Les Biofilms Dentaires / Parodontologie
Introduction
La bouche est un incubateur parfait soumis à des fluctuations : la température est de 35 à 36°C ; le pH oscille entre 6,25 et 7,25 ; et l’environnement salivaire procure une humidité propice au développement des micro-organismes. Cependant, la bouche est le site unique dans le corps humain où la présence des tissus durs permet le développement d’une flore particulière organisée en biofilm, appelé « biofilm dentaire ». On comprend dès lors pourquoi le milieu buccal est le siège de deux grandes pathologies d’origine bactérienne : les caries dentaires et les maladies parodontales.
Généralités sur l’écosystème buccal
Le milieu buccal est une niche écologique où cohabitent plusieurs éléments : les muqueuses buccales qui délimitent cette niche, la salive, les aliments, l’organe dentaire, et une flore buccale. Cette dernière renferme une communauté microbienne vivante dans un habitat défini (la cavité buccale) et des éléments abiotiques physiques et biochimiques. Elle est composée de micro-organismes buccaux et de leur environnement. Au sein de cet écosystème, le développement de la communauté entraîne une succession de populations. Le processus commence avec la colonisation de l’habitat par des populations microbiennes pionnières, et comme le processus est continu, la diversité et la complexité de la communauté microbienne s’accroissent.
Définitions
Le terme de la plaque dentaire a été utilisé pour la première fois dans le contexte de la dentisterie en 1898 par GV Black (couche gélatineuse de micro-organismes). Jusqu’en 1969, la plaque dentaire était définie comme un dépôt transparent organisé, composé principalement de bactéries et de leurs produits. Selon Glickman en 1974, la plaque dentaire est un dépôt granuleux, mou, amorphe qui s’accumule sur les faces des dents, sur les restaurations dentaires et sur le tartre. Selon Costerton en 1994, c’est une association de bactéries (d’une même espèce ou de plusieurs espèces), adhérant à une surface, au sein d’une matrice d’exopolymères sécrétée par les bactéries elles-mêmes, parcourue par des canaux aqueux ouverts, contenant différents nutriments.
Il faut distinguer la plaque dentaire de la materia alba. La materia alba est un matériau blanc, crémeux et mou constitué d’agrégats bactériens, de leucocytes, de cellules épithéliales desquamées, et de débris alimentaires. Elle s’accumule à la surface de la plaque ou sur des dents dans une bouche mal propre (OMS 1961). La différence repose sur l’importance de l’adhérence du dépôt : s’il s’enlève par l’action mécanique d’un spray d’eau puissant, le matériau est appelé « materia alba », et s’il résiste au spray d’eau, il est appelé « plaque dentaire ».
Aspect clinique du biofilm dentaire
La plaque dentaire n’est cliniquement détectable que lorsqu’elle atteint une certaine épaisseur. Elle apparaît alors comme un enduit blanc jaunâtre, gris ou même gris jaunâtre. On peut s’assurer de sa présence en raclant la surface dentaire avec la pointe d’une sonde parodontale ou en utilisant une solution révélatrice. Elle est difficilement mise en évidence si elle est présente en petite quantité.

La plaque dentaire est organisée en biofilm dentaire d’épaisseur dépassant 1 mm. Elle a une structure en forme de champignon, aérée et ouverte grâce à des canaux aqueux qui traversent l’ensemble du biofilm. Une quantité appréciable de plaque peut se former dès six heures après un nettoyage complet des dents, avec un maximum d’accumulation atteint en 30 jours.

