BIOCHIMIE DE LA SALIVE (Parodontologie)

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1. Définition

La salive est la première sécrétion digestive, un liquide physiologique incolore, alcalin et légèrement visqueux, sécrété par les glandes salivaires majeures et mineures (Ganong, 2005). Ces glandes déversent dans la cavité buccale une salive spécifique, comprenant trois types : la salive parotidienne, la salive sous-maxillaire et la salive sublinguale. L’ensemble de ces salives, mélangé au mucus buccal et aux produits de sécrétion des glandes de la muqueuse buccale, forme la salive totale ou salive mixte.

2. Composition biochimique de la salive

La sécrétion salivaire se compose de constituants inorganiques (anioniques et cationiques, notamment les ions bicarbonates et phosphates) et de constituants organiques, qui confèrent à la salive de nombreuses propriétés.

2.1 Eau

L’eau représente 99 % de la salive. Elle joue un rôle clé dans l’humidification du bol alimentaire, la solubilisation des substances pour la détection des goûts, et influence le pH du flux salivaire, qui varie de 5,3 (faible débit) à 7,8 (débit de pointe).

2.2 Constituants inorganiques

Gaz

Les gaz dissous dans la salive incluent principalement le dioxyde de carbone (CO₂), représentant 20 à 30 % du volume salivaire basal, suivi de l’azote (N₂, 0,9 %) et du dioxygène (O₂, environ 0,2 %) (Liebaut, 2011).

Éléments minéraux

Les constituants inorganiques comprennent l’ion hydrogène (H⁺), les ions sodium, potassium, calcium, chlorures, phosphates, bicarbonates, thiocyanates, halogènes (iode, fluor) et métaux (cuivre, fer). Ces composants, issus d’un transport actif depuis le plasma, ont des concentrations variables :

  • Sodium, chlorures et bicarbonates : Concentrations salivaires inférieures à celles du plasma, dues à une réabsorption active par les cellules des canaux salivaires.
  • Potassium, calcium, phosphates, iode et thiocyanates : Concentrations salivaires supérieures à celles du plasma.

Le tableau suivant compare les concentrations des électrolytes dans le plasma et la salive mixte (stimulée ou non) :

PlasmaSalive mixte non stimuléeSalive mixte stimulée
Na⁺143,31,520-80
K⁺4,12420
Ca²⁺2,21-41-4
Cl⁻100,92230-100
HCO₃⁻27,5115-80
Phosphates inorganiques1,264
Mg²⁺<0,20,20,2
SCN⁻0,052,52
NH₃⁺2-763

(Na⁺ : ion sodium ; K⁺ : ion potassium ; Ca²⁺ : ion calcium ; Cl⁻ : chlorure ; HCO₃⁻ : bicarbonate ; Mg²⁺ : ion magnésium ; SCN⁻ : thiocyanate ; NH₃⁺ : ammoniaque)

Ions sodium, Potassium et Chlorure (Na⁺, K⁺, Cl⁻)

Le retrait de ces ions rend la salive hypotonique, facilitant la discrimination des saveurs salées (Proctor et coll., 2014).

Bicarbonate (HCO₃⁻)

Les ions bicarbonate sont essentiels pour le pouvoir tampon salivaire, prévenant la déminéralisation dentaire. Ils facilitent également la solubilité des macromolécules et modifient les propriétés d’écoulement des mucines (Proctor et coll., 2014).

Thiocyanate (SCN⁻), Iode et Nitrates

Le thiocyanate a une action antibactérienne, en association avec les enzymes peroxydases, tout comme l’iode et les nitrates. Les nitrates salivaires influencent probablement la pression sanguine (25 % des nitrates circulants sont filtrés par les glandes salivaires).

Ions Calcium et Phosphates (Ca²⁺, PO₄³⁻)

Ces ions, partiellement liés à des protéines ou formant des complexes, jouent un rôle dans les mécanismes pH-dépendants de dissolution et de reminéralisation de l’hydroxyapatite. Le calcium influence également l’agencement et la réticulation des mucines (Proctor et coll., 2014).

