantation.
  • Chirurgie osseuse (hors actes de chirurgie maxillo-faciale et ORL).
  • Élévation du plancher sinusien avec ou sans matériau de comblement.
  • Greffe osseuse en onlay.
  • Mise en place d’une membrane de régénération osseuse ou matériau de comblement.

Il est de règle de prescrire l’amoxicilline en première intention, en cas d’allergie aux bêtalactamines, il convient de prescrire de la clindamycine.

Antibioprophylaxie chez l’adulte (d’après : Antibiolor.2017)

AntibiotiquePosologie
Amoxicilline2 g – 1 heure avant l’intervention
Clindamycine600 mg – 1 heure avant l’intervention

Antibioprophylaxie chez l’enfant (d’après : Antibiolor.2017)

AntibiotiquePosologie
Amoxicilline50 mg/kg – 1 heure avant l’intervention
Clindamycine20 mg/kg – 1 heure avant l’intervention (enfant >6 ans)
Azithromycine (hors AMM)20 mg/kg – 1 heure avant l’intervention (enfant <6 ans)
Clarithromycine (hors AMM)15 mg/kg – 1 heure avant l’intervention (enfant <6 ans)

Prescription chez le sujet immunodéprimé

Le patient immunodéprimé présente un risque d’infection locale et/ou générale et ce quel que soit l’origine de son immunodépression, qu’elle soit acquise ou congénitale. Cette immunodépression peut être provoquée par un traitement immunosuppresseur médicamenteux, une chimiothérapie, une corticothérapie au long cours ou liée à une pathologie (diabète, insuffisance rénale, insuffisance hépatique…).

Recommandation de l’ABP chez les patients immunodéprimés (d’après : l’AFSSAPS 2011)

Catégorie d’acteType d’acteRecommandations
Avulsions dentaires et transplantationsDent sur arcade, alvéolectomie, séparation des racines
Amputation radiculaireABP recommandée
Dent de sagesse mandibulaire incluse, dent incluse, dent de désinclusion, germectomie
Chirurgie préorthodontique des dents incluses et enclavées
AutotransplantationPrise en compte du rapport bénéfice de l’intervention et risque infectieux
Chirurgies des tissus durs et des tissus mousExérèse des tumeurs et pseudotumeurs bénignes de la muqueuse buccaleL’intérêt de l’antibioprophylaxie doit être déterminé en fonction du risque infectieux
Freinectomie
Biopsie des glandes salivaires accessoires
Chirurgie osseuse
Actes chirurgicaux en implantologieChirurgie pré-implantairePrise en compte du rapport bénéfice de l’intervention et risque infectieux
Chirurgie implantation
Chirurgie péri-implantites
Autres actes bucco-dentairesAnesthésie locale intraligamentairePréférer une anesthésie locale ou locorégionale

Modalités de prescription d’une antibiothérapie en fonction du risque infectieux

Risque infectieuxActes non invasifsActes invasifs sanglants mineursActes invasifs impliquant une cicatrisation muqueuse et/ou osseuse
Diabète non équilibréxAntibioprophylaxieABP ou antibiothérapie curative jusqu’à cicatrisation muqueuse
Insuffisance rénale chroniquexAntibioprophylaxieAntibioprophylaxie
Insuffisance hépatique+/- AntibioprophylaxieContact hépatologue : prise en charge hospitalière + antibiothérapie
Chimiothérapie anticancéreusexContact oncologue pour antibioprophylaxieContact oncologue pour antibioprophylaxie. Antibiothérapie jusqu’à cicatrisation muqueuse si avulsion
Leucémies et affections hématologiques malignesAntibioprophylaxie si greffe < 3 moisAntibioprophylaxie en cas de neutropénie
ToxicomaniexAntibioprophylaxie si immunodépression ou prise d’héroïne en IV

Patient à haut risque d’endocardite

Il est primordial d’identifier un patient à haut risque d’endocardite pour éviter tout risque infectieux lors d’une intervention ce qui pourrait avoir de graves conséquences à distance. Le questionnaire médical doit cibler ces pathologies cardiaques à risque et l’information doit être complétée par contact avec le médecin traitant et/ou le cardiologue du patient.

Cardiopathie à haut risque d’endocardite infectieuse

  • Antécédent d’endocardite infectieuse.
  • Existence d’une prothèse valvulaire (mécanique ou bioprothèse) ou d’un anneau prothétique.
  • Présence d’une cardiopathie congénitale cyanogène (ex : transposition des gros vaisseaux, tétralogie de Fallot, Syndrome d’Eisenmenger) :
    • Non opérée ou avec une dérivation chirurgicale pulmonaire systémique.
    • Opérée avec shunt résiduel.
    • Opérée avec matériel prothétique.