Distribution des biofilms dentaires
La plaque dentaire se forme n’importe où sur les structures solides de la cavité buccale, lorsque le site n’est pas soumis à l’action mécanique de l’auto-nettoyage normal de la langue, des joues, et des lèvres. Les dépôts de la plaque dentaire sont donc régulièrement présents dans les fissures, les faces occlusales, dans les puits et les irrégularités, même sur les surfaces dentaires lisses, sur les obturations et les couronnes prothétiques (surtout les restaurations mal ajustées), sur les bagues orthodontiques et les prothèses amovibles. La plaque dentaire peut être arbitrairement classée en plaque sus-gingivale, qui se dépose sur la couronne clinique, et en plaque sous-gingivale, qui se situe dans le sulcus ou la poche parodontale.
Composition
L’examen de la plaque dentaire au microscope photonique à transmission révèle la présence d’une multitude de bactéries de types morphologiques différents. La plaque dentaire est composée d’une communauté microbienne riche en bactéries aérobies et anaérobies, enrobée dans une matrice intercellulaire de polymères d’origine microbienne. Elle peut contenir des micro-organismes autres que les bactéries, tels que des levures, des protozoaires et des mycoplasmes. Quelques cellules de l’hôte sont également présentes, comme des cellules épithéliales desquamées et des cellules sanguines (polynucléaires neutrophiles).
Sa composition varie selon sa localisation (supra- ou sous-gingivale), l’hygiène bucco-dentaire du patient, et les différents facteurs de risque associés (génétique, tabac, stress, certaines pathologies générales, etc.). Les matériaux solides organiques et inorganiques constituant la plaque dentaire forment environ 20 % de la plaque bactérienne ; l’eau forme le reste. Les bactéries constituent environ 70 % de la matière solide, et le reste est formé par la matrice intercellulaire.
Micro-organismes
Ils sont représentés par des bactéries, des cellules épithéliales, des leucocytes et des macrophages.
Matrice inter-cellulaire
La matrice constitue 30 % de la masse totale du biofilm. Elle se compose d’éléments organiques et inorganiques provenant de la salive, du fluide gingival et des différents produits bactériens.
Contenu organique
La matrice organique est constituée par un complexe de protéines et de polysaccharides, dont les principaux composants sont les hydrates de carbone et les protéines, qui forment chacun à peu près 30 % du total, ainsi que par des lipides, environ 15 % du total. La nature du restant n’est pas clairement déterminée, mais on retrouve les produits extracellulaires de la plaque bactérienne, les résidus cytoplasmiques de leur membrane cellulaire, les aliments ingérés, les dérivés des glycoprotéines salivaires, les cellules épithéliales de la muqueuse buccale, et des leucocytes.
Contenu inorganique
Les principaux composants de la matrice de la plaque sont le calcium et le phosphore, ainsi qu’une petite quantité de magnésium, de potassium et de sodium.
Formation
L’élaboration de la plaque dépend préalablement de la capacité des bactéries à s’adhérer aux surfaces dentaires. Cette colonisation se fait par l’intermédiaire d’un film organique d’origine salivaire recouvrant les surfaces dentaires : la pellicule acquise exogène (PAE). Elle se forme spontanément quelques minutes après un nettoyage prophylactique des dents. La PAE est principalement composée de glycoprotéines et de protéines salivaires qui se lient aux hydroxyapatites de l’émail.
Quatre étapes sont décrites lors de la formation du biofilm dentaire :
- L’attachement des bactéries à la surface dentaire par une fixation initiale réversible qui devient par la suite irréversible via des systèmes classiques d’attache (pili, fimbriae, etc.) ;
- La prolifération et le développement d’une architecture du biofilm (microcolonie et canalisation d’eau) ;
- La maturation de la structure ;
- Une dégradation du biofilm avec un détachement cellulaire massif (dispersion d’agrégats bactériens).

Pellicule acquise exogène
La PAE est le préliminaire indispensable à la fixation des bactéries pionnières. Elle se présente sous forme d’un film translucide, incolore, mou, réparti de façon diffuse sur les couronnes en quantité un peu élevée près de la gencive. Elle se forme quelques minutes sur la surface dentaire nettoyée. Elle mesure 0,05 à 0,8 micron d’épaisseur, adhère fermement à la dent et continue avec les prismes d’émail.
Colonisation
La colonisation commence par :
Fixation initiale réversible

Elle peut s’établir entre la PAE et les bactéries grâce à des interactions physico-chimiques non spécifiques (forces de Van Der Waals et forces répulsives électriques). Les micro-organismes sont alors facilement détachables par rinçage.
Ancrage irréversible