2.3 Constituants organiques

Les substances organiques représentent 0,30 à 0,34 % de la salive, les protéines étant le principal composant (Pellat, 2010). Environ 2,5 g de protéines sont présents par litre de salive, avec plus de 3000 protéines identifiées (Kaczor-Urbanowicz et coll., 2017). Elles se divisent en :

Protéines extrinsèques

Plus de 2000 composants, issus du sang par diffusion ou transport actif, incluant des hormones (cortisol, testostérone, déhydroépiandrostérone, mélatonine) et des molécules immunologiques (immunoglobuline A, protéine C-réactive) (Bosch, 2014).

Protéines intrinsèques

Environ 400 composants synthétisés localement par les glandes salivaires, incluant :

Enzymes salivaires
  • Alpha-amylase salivaire (ptyaline) : Sécrétée à 70 % par les glandes parotides, elle hydrolyse les liaisons glucidiques des amidons, produisant maltose, glucose, maltotriose et dextrines (Pellat, 2010).
  • Lipase salivaire : Synthétisée principalement par les glandes sublinguales de Von Ebner, elle hydrolyse triglycérides, phospholipides, esters de cholestérol et autres esters (Devoize et coll., 2010).
  • Lysozyme : Représentant 10 % des protéines totales, il possède une activité antiseptique (muramidase) contre les bactéries Gram-positif et les champignons, bien que son efficacité orale soit débattue (Pellat, 2010).
  • Peroxydases salivaires : Actives contre bactéries, virus et levures, elles oxydent le thiocyanate pour produire du peroxyde d’hydrogène. Incluent la lactoperoxydase (LPO-SH) et la myéloperoxydase (MPO, 30-75 % des peroxydases) (Devoize et coll., 2010).
  • Autres enzymes : Collagénases, gélatinases, élastases, protéases, cholinestérases et ribonucléases, avec des rôles antimicrobiens et digestifs (Devoize et coll., 2010).
Protéines riches en proline (PRP)

Représentant près des deux tiers des protéines de la salive submandibulaire (1,335-270 µg/ml) et 70 % de la salive parotidienne (1,251-230 µg/ml), elles incluent :

  • PRP acides : Participent à la formation de la pellicule exogène acquise, maintiennent l’homéostasie du calcium et servent de récepteurs à certaines bactéries.
  • PRP basiques glycosylées : Rôle potentiel de lubrifiant (Devoize et coll., 2010).
Mucines

Glycoprotéines ramifiées (75 % protéines, 25 % glucides), elles représentent 16 % des protéines totales de la salive mixte, principalement sécrétées par les glandes sublinguales. Deux types :

  • Glycoprotéines muqueuses 1 : Haut poids moléculaire (>1 MDa), fortement glycosylées, elles forment les films recouvrant l’émail et les surfaces épithéliales (Pellat, 2010).
  • Glycoprotéines muqueuses 2 : Bas poids moléculaire (200-250 kDa), solubles, elles piègent les micro-organismes via leurs adhésines, facilitant leur élimination par déglutition.

Les mucines polymérisent en milieu aqueux, formant un gel visqueux lubrifiant et protecteur. Leur production augmente avec les stimulations gustatives et masticatoires (Pellat, 2010).

Lactoferrines

Protéines de transport du fer, produites par les neutrophiles des glandes salivaires. Leur clivage libère la lactoferricine, aux propriétés bactériostatiques, bactéricides, virucides, fongicides, anti-inflammatoires et antitumorales (Pellat, 2010 ; Devoize et coll., 2010).

Histatines

Petites protéines (3-5 kDa) riches en histidine, sécrétées par les glandes parotidienne et submandibulaire. Elles ont une activité antifongique (candidacide), participent à la pellicule exogène acquise et stimulent la cicatrisation buccale (Pellat, 2010).

Stathérines

Phosphoprotéines (5 kDa) riches en tyrosine, sécrétées par les glandes parotides et submandibulaires. Elles inhibent la précipitation des phosphates de calcium, empêchant les accrétions minérales et les calculs salivaires, tout en contribuant à la lubrification et à la pellicule exogène acquise (Pellat, 2010).

Cystatines

Sécrétées par les glandes salivaires, elles inhibent les protéases à cystéine bactériennes, protégeant les muqueuses et participant à la pellicule exogène acquise (Devoize et coll., 2010 ; Pellat, 2010).