Certains patients possèdent une carte de prévention de l’endocardite infectieuse remise par leur cardiologue, celle-ci est nominative et précise la cardiopathie du patient.

Actes contre-indiqués

Certains actes invasifs sont formellement contre-indiqués chez le patient à haut risque d’endocardite infectieuse :

  • Anesthésie intraligamentaire.
  • Amputation radiculaire.
  • Transplantation.
  • Réimplantation.
  • Chirurgie péri-apicale.
  • Chirurgie parodontale.
  • Mise en place de matériau de comblement.
  • Chirurgie pré-orthodontique des dents incluses ou enclavées.
  • Chirurgie implantaire et des péri-implantites (contre-indication absolue en cas d’antécédent d’endocardite infectieuse).

Implant dentaire et endocardite infectieuse

La restriction a été levée sur la pose d’implant dentaire chez le patient à haut risque d’endocardite infectieuse et doit être discutée au cas par cas. La seule contre-indication absolue de pose serait en cas d’antécédent avéré d’endocardite infectieuse (Société Française de Cardiologie, 2017 ; SFCO, 2017). Ainsi un protocole pour la pose d’implants dentaires chez le patient à haut risque d’endocardite infectieuse a été proposé :

  • L’hygiène bucco-dentaire doit être parfaite et le parodonte sain.
  • Mise en place d’une antibiothérapie prophylactique une heure avant l’intervention.
  • Réalisation d’un bain de bouche avec une solution de 10 mL de digluconate de chlorhexidine à 0.2% pendant 30 secondes.
  • Pose de l’implant par la technique chirurgicale flapless assistée par ordinateur.
  • Suivi rigoureux par le chirurgien-dentiste pour contrôler la bonne cicatrisation et l’ostéointégration de l’implant et prévenir toute complication infectieuse potentielle.

Les traitements endodontiques

Peuvent être réalisés sous des conditions très strictes :

  • Vérification de la vitalité pulpaire : pas de retraitement endodontique.
  • Mise en place d’un champ opératoire (digue).
  • Réalisation du traitement en une séance à condition que la lumière canalaire soit accessible dans sa totalité.

Ces traitements peuvent donc s’appliquer aux dents monoradiculées voire aux premières prémolaires si les deux canaux sont accessibles. Il n’y a pas de contre-indication stricte pour la réalisation d’un traitement endodontique d’une dent pluriradiculée si toutes les conditions sont respectées. En revanche, l’avulsion sera de mise si l’une de ces conditions ne peut être réalisée.

Prophylaxie

Chez ces patients à haut risque d’endocardite infectieuse, il est nécessaire :

  • D’instaurer un suivi bucco-dentaire tous les 6 mois ainsi qu’une bonne hygiène bucco-dentaire (ADF, 2013).

En effet, il a été démontré que le risque de bactériémie est plus important lors du brossage ou de la mastication au quotidien que pendant un acte bucco-dentaire, qui lui reste occasionnel.

Au niveau des actes bucco-dentaires, tout acte invasif non contre-indiqué nécessite la mise en place d’une antibioprophylaxie. On entend par acte invasif tous les actes avec manipulation de la gencive, de la pulpe ou de la région périapicale. Sont également concernés les cas d’effraction de la muqueuse orale et la pose de la digue.

Conclusion

De nombreuses pathologies et médications définissent le patient comme présentant un risque infectieux. Il est primordial de mener un questionnaire médical rigoureux et de contacter le médecin traitant/réfèrent pour toute information complémentaire. Cela afin de prescrire, s’il est nécessaire, une antibioprophylaxie avant la réalisation d’un acte.

Antibioprophylaxie en pathologie bucco-dentaire – Anesthésiologie Dentaire

  La santé bucco-dentaire est essentielle pour le bien-être général, nécessitant une formation rigoureuse et continue des dentistes. Les étudiants en médecine dentaire doivent maîtriser l’anatomie dentaire et les techniques de diagnostic pour exceller. Les praticiens doivent adopter les nouvelles technologies, comme la radiographie numérique, pour améliorer la précision des soins. La prévention, via l’éducation à l’hygiène buccale, reste la pierre angulaire de la pratique dentaire moderne. Les étudiants doivent se familiariser avec la gestion des urgences dentaires, comme les abcès ou les fractures dentaires. La collaboration interdisciplinaire avec d’autres professionnels de santé optimise la prise en charge des patients complexes. La santé bucco-dentaire est essentielle pour le bien-être général, nécessitant une formation rigoureuse et continue des dentistes.  

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