Une liaison se fait par des interactions de plus courte distance (liaisons ioniques, covalentes, ponts d’hydrogène, et surtout par la reconnaissance de molécules spécifiques). Les bactéries (les colonisateurs primaires) viennent s’ancrer via des systèmes classiques d’attache (flagelles, pili, etc.). Ces bactéries sont appelées pionnières.
Développement
Une fois fixées sur la PAE, les bactéries pionnières contribuent rapidement à la croissance de la plaque dentaire par multiplication cellulaire. C’est la phase de la prolifération bactérienne. Les bactéries s’organisent en micro-colonies dont la différenciation mène à l’élaboration du biofilm dentaire. Les bactéries pionnières permettent ensuite l’agrégation de nouvelles bactéries qui n’étaient pas capables de se fixer à la PAE. Pendant la phase de colonisation du biofilm dentaire, les bactéries adhérentes synthétisent des polymères extracellulaires qui contribuent à l’intégrité structurale du biofilm.
Le biofilm dentaire se développe grâce à :
- L’apparition de nouvelles bactéries ;
- La multiplication des bactéries ;
- L’accumulation de produits bactériens.

Maturation
Lors de cette phase, on observe une modification importante de la taille de la structure résultant de nombreuses multiplications bactériennes. La matrice extracellulaire augmente en épaisseur avec modification des gradients d’oxygène, de substrat, et du pH.

Détachement
Les bactéries sont informées de la densité cellulaire et des interactions cellulaires dans leur environnement. Elles produisent des molécules de signal lorsqu’elles atteignent leur concentration critique. Ce concept est appelé le « quorum sensing ». Le nombre croissant de bactéries induit une profonde carence alimentaire au sein de l’entité. L’appauvrissement nutritionnel au sein de la structure favorise le détachement des bactéries pour pouvoir coloniser d’autres sites.

Pouvoir pathogène du biofilm dentaire
Les micro-organismes colonisant la cavité buccale constituent une menace constante pour les tissus de l’hôte. Dans une bouche saine, les mécanismes de défense de l’hôte s’opposent aux attaques des micro-organismes, mais dès que les micro-organismes triomphent de cette défense, une infection entraînant des dégâts tissulaires se développe. Les bactéries qui se développent au sein des tissus peuvent créer des lésions en libérant des toxines, des enzymes et des déchets métaboliques.
Conclusion
Les santés dentaire et parodontale peuvent être considérées comme un état d’équilibre dans lequel la population bactérienne coexiste avec l’hôte et où aucun dommage irréparable n’apparaît dans les tissus de ce dernier. Toutefois, la maladie peut apparaître quand la composition et les activités métaboliques des communautés du biofilm sont perturbées. Ce changement écologique résulte d’une augmentation des proportions de micro-organismes pathogènes qui possèdent des déterminants enzymatiques et structuraux pouvant les rendre plus virulents que ceux associés à la santé de l’hôte. C’est alors que différents groupes de bactéries pathogènes coopèrent et entraînent la maladie, tandis que, seules, ces bactéries sont incapables de nuire. Le seul moyen simple et efficace pour maintenir les santés parodontale et dentaire reste les soins d’hygiène bucco-dentaire convenables.
Références bibliographiques
- Bouchard P : Odontologie, Parodontologie Dentisterie implantaire, Tome 1 : Edition Lavoisier Médecine Science, Paris, 2015.
- Chardin H et al : Microbiologie en odontostomatologie. Edition Maloine, Paris, 2006.
Les Biofilms Dentaires / Parodontologie
La santé bucco-dentaire est essentielle pour le bien-être général, nécessitant une formation rigoureuse et continue des dentistes. Les étudiants en médecine dentaire doivent maîtriser l’anatomie dentaire et les techniques de diagnostic pour exceller. Les praticiens doivent adopter les nouvelles technologies, comme la radiographie numérique, pour améliorer la précision des soins. La prévention, via l’éducation à l’hygiène buccale, reste la pierre angulaire de la pratique dentaire moderne. Les étudiants doivent se familiariser avec la gestion des urgences dentaires, comme les abcès ou les fractures dentaires. La collaboration interdisciplinaire avec d’autres professionnels de santé optimise la prise en charge des patients complexes. La santé bucco-dentaire est essentielle pour le bien-être général, nécessitant une formation rigoureuse et continue des dentistes.
Les Biofilms Dentaires / Parodontologie

Dr J Dupont, chirurgien-dentiste spécialisé en implantologie, titulaire d’un DU de l’Université de Paris, offre des soins implantaires personnalisés avec expertise et technologies modernes.
Pingback: Le cabinet dentaire & Dispositifs médicaux / Pathologie Bucco-Dentaire - CoursDentaires.com