Défensines

Peptides antimicrobiens (3-5 kDa) incluant :

  • Alpha-défensines : Produites par les leucocytes du fluide gingival.
  • Béta-défensines : Synthétisées par les cellules épithéliales et glandes salivaires, actives contre bactéries, champignons et certains virus (Pellat, 2010).
Immunoglobulines sécrétoires

Principalement l’immunoglobuline A (IgA), produite par le tissu lymphoïde associé aux muqueuses (MALT), notamment les glandes salivaires. Très glycosylée, elle résiste à la dégradation protéolytique et neutralise les micro-organismes sans provoquer de réponse immunitaire (Van’t Hof et coll., 2014 ; Hug et coll., 2007 ; Renegar et coll., 2001).

Facteurs de croissance

Incluent le facteur de croissance nerveux (NGF) et le facteur de croissance épithéliale (EGF), associés à certaines maladies parodontales. Leur origine est probablement sanguine, avec une possible synthèse locale dans la glande submandibulaire (Vidailhet et coll., 2008).

Autres composantes organiques
  • Urée : Environ 2 mmol/L, utilisée pour synthétiser de l’ammoniac, augmentant le pH (Devoize, 2010).
  • Glucose : 0,056 mmol/L.
  • Autres : Créatinine, cholestérol, plus de 3000 ARN, cytokines (TNF, IL-2, 4, 6, 10, IFN-γ, TGF-β) et hormones (androgènes, insuline, hormones thyroïdiennes) sécrétées par la glande submandibulaire (Pellat, 2010 ; Streckfus et coll., 2002 ; Arellano et coll., 2009).

3. Caractéristiques physico-chimiques de la salive

3.1 Débit salivaire

Le débit salivaire varie de 500 à 1200 ml par 24 heures, avec 70 % d’origine parotidienne et 20 % submandibulaire. La sécrétion de repos est d’environ 100 ml/jour, tandis que la sécrétion stimulée est environ dix fois supérieure (0,1-0,5 ml/min, moyenne de 0,3 ml/min).

3.2 Viscosité

La viscosité dépend de la proportion de mucines produites par les cellules muqueuses par rapport aux cellules séreuses. Elle varie selon la glande :

Glande salivaireLa parotideLa submandibulaireLa sublinguale
Viscosité (centipoise)1,53,413,4
ConsistanceAqueuseFilanteTrès visqueuse

(Szpirglas et Ben Slama, 1999)

3.3 pH salivaire

Le pH varie de 5,3 à 7,8, avec une moyenne de 6 à 7 au repos. Il est influencé par l’apport d’hydrogène, le débit salivaire, l’âge, certaines pathologies (diabète, insuffisance rénale) et le pouvoir tampon.

4. Mécanisme de formation

Production de la salive primaire

La salive primaire, formée dans les cellules acineuses, a une composition proche du plasma (isotonique). Elle résulte de gradients osmotiques et de mouvements ioniques (Na⁺, K⁺, Cl⁻) via des canaux ioniques et aquaporines.

Modification en salive définitive

Dans les canaux striés, les ions Na⁺ et Cl⁻ sont réabsorbés, tandis que K⁺ et HCO₃⁻ sont sécrétés, rendant la salive hypotonique (salive secondaire). Ces mécanismes dépendent du débit salivaire, certains systèmes étant saturables.

(Figure 1 : Représentation schématique de l’organisation microvasculaire autour de l’axe sécréteur salivaire avec les principaux sites d’échange – Devoize et coll., 2010)

5. Commande de la sécrétion salivaire

Centre de la salivation

Les centres salivaires (supérieur et inférieur) sont situés dans les noyaux gris centraux du tronc cérébral.

Afférences

Les centres reçoivent :

  • Informations descendantes : Issues du cortex cérébral, elles peuvent inhiber (stress, émotions violentes) ou stimuler (goût, vision) la sécrétion.
  • Informations périphériques : Provenant de la région bucco-pharyngienne et de l’œsophage, via mécanorécepteurs (mastication) ou chémorécepteurs, véhiculées par les nerfs crâniens V (trijumeau), IX (glosso-pharyngien) et XII (grand hypoglosse).

Efférences

Les systèmes parasympathique et sympathique agissent sur des cellules distinctes :

Parasympathique

  • Noyau salivaire supérieur : Les axones empruntent le nerf VII, libérant de l’acétylcholine au niveau des ganglions sous-maxillaires, augmentant l’activité sécrétoire.
  • Noyau salivaire inférieur : Les axones empruntent le nerf IX, projetant vers le ganglion otique, libérant de l’acétylcholine pour stimuler les glandes parotides.

Sympathique

Les neurones préganglionnaires, issus du centre sympathique médullaire cervical, libèrent de l’acétylcholine. Les neurones postganglionnaires projettent vers les glandes salivaires, libérant noradrénaline et dopamine, augmentant la sécrétion de mucus mais inhibant la sécrétion globale via vasoconstriction.

(Figure 3 : Innervation des glandes salivaires – Devoize, 2010)

6. Physiologie salivaire

La salive remplit quatre fonctions principales : digestive, protectrice, excrétrice et endocrinienne.

6.1 Fonction digestive

  • Facilite la formation et la déglutition du bol alimentaire grâce aux mucines lubrifiantes.
  • Participe à la gustation en solubilisant les substances sapides pour leur fixation sur les récepteurs gustatifs.
  • Assure la digestion via l’amylase (parotides et submandibulaires), les protéases et lipases (glandes linguales séreuses).

6.2 Fonction protectrice

  • Protection muqueuse : Les mucines, résistantes à la dégradation, protègent contre le dessèchement, les substances toxiques et les enzymes bactériennes, tout en lubrifiant pour la déglutition et la phonation.
  • Action antibactérienne : Assurée par les peroxydases.
  • Cicatrisation : Renforcée par l’EGF salivaire.
  • Protection dentaire :
    • Inhibition de la déminéralisation grâce aux ions phosphates et bicarbonates (neutralité du pH).
    • Renforcement de l’émail par diffusion de calcium, phosphates et fluor.
    • Nettoyage mécanique des surfaces par le flux salivaire, amplifié par les mouvements des lèvres et de la langue.

6.3 Fonction excrétrice

  • Sécrétion de 0,6 à 1,5 L d’eau par jour, contribuant à l’hydratation.
  • Excrétion de substances (iode, graisses, hormones, anticorps), réabsorbées ou catabolisées, selon leur concentration plasmatique et le débit.
  • Excrétion salivaire notable pour certains médicaments, comme les antibiotiques.

6.4 Fonction endocrinienne

  • Présence d’hormones (NGF, EGF, insuline, kallicréine, rénine) dans les glandes salivaires, principalement submandibulaires.
  • Origine probablement sanguine, avec une possible synthèse locale pour les stéroïdes, l’insuline et la parotine (isolée dans les glandes parotides).

7. La salive comme marqueur biologique

Grâce à sa composition riche en électrolytes et protéines, la salive pourrait remplacer les prises de sang pour certains diagnostics. Le protéome salivaire, avec 1166 protéines identifiées, est impliqué dans les voies de signalisation activées lors d’infections ou de lésions. Les vsalivaires sont déjà utilisés pour détecter :

  • Stupéfiants, ADN, cortisol (biomarqueur de stress).
  • Cancers buccaux et infection par le VIH (via anticorps spécifiques, sans contamination salivaire sauf en cas de plaie).

À l’avenir, la salive pourrait diagnostiquer cancers et maladies cardiovasculaires, offrant un outil non invasif, économique et adapté aux dépistages à grande échelle ou à la médecine humanitaire.

Conclusion

La salive résulte du mélange des sécrétions des glandes parotides, submandibulaires, sublinguales et accessoires (labiales, palatines, linguales, jugales), excrétées via les canaux salivaires. Composée de mucus, enzymes (amylase, lysozyme), immunoglobulines (IgA), eau et électrolytes, elle est modifiée par les cellules canalaires (réabsorption de Na⁺ et Cl⁻, sécrétion de K⁺ et HCO₃⁻). Les glandes salivaires sécrètent également des facteurs de croissance pour le renouvellement épithélial, représentant leur fonction endocrine. Produisant 0,6 à 1,5 L d’eau par jour, la salive protège la muqueuse buccale et les dents, facilite la digestion, l’élocution, maintient le pH buccal, offre des propriétés antimicrobiennes et contribue à l’hydratation.

Pour en savoir plus

  • Devoize L, Dallel R. Salivation. In : EMC (Elsevier Masson SAS) Médecine buccale 2010 ; 28-150-M-10.
  • Pellat B. Salives et milieu buccal. In : EMC (Elsevier Masson SAS) Médecine buccale 2010 ; 28-150-H-10.